Pour notre second magazine, nous avions demandé à l'équipe de CommitStrip de nous raconter une histoire, en lien avec l'un de nos sujets, accompagnée de leurs dessins. Ils ont choisi de nous parler de leur découverte des joies de la domotique et le goût qu'ils y ont pris.
Il y a des années, lorsque j'habitais un petit appartement lyonnais, j'ai eu l'idée d'automatiser l'allumage d'une ampoule. Une idée somme toute banale, le scénario de base étant : SI je suis présent ALORS la lumière s'allume.
Que n'avais-je pas pensé ! Sans le savoir, je venais de mettre le doigt dans un engrenage sans fin qui allait m'occuper pendant une décennie. Car l'exemple de l'allumage automatique de la lampe est l'un des cas emblématiques de la domotique. Simple à première vue, mais qui, en réalité, devient vite complexe.
Je pensais que c'était le scénario le plus basique de la home automation. Mais j'ai eu le sentiment, en allumant cette lumière, de tirer le fil d'une pelote de laine infinie, celle de toutes les questions et enjeux que posent la maison connectée et intelligente au XXIe siècle. Il s'agit d'enjeux importants à de multiples niveaux, et notamment économiques.
Ce n'est pas pour rien que les géants américains se battent pour gagner la bataille de la nouvelle plateforme : la maison. Et ce n'est pas par hasard que des milliers d'objets, de services et d'entreprises ont vu le jour ces dernières années, rendant parfois illisible, complexe et obscur le monde de la domotique.
Depuis mes premières tribulations, j'ai déménagé plusieurs fois, j'ai passé des centaines d'heures sur le sujet, j'ai testé tous les protocoles, j'ai automatisé quasiment tout ce qui était possible dans la maison, avec pas mal de petites anecdotes. Mais avant d'aller plus loin, commençons par le commencement.
Et la lumière fût
Il y a une dizaine d'années, tout a commencé à cause de mon dressing (enfin, c'était plutôt un grand placard). Une toute petite pièce dans laquelle, un week-end d'hiver, je me suis posé cette question toute bête :
« Et si, au lieu d'allumer avec un interrupteur l'ampoule qui pendouillait au milieu du plafond, on l'allumait automatiquement avec un détecteur ? »
Ma première idée est donc d'aller à Leroy Merlin et d'examiner les différentes options qui s'offrent à moi. J'y trouve mon bonheur avec un banal interrupteur/détecteur de présence. Le principe de cet appareil est trivial : lorsque le détecteur détecte un mouvement, il actionne l'interrupteur pour une durée réglable grâce à une petite molette.
On peut aussi régler la sensibilité au mouvement. Cela semble répondre à ma problématique. Ravi de ma trouvaille, j'achète et j'installe. C'est le niveau zéro de la domotique, mais quand même de la domotique, non ? Désormais, quand j'entre dans le dressing, ça s'allume tout seul ! Autant vous dire qu'on est ravis, ma femme et moi.
Mais rapidement, je déchante et me rends à l'évidence : ce n'est pas optimal, et même pire, c'est totalement imparfait. Par exemple, lorsqu'on reste dans le dressing sans bouger, la lumière s'éteint toute seule au bout d'un moment. Ou bien, quand on entre dans le dressing alors que le conjoint dort, la chambre est trop illuminée. Sans parler du gaspillage d'énergie lorsque l'ampoule s'allume en plein jour.
Cela ne va pas du tout.
First world problem
Certains se moquent déjà : « Catastrophe, ton dressing ne s'allume pas tout seul, comment vas- tu faire ? Tu vas survivre ? ». Je l'admets, ça ressemble fort bien à un first world problem, superficiel dont se plaignent inutilement les habitants des pays riches. Toute cette domotique, est-ce bien utile ? Est-ce bien nécessaire ? On me rétorque même que « ça ne sert à rien ». C'est une vraie et légitime objection.
Car à l'heure du réchauffement climatique, où le concept de sobriété numérique émerge, chacun va questionner ses habitudes et ses usages pour décider, à la lumière de ces grandes évolutions, où il décide de mettre le curseur de son confort. Tout le cœur du sujet de la maison intelligente est là. Où placer le curseur du confort de la maison ? Qu'est-ce qui est un standard et qu'est-ce qui est superflu, voire luxueux ?
