Réseaux sociaux : le Sénat étend BigBrotherBercy à la lutte contre la fraude sociale

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Droit 5 min
Réseaux sociaux : le Sénat étend BigBrotherBercy à la lutte contre la fraude sociale
Crédits : alexsl/iStock

Le Sénat veut étendre à la fraude sociale, la traque à la fraude fiscale sur les réseaux sociaux et plateformes d’échanges votée l’an passé. Un amendement de Nathalie Goulet (Union Centriste) a été adopté dans l’hémicycle, contre l’avis du gouvernement.

Ce vendredi, les sénateurs poursuivent l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Une disposition fut déjà ajoutée à l’Assemblée nationale afin d’aiguiser la lutte contre les fraudes aux prestations sociales en particulier sur la situation familiale et la résidence.

Deux fraudes parmi « les plus répandues », expliquait la députée Carole Grandjean dans son amendement déposé en octobre dernier. Adopté, il « vise à sanctionner le non-respect des obligations légales » afférentes à ces dispositions, en particulier relative à l’obligation de déclarer son changement de lieu de résidence.

Son amendement, a-t-elle décrit en séance le 23 octobre dernier, consiste à « rendre obligatoire la déclaration de changement de situation. Nous avons en effet constaté que la fraude à la situation familiale et au lieu de résidence était très répandue. Il est indispensable que soient déclarés les changements qui affectent le rattachement des personnes au régime dont elles dépendent ».

Au Sénat, sa collègue Nathalie Goulet, avec qui elle avait rédigé un rapport contre les fraudes aux prestations sociales, a voulu aiguiser cette lutte mais cette fois en s’inspirant de l’expérimentation prévue à l’article 154 de la loi de finances pour 2020.

Derrière cette référence, BigBrotherBercy, à savoir la traque des sources ouvertes permettant ensuite de lancer une enquête des services fiscaux pour certaines infractions.

BigBrotherBercy après sa validation par le Conseil constitutionnel

Avec ce « BigBrotherBercy » révélé dans nos colonnes , le projet de loi de finances pour 2020 a en effet introduit une grande nouveauté dans les armes à dispositions de Bercy : l’expérimentation sur trois ans autorise les services à aspirer les données ouvertes sur les réseaux sociaux, les plateformes de vente et même tous les sites de mises en relation afin de détecter d’éventuelles traces d’indélicatesse fiscales.

Un outil permettant « d’une part, de collecter de façon indifférenciée d'importants volumes de données, relatives à un grand nombre de personnes, publiées sur de tels sites et, d'autre part, d'exploiter ces données, en les agrégeant et en opérant des recoupements et des corrélations entre elles », dixit le Conseil constitutionnel.

Cette traque avait été validée par les Sages au regard des différents garanties apportées par le législateur : un traitement calibré que pour certaines infractions, portant sur les seules données librement accessibles sur les plateformes et délibérément divulguées par les utilisateurs concernés, sans usage de la reconnaissance faciale, etc.

Un dispositif étendu aux fraudes aux prestations sociales, RSA compris

Avec cette fois l’amendement de la sénatrice Nathalie Goulet, repéré par Public Sénat, ces outils Made in Bercy vont pouvoir être également déployés par les services sociaux pour traquer plusieurs infractions en la matière.

Lesquelles ? La liste imposante est dressée par l’article L114-16-2 du Code de la Sécurité sociale : l’escroquerie, les faux commis dans un document délivré par une administration publique, les fausses attestations notamment pour les demandes d’emploi, la corruption de fonctionnaires et agents des administrations publiques, etc. S’y ajoute les malversations visant à obtenir la prime d’activité ou le revenu de solidarité active (RSA).

« La situation de nos comptes sociaux exige une politique forte de lutte contre les fraudes. La période de crise sanitaire a ouvert les vannes des aides publiques notamment aux entreprises, par des biais multiples » explique la sénatrice dans son exposé des motifs. « Le gouvernement refuse les mesures de contrôle a priori du chômage partiel, par exemple au risque d'une fraude massive déjà avérée. C'est pourquoi, pour lutter contre les fraudes sociales, fraudes aux cotisations comme aux prestations, fraude transfrontalière, fraude à la résidence et autres… Il convient de dupliquer les mesures déjà mises en place par l'administration fiscale ».

En séance, le 12 novembre, Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, s’est dit « évidemment très intéressé par le renforcement de la lutte contre la fraude », cependant, le dispositif étant testé par Bercy, « il ne faudrait pas que cette seconde expérimentation ralentisse celle qui est en cours. Deux, ce n'est pas forcément mieux qu'une. C'est pourquoi une démarche par étapes semblait la plus appropriée... »

« Je suis sans état d’âme », pas une « chasse aux pauvres »

« Je suis sans état d’âme, j’assume complètement », commente Nathalie Goulet, jointe par Next Inpact. « Il faut booster la lutte contre la fraude aux cotisations et prestations sociales. On a du mal à faire avancer la législation ».

La sénatrice assure qu’il ne s’agit pas de « lancer une chasse aux pauvres ou une chasse aux étrangers », mais de s’attaquer à une fraude pesant plusieurs milliards d’euros, sachant que selon elle, « le problème du montant est moins important que l’identification des systèmes qui se mettent en place ».

« Notre système de soin et de santé est sur une base déclarative » rappelle-t-elle. « On a plusieurs exemples de gens qui roulent en grosse bagnole tout en étant au RSA. Le ministre des Affaires étrangères des Comores était lui aussi au RSA. Je présume que si on avait regardé son compte Facebook, on aurait vu qui il était et on se serait interrogé ».

« À partir du moment où on avait adopté une expérimentation bien cadrée dans le cadre de l’expérimentation fiscale l’an passé, j’ai trouvé intéressant de l’étendre aux fraudes sociales ». Des fraudes régulièrement épinglées par la Cour des comptes ou dans les rapports de TracFin, un des services du renseignement.

Avec un système déclaratif, sans contrôle a priori et une dématérialisation, « vous avez immédiatement des brèches qui s’ouvrent aux fraudeurs », en particulier les entreprises éphémères. « Ce que je recherche, pouvoir croiser le plus de données possibles pour avoir le plus de clignotants préventifs. On manque de ces clignotants. Je pense que l’outil peut être intéressant. Ces données publiques peuvent apporter des éléments à un dossier de suspicion ».

L’amendement Goulet a finalement été adopté, sur sagesse de la commission. Selon Public Sénat, le vote solennel est fixé au 17 novembre. La commission mixte paritaire sera ensuite chargée d’arbitrer le texte final, entre la version des députés et celles des sénateurs. 

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