Pluton : la planète déchue qui « ne ressemble à aucune autre », avec un cœur gros comme ça

Un ciel bleu et de la neige rouge
Tech 11 min
Pluton : la planète déchue qui « ne ressemble à aucune autre », avec un cœur gros comme ça
Crédits : NASA

Pluton, seule planète découverte par un Américain, a été déchue de son titre. Elle a néanmoins eu droit à une mission d’observation in situ – la sonde New Horizon – nous donnant de superbes clichés de ce monde lointain et gelé qui « ne ressemble à aucun autre ». Accrochez-vous, on part pour un voyage à plusieurs milliards de kilomètres.

Pluton occupe une place à part dans le Système solaire. Et ce n’est pas tant par ses caractéristiques, mais à cause de son classement dans les objets célestes. Elle a été découverte le 18 février 1930 (soit presque une centaine d’années après Neptune), par l’astronome américain Clyde Tombaugh, qui n’avait alors que 24 ans.

Une planète déchue de son titre en 2006

Pour y arriver, il a utilisé « une machine de comparaison des photos de l'espace », rappelle l’Agence spatiale européenne. Cette dernière ajoute que c’était aussi un peu le fruit « du hasard ». Pluton n'est en effet pas assez massive pour perturber notablement l'orbite de Neptune, difficile donc de l’identifier par les calculs par exemple. 

Il faut dire que la planète se trouve entre 4,4 et 7,4 milliards de kilomètres de notre Soleil. Une distance qui la rend parfois plus proche de notre étoile que Neptune, ce qui fut par exemple le cas entre 1979 et 1999. De plus, elle est 50 000 fois moins lumineuse que Mars, ce qui n’aide pas lorsqu’on essaye de la détecter. 

Lors de sa découverte, elle occupait alors la place de neuvième planète du Système solaire et c’était la seule que l’on devait à un Américain… jusqu'à ce qu'elle soit déchue de son titre en 2006 par l’International Astronomical Union (IAU). Elle est désormais considérée comme une planète naine, aux côtés de Cérès et d'Éris par exemple.

Elle a donc « reçu un numéro comme tous les astéroïdes : 134340 », explique l’observatoire de Paris. La raison de ce déclassement est qu’elle se trouve dans la ceinture de Kuiper, un des vestiges de la formation de notre Système solaire, et qu’elle n’a donc pas fait « le ménage » autour d’elle.

Elle reste néanmoins le neuvième plus gros objet connu en orbite autour du Soleil, et elle intéresse les scientifiques, notamment ceux de la NASA, qui lui a dédié une mission entière : New Horizons.

Lire notre dossier sur le Système solaire :

Une année sur Pluton dure… 248 ans

Pluton « ne ressemble à aucune autre. En effet, elle ne s’apparente ni aux planètes telluriques ni aux planètes géantes », explique le CNES. Son orbite est un autre sujet d’étonnement : « comparée à celle des autres planètes, quasi-circulaire et très proche du plan de l’écliptique, elle est la plus elliptique [elle ressemble à un œuf, ndlr] et la plus inclinée », ajoute le Centre National d’Études Spatiales.

La planète naine met près de 248 ans à faire le tour du Soleil : « quelqu'un né sur Pluton n'aurait jamais l'occasion de fêter son premier anniversaire », note avec une pointe d’humour l’ESA. Sa période de rotation (le temps qu’elle met pour faire un tour sur elle-même) est de 6,39 jours terrestres.

Comme son nom l’indique, elle est petite et ne mesure que 2 380 km de diamètre, soit un peu moins que notre Lune. Sa masse est 500 fois plus petite que celle de la Terre et plus de cinq fois moins que celle de la Lune. 

Pluton
Crédits : NASA

P et L : deux lettres qui définissent Pluton à plus d’un titre

L’histoire du nom « Pluton » mérite que l’on s’y attarde. Ce mot signifie « le riche » en grec ancien et il est surtout le dieu des enfers (Hadès). Pluton est le fils de Saturne, frère de Jupiter et Neptune. Il est assisté de plusieurs démons et génies, notamment Charon, qui est le nom d’une des lunes de Pluton découverte en 1978, nous y reviendrons.

Le nom Pluton a été proposé en 1930 par une jeune fille britannique de 11 ans, Venetia Burney. Sa symbolique va au-delà de la seule mythologie. Le symbole astronomique de Pluton est « ♇ », c’est-à-dire un monogramme formé avec les lettres P et L, en hommage à Percival Lowell, à l’origine de la découverte de la planète. 

L’Universalis explique sa contribution : « Au début du XXe siècle, Lowell réalise une étude mathématique approfondie de l'orbite d'Uranus. Il attribue certaines de ses irrégularités à l'action d'une planète invisible située au-delà de Neptune et calcule sa position probable ». Il se trompe dans ses calculs, mais « ces recherches aboutiront, 14 ans après sa mort, à la découverte de Pluton, le 18 février 1930, par Clyde William Tombaugh ».