Aujourd'hui, on sait qu'avoir l'eau courante est un droit, qu'avoir l'eau chaude est une évidence, que le besoin d'électricité est indiscutable. Installer des interrupteurs et des lampes dans toutes les pièces, personne ne le questionnera. Avoir un congélateur, un réfrigérateur, un lave-vaisselle, un téléviseur, des ordinateurs portables et des smartphones, quasiment personne ne le remet en question.
Or, il y a ne serait-ce que cinquante ans, un tel équipement aurait été considéré comme d'un luxe total. Personnellement, vous l'avez compris, je pousse mon curseur assez loin car je pense que rendre sa maison intelligente est raisonnable par rapport aux économies à long terme et au gain de confort.
Le matériel nécessaire est relativement limité et peu coûteux par rapport à toute la maison. On peut équiper une habitation de quatre pièces pour quelques milliers d'euros, voire moins. Cela représente souvent une toute petite fraction du prix de l'achat du bien immobilier. Ce budget sera à mon sens bien dépensé, car il va permettre :
- D'augmenter le confort général : interrupteur général avant de dormir, avant de partir au travail. Gestion automatique du chauffage/climatisation. Sécurité accrue.
- De faire des économies : on va optimiser les dépenses d'énergie, surtout pour le plus gros poste, le chauffage et/ou la climatisation. La dépense sera vite amortie.
En résumé : à mon avis, rendre sa maison intelligente est un choix raisonnable car économiquement rentable et apportant en bonus du confort supplémentaire dans le foyer.
Une box pour la domotique
Revenons donc à mon ampoule de dressing. Je réalise alors qu'il faudrait séparer les deux concepts : d'un côté, on aurait l'interrupteur de l'ampoule, de l'autre, le détecteur de présence. De cette façon, on sépare l'actionneur du capteur, et on peut alors allumer l'ampoule en tenant compte de plusieurs capteurs.
Nous sommes alors en 2014 et j'ai recherché quelque chose du genre « capteur intelligent » et je suis tombé dans le trou du lapin blanc de la domotique ! Après pas mal de lecture, je prends la décision de passer à l'étape suivante de la maison connectée. Je venais de découvrir le principe de s'équiper d'une sorte de centrale domotique qui va jouer le rôle de cerveau et d'orchestrateur de la maison.
C'est assez simple : une « box » domotique reçoit toutes les informations des capteurs (thermomètre, détecteur de présence, etc.) et envoie des instructions aux actionneurs (interrupteur, serrure, vannes, etc.). Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un petit ordinateur dédié à faire tourner un logiciel de domotique.
Je comprends que je vais devoir passer d'une solution hyper basique à un système avec un élément central. Je me demande alors si ce n'est pas un peu surdimensionné par rapport à mon besoin d'allumer une, voire quelques ampoules avec un peu plus de précision. Mais le concept me plaît alors je poursuis mes recherches.
Je découvre des marques comme Fibaro, Vera, Eedomus. Je découvre des protocoles sans fil comme le Z-wave, le Zigbee, Enocean et des protocoles filaires à première vue compliqués comme le KNX. Je lis, je compare, je pèse le pour et le contre.
Déjà, la question du protocole sans fil ou filaire est évidente : pour moi, ce sera du sans fil. Je loue un appartement ancien, il ne s'agit donc pas de tout défoncer pour créer des goulottes pour passer des câbles ! Mais il est vrai que dans une habitation neuve, on peut passer des câbles en avance partout et qu'on peut donc adopter un protocole câblé, qui est forcément plus fiable qu'un protocole wireless.
Après avoir bien réfléchi, je jette mon dévolu sur une box domotique Fibaro Home Center Lite, basée sur le seul protocole Z-wave. Les avis sont positifs et les modules, bien que chers, semblent robustes et fiables. Ce n'est pas open source, mais tant pis.

Et pourquoi pas une simple ampoule connectée ?
Avant d'aller plus avant, étudions l'hypothèse d'un produit simple, qui aurait pu correspondre à mon besoin en théorique : l'ampoule connectée. Son principe est simple, elle intègre un micro-contrôleur qui va recevoir directement les ordres d'allumage ou d'extinction via une application mobile ou une centrale domotique.
Par définition, pour contrôler la lumière, ce contrôleur (i.e. cette ampoule) doit être alimenté en permanence. Vous voyez venir le problème : si quelqu'un appuie sur l'interrupteur (pour allumer) mais en réalité coupe l'alimentation de l'ampoule connectée, elle ne risque pas de s'allumer !
