Article 17 : au ministère de la Culture, la crainte d’un « blocage automatique » trop restreint

Mochon de censure
Droit 5 min
Article 17 : au ministère de la Culture, la crainte d’un « blocage automatique » trop restreint
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-SA 3.0)

Le 15 décembre, au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, sera présenté le rapport « sur les outils de reconnaissance des contenus sur les plateformes de partage en ligne ». Mené conjointement par le Conseil, le CNC et la Hadopi, il prépare la transposition de l’article 17 de la directive sur le droit d’auteur. Point d’étape.

L’article 17 de la directive sur le droit d’auteur ? Cette disposition, autrefois inscrite à l’article 13, vient imposer une responsabilité immédiate de YouTube, Facebook, Twitter et des autres hébergeurs sur les contenus protégés mis en ligne sans autorisation par les internautes. Tous risquent ainsi une action en contrefaçon.

Le texte, préparé et poussé mordicus par la France, offre à ces intermédiaires une alternative pour échapper à ces mâchoires : ou bien signer un accord de licence avec les sociétés de gestion collective, et donc le plus souvent payer pour « liciter » les œuvres diffusées depuis leurs serveurs par des internautes. Ou bien mettre en place un mille-feuille de solutions de filtrage.

Une alternative non rappelée hier sur l’antenne de France Inter, surtout concentrée à fustiger le lobbying de Google durant les débats.

Le plan bien huilé connaît cependant une contrariété. La Commission européenne s’est vue chargée par la même directive d’établir des lignes directrices. Elles sont attendues « prochainement » promettait-elle fin novembre.

Paris déboussolé par les orientations bruxelloises 

Bien plus importantes que leur simple intitulé, ces « orientations » doivent « aider les États membres à mettre en œuvre cette disposition », dans la phase de transposition de l’article 17 dans le droit de chaque État membre. 

Si la Commission a tenu à rappeler avoir « mené un dialogue approfondi avec les parties prenantes afin de recueillir leurs points de vue sur les principaux sujets liés à l’application dudit article », les premières esquisses de ces lignes, révélées cet été, ont été fraichement accueillies au ministère de la Culture. 

Pour mémoire, la Commission a souligné que l’article 17 se devait d’assurer l’équilibre entre protection du droit d’auteur et liberté d’expression. De là découlent plusieurs nécessités : garantir le respect des exceptions comme la courte citation, épargner les contenus signalés comme contrefaisant, mais relevant en réalité du domaine public, et s’assurer de leur originalité.

Un point douloureux pour les ayants droit français, alors que cette question est systématiquement contournée dans les contentieux de masse. Imagine-t-on YouTube conditionner l’activation des systèmes de filtrage rêvés par les ayants droit, à leur démonstration préalable de l’originalité des œuvres défendues ? Soit la démonstration qu'elles sont empreintes de la personnalité de chaque auteur.

Mieux, si pour la Commission, les « contenus vraisemblablement contrefaisants » devraient être fauchés par les solutions de filtrage, les contenus cette fois « vraisemblablement légitimes » devraient, eux, passer entre les lames.

Selon un document préparatoire datant du 23 septembre dernier, dont Next INpact a pu prendre connaissance, ces pistes ont été accueillies au jet d’acide par le CSPLA.

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Extrait du projet de rapport - Crédits : CSPLA

Une « profonde réécriture » de l'article 17

« Le texte des services de la Commission reconstruit ainsi profondément l’équilibre de la directive en introduisant ces notions de contenus susceptibles d’être contrefaisants et contenus susceptibles d’être légitimes, en esquissant des lignes directrices qui réserveraient les blocages aux seuls cas de certitude de contrefaçon ». Ces propos retranscrits dans ce compte rendu préparatoire sont attribués à Jean-Philippe Mochon.

Ce conseiller d’État est en charge de la nouvelle mission lancée le 30 janvier 2020 destinée à dresser un état de l’art et émettre des propositions portant « sur les outils de reconnaissance des contenus protégés par les plateformes de partage en ligne ». Une mission lancée en collaboration avec le CNC et la Hadopi, qui s’inscrit dans le cadre des travaux que Paris a engagés, la directive sur le droit d’auteur à peine adoptée. 

Selon lui, la Commission donne à la protection des exceptions « une place centrale au détriment de l’effectivité des droits ». Et pour cause, « une simple possibilité d’exception impliquerait une paralysie des mesures préventives ». Pour lui, pas de doute, « c’est une profonde réécriture des équilibres envisagés par le texte de la directive ».

Au ministère de la Culture, l’objectif des travaux en cours est d’ « éclairer les choix à retenir pour la transposition et la mise en oeuvre de l'article 17 » en France. Cette transposition se fera sans débat, puisque le gouvernement a obtenu du Parlement le droit de légiférer par ordonnance sur ce point.

La crainte d'un blocage automatique trop limité

Le tout récent projet de loi d’Adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière l’habilite en effet à déborder sur l’espace du législateur, pour tenir le calendrier de transposition. Aucun risque donc d'avoir la même bérézina qu'en 2009 avec la loi Hadopi.

Il demeure que la doctrine en formation à Bruxelles inquiète le conseiller d’État : « affirmant que la protection des usages légitimes ne saurait être assurée seulement par le mécanisme de recours prévu par la directive, le document envisage une très forte limitation de l’efficacité des mesures préventives en affirmant que le blocage automatique doit être limité aux seuls contenus susceptibles d’être contrefaisants ».

Un « blocage automatique » qui devrait donc être plus ample, selon la grille de lecture défendue à la Rue de Valois.

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