Vers une interdiction du Black Friday ?

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Vers une interdiction du Black Friday ?
Crédits : mar1koff/iStock

Alors que la France est à nouveau en confinement, avec de nombreuses interdictions pour les boutiques physiques, la question du Black Friday s’invite dans les débats. Quatre fédérations de commerçants demandent ainsi son « interdiction immédiate », les réactions se multiplient.

Les présidents des Commerçants de France (CDF), du Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC), de la Fédération Française des Associations de Commerçants (FFAC) et de Fédération nationale des centres-villes (FNCV) ont signé une tribune publiée par nos confrères du Journal du Dimanche.

Affirmant représenter des « milliers d’entreprises et d’enseignes de toutes tailles et tous lieux, d’artisans, de travailleurs indépendants », ils disent alerter « du grand danger dans lequel se trouve le commerce de France [...] le fait des nouvelles mesures de confinement, dont nous ne contestons nullement la légitimité sur le plan sanitaire ».

Mais ils s’insurgent contre certaines dispositions qui ne feraient « qu’accroître la scandaleuse inégalité de traitement préexistante entre les commerçants physiques et les marchands du web […] Les grandes plateformes mondiales de vente en ligne redoublent désormais de propagande pour attirer les clients, nos clients ».

Ils demandent ainsi la réouverture des magasins dès le 12 novembre. En attendant, « il est impératif d’imposer la restriction de la vente en ligne aux seuls produits de première nécessité ; et ce sans délai ».

Une convention de Genève de la concurrence

Ainsi, ils demandent rien de moins que « l’interdiction immédiate du Black Friday 2020 », qui ne permet pour rappel pas aux magasins de pratiquer la revente à perte, puisqu’il ne s’agit pas d’une période de soldes. C’est néanmoins une période importante pour les commerçants et les acheteurs, à un mois des fêtes de fin d’année, notamment Noël, qui « ne sera pas une fête normale » a déjà prévenu Olivier Véran, actuel ministre de la Santé.

Les fédérations ne décolèrent pas : « En période de "guerre sanitaire", il faut savoir établir une "convention de Genève" [dont les traités sont axés sur le droit international humanitaire, ndlr] de la concurrence. Celle-ci n’existe plus ; seul le monopole des 'pure players' subsiste. Qui, contrairement à ce dont se gaussent certains, n’ont aucunement remisé ni même réduit leurs campagnes de publicité outrancières appelant nos concitoyens à dépenser chez eux tout de suite – avant que les magasins de France puissent rouvrir –leurs salaires ou autres indemnités de travail partiel ».

« Nous exigeons la fin de l’iniquité structurelle existant entre la communauté des commerçants français et les marchands 100% Web », ajoutent-ils, évoquant des différences en matière fiscale, réglementaire, environnementale, aménagement du territoire, sociale, sociétale, sanitaire, etc. Ils veulent aussi un moratoire sur tous les nouveaux projets d’entrepôts. Pour eux, il ne s'agit que de « bon sens, équité et justice ».

Amazon France n’y voit aucun problème

Hasard ou non du calendrier, cette tribune arrive quelques jours après une déclaration du directeur général d'Amazon France sur BFM TV, vantant l'intérêt de sa place de marché pour les marques :

« J'ai très envie qu'il y ait un Black Friday sur Amazon à la fin du mois de novembre. C’est un moment où les Français font des économies. C’est un moment où les Français préparent Noël et je ne vois pas pourquoi on priverait les Français de cette fête de promotion. Je ne vois pas pourquoi on priverait les entrepreneurs français et les fournisseurs français de cette manne qui est celle du Black Friday ».

Il en profite pour affirmer que l’ecommerce et les boutiques physiques sont « complémentaires », invitant au passage les petites enseignes à se « digitaliser ».  Les quatre signataires lui répondent dans leur tribune : « Ne croyez pas que nous sommes contre la digitalisation du commerce ; c’est au contraire notre priorité stratégique depuis longtemps! Nous sommes mêmes les premiers promoteurs du commerce omnicanal ».

Pour rappel, quelques jours auparavant, Agnès Pannier-Runacher (Ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie) avait demandé et obtenu d’Amazon « la suspension de la campagne sur le pré Black Friday parce que ça n’était pas du tout approprié dans ce moment où 200 000 commerçants vont devoir fermer leurs portes ».

Le revendeur s’était exécuté dans la foulée, mettant en pause sa machine publicitaire.

De son côté, Michel-Édouard Leclerc (président éponyme des hypermarchés) fait part de son incompréhension au Figaro : « J’ai droit de vendre un pyjama de 2 ans car c’est un article de puériculture, mais pas de 3 ans car c’est de l’habillement ! J’ai le droit de vendre un journal, mais pas un livre ! ». Il s’en prend ensuite au Premier ministre : « Monsieur Castex, vous êtes le meilleur employé d’Amazon en France ».

« Le Black Friday est déjà interdit »…

Selon Brune Poirson, ancienne secrétaire d’État à la Transition Écologique, « Le Black Friday est déjà interdit ! Il est terrible pour vous et pour la planète ». Elle fait référence à un amendement adopté durant l'examen du projet de loi de lutte contre le gaspillage de Delphine Batho.

Cette députée dessinait alors le « Black Friday » comme « une vaste opération à la gloire du consumérisme », d'où son objectif de « mettre fin à cette pratique commerciale qui contribue au gaspillage des ressources, glorifie la surconsommation et constitue au final une arnaque par une publicité trompeuse ». La disposition est depuis codifiée à l'article L121-4 du Code de la consommation au point 29.

Cet article ne dit pas que le Black Friday est interdit. Il présume trompeuse la publicité qui donne l'impression « par des opérations de promotion coordonnées à l'échelle nationale, que le consommateur bénéficie d'une réduction de prix comparable à celle des soldes, [...] en dehors de leur période légale ». Un des points mis en avant était qu’une « étude de comparaison de prix réalisée par l’UFC-Que Choisir prouve que la moyenne des réductions effectivement pratiquées est inférieure à 2 % » (l'étude de 2016).

Cette analyse était aussi mise en avant par des députés qui demandaient au gouvernement de reporter le Black Friday 2020, dénonçant une « concurrence déloyale ».

Un contournement « manifeste » des règles encadrant les soldes

En juin dernier, dans une question parlementaire restée sans réponse, Delphine Batho ajoutait que les contrevenants risquaient des peines de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros. Un montant d’amende pouvant même « être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. »

L’élue, à l’origine de l’amendement estimait sans nuance que le Black Friday « contourne de façon manifeste la législation encadrant les soldes, en laissant supposer de façon trompeuse aux consommateurs qu'ils bénéficient de réductions de prix considérables, qui dans la plupart des cas sont factices ».

« Les personnes à l’encontre desquelles il est possible de relever des pratiques commerciales trompeuses sont les professionnels qui mettent en œuvre ces pratiques » rappelle pour sa part la DGCCRF. « Ces pratiques doivent altérer ou être susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, c’est-à-dire, amener ce dernier ou être susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas pris dans d’autres circonstances ».

C’est donc une analyse au cas par cas qui doit s'engager, une analyse imposée par le droit européen.

Quid des French Days (entre autres) ? 

Au-delà des affirmations cavalières, reste surtout aux autorités à initier des procédures pour qualifier comme tel l'événement d'Amazon. Dans ce cas, il faudra aussi se pencher sur d’autres périodes commerciales similaires comme les French Days. Pour rappel, les soldes se tiennent deux fois par an, avec des dates imposées : en janvier et juin de chaque année.

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