Cette approche ne me convenait pas. Je souhaitais conserver mes interrupteurs pour qu'ils jouent le rôle de capteur : quand quelqu'un appuie sur un interrupteur, cela ne doit pas ouvrir ou fermer le circuit, cela doit envoyer un signal à la centrale domotique qui ensuite décider quoi en faire.
À mon sens, les ampoules connectées autonomes type Philips Hue sont une bonne entrée en matière de domotique, mais restent un gadget, une sorte de pansement sur une jambe de bois.
Ne me méprenez pas : c'est en général du bon matériel, mais la plupart du temps, il vaut mieux domotiser le circuit électrique que l'ampoule, sinon, on multiplie les contrôleurs pour rien. Imaginons par exemple que vous avez une rangée de six spots pour éclairer la cuisine. Si vous les remplacez par six modèles connectés, vous vous équipez d'autant de micro-contrôleurs, alors qu'un seul aurait suffi : en effet, vous n'allumez jamais tous ces spots séparément les uns des autres. Vous vous êtes suréquipés pour rien, vous avez payé plus cher que nécessaire.
Le seul cas où cela pourrait se justifier, c'est en voulant changer la couleur de la lumière des ampoules, avec des ampoules à LED multicolores. Dans les faits, je me suis rendu compte que c'est une fonctionnalité qui m'était rarement utile. En règle générale, la possibilité de varier la puissance de la lumière suffit, et ça, je peux le faire avec les modules Dimmer (variateur). Alors je préfère limiter le nombre de contrôleurs et agir au niveau du circuit.
Interrupteur 2.0
Je reçois donc ma commande, composée de la box avec un micro-module à installer derrière l'interrupteur et un détecteur de présence sur pile. C'est une vraie petite révolution ! Je démonte donc l'interrupteur du dressing, j'insère le micro-module derrière. Puis j'accroche le détecteur au-dessus de la porte du dressing.
Dernière étape : je mets en route la box domotique, j'appaire le micro-module et le détecteur de présence, et c'est parti ! Maintenant, l'ensemble de l'appartement est baigné dans un réseau Z-wave, qui est en quelque sorte comme un réseau Wi-Fi, utilisant une fréquence plus basse (868 MHz par rapport au 2,4 GHz voire 5 GHz du Wi-Fi), ce qui permet au Z-wave d'avoir une meilleure portée et de passer à travers des murs plus épais.
Il est également adapté à la domotique car il crée un maillage entre les composants du réseau : un module ou une prise Z-wave font office de répéteurs pour transmettre les ordres venant de ou allant vers la box domotique. Même pour une vieille maison en pierre, on peut obtenir de bons résultats !

Pour ceux qui s'inquiètent des ondes, le Z-wave n’émet pas en permanence, seulement lorsqu'un équipement transmet une information. Par ailleurs, les transmissions radios Z-Wave sont faibles, 10mW maximum en général, soit 6 à 10 fois moins que du Wi-Fi. Cela a un avantage direct : une très faible consommation.
Revenons à notre interrupteur, dont le principe de base est d'ouvrir ou fermer le circuit électrique, physiquement. Or, désormais, dans mon installation, ce n'est plus le cas ! C'est le micro-module caché derrière l'interrupteur qui ouvre ou ferme le circuit. Le vieil interrupteur (le bouton physique sur lequel on appuie), devient ainsi une sorte de capteur qui permet d'envoyer un ordre au micro-module et à la box domotique.
On comprend alors que, dans la maison, tout est capteur ou actionneur. À ce stade de mon installation, j'ai donc :
- Un micro-module, qui ouvre ou ferme le circuit électrique du dressing et qui permet d'alimenter l'ampoule
- Un capteur de présence, qui envoie un signal à la box quand il y a quelqu'un
- Un capteur bouton, qui envoie un signal à la box quand quelqu'un appuie sur l'interrupteur
- Une box domotique, qui reçoit ces signaux et envoie des ordres en conséquence
Tout fonctionne comme prévu ! Mais ne pensez pas pour autant que l'aventure est finie. Dans la suite de cet article je vous raconterai comment le goût pris pour la domotique à travers cette aventure m'a mené à bien d'autres défis, passant des heures à m'arracher les cheveux pour constituer des scénarios, ajouter des modules, faire correspondre un peu plus l'installation à mes besoins... ce, même après un déménagement.
Retrouvez la suite de ce dossier dans le magazine papier #2 de Next INpact actuellement en bouclage et disponible à la vente. Elle sera diffusé ici dans son intégralité d'ici quelques mois et réservée à nos abonnés, avant d'être accessible à tous, comme l'ensemble de nos contenus.