Une planète froide (-230 °C), New Horizons lui fait coucou en 2015

Pour revenir à notre planète naine, sa surface est « extrêmement froide (-230 °C) et semble être recouverte de glaces », expliquait l’ESA en 2007. New Horizons confirmera ces prédictions. Lorsqu’elle se rapproche un peu du Soleil, elle bénéficie « d'un court été » : « les glaces superficielles se sont transformées en une fine atmosphère ». Lorsqu’elle s’éloigne de notre étoile, elle retourne dans les profondeurs glaciaires du Système Solaire.

Pluton
Crédits : NASA

La planète était relativement peu connue avant l’arrivée de la sonde New Horizons. La seule photo disponible était une bouillie de quelques pixels capturée par Hubble. Si on parle de planète (et pas de planète naine), c’est parce qu’elle n’a été déclassée en planète naine que quelques mois après le départ de la sonde.

Au bout de neuf ans, elle arrive sur place et passe à 12 500 km seulement de la surface de Pluton en juillet 2015. Elle continue ensuite sa route aussi vite qu’elle était arrivée, à près de 14 km/s… soit 50 000 km/h ou encore plus d’un million de kilomètres par jour. La sonde n’avait en effet pas le carburant nécessaire pour se placer en orbite, et cette manœuvre n’était de toute façon pas prévue au programme.

Elle a enregistré un maximum de données, avant de se retourner pour les envoyer. Elle a mis pas moins de 15 mois à émettre l'ensemble des informations collectées durant ce court survol.

Pour la petite histoire, New Horizons – un poids léger de 478 kg – a été lancé par une fusée Atlas V-551 capable d’emmener 20 tonnes en orbite basse et près de 9 tonnes sur une orbite géostationnaire. Pourquoi un lanceur avec une telle puissance pour moins de 500 kg ? Pour donner le maximum d’accélération à la sonde lors de son lancement. Elle est ainsi arrivée au niveau de la Lune en 9h, dans la région de Jupiter en 13 mois.  Record à battre.

Des images superbes, avec… un cœur ou le chien Pluto

Quoi qu’il en soit, les instruments à bord ont analysé la surface et l'atmosphère de Pluton, essentiellement composée d’azote, avec du méthane et du monoxyde de carbone. Ils ont également capturé des photos inédites (et magnifiques), permettant d’obtenir des résultats très intéressants et la confirmation d’hypothèses :

« la surface apparaît sans cratères (surface jeune) et de hautes montagnes en glace d'eau sont présentes. L'atmosphère est créée par la sublimation de la surface. En raison de la grande excentricité de l'orbite, l'atmosphère disparaît complètement à l'aphélie et se reconstitue à l'approche du périhélie ».

Pour rappel, un tour complet autour du Soleil prend 248 ans.

Pour en apprendre davantage sur New Horizons et ses découvertes sur Pluton, on ne peut que vous conseiller de regarder la passionnante conférence organisée par l'Institut d'astrophysique de Paris, présentée par François Forget, directeur adjoint du Laboratoire de météorologie dynamique à Paris :

Il explique notamment que Pluton « a un cœur de caillou, [composé] de silicate comme la Terre, mais par contre elle est entourée d’un manteau de glace d’eau sur 300 km d’épaisseur […]. À -230 °C, la glace d’eau est dure comme du caillou, c’est complètement rigide ». Il ajoute que c’est cette glace qui forme des montagnes et qu’elle est aussi responsable des « fractures » que l’on aperçoit sur la surface.

Pour résumer, les scientifiques pensent que quand Pluton s’est formée, elle était très chaude avec un océan d’eau liquide sous la glace (comme sur Europe). Lorsque la planète se refroidit, la glace se dilate (exactement comme sur Terre avec une bouteille d’eau au congélateur par exemple) et provoque ainsi les éclatements.

Les images de New Horizons montrent aussi un cœur de glace, comprenant une calotte de glace d’azote sur sa partie droite, dont la taille est celle du Texas et de l'Oklahoma.

Le mystère des montagnes enneigées de Pluton

Les montagnes de Pluton sont enneigées, « mais pas pour les mêmes raisons que sur Terre », explique le CNRS dans une publication récente (octobre 2020). Cinq ans plus tard, les données de New Horizons continuent en effet d’alimenter des publications scientifiques.

La sonde « a découvert sur Pluton de spectaculaires montagnes aux sommets couverts de glace, ressemblant de façon frappante aux massifs terrestres. Un tel paysage n’avait jamais été observé ailleurs dans le Système solaire. Mais, alors que sur notre planète les températures atmosphériques diminuent avec l’altitude, sur Pluton, elles se réchauffent avec l’altitude, à cause du rayonnement solaire », explique le Centre national de la recherche scientifique.

Les scientifiques se demandaient d’où venait cette glace et ils ont trouvé la réponse :

« Ils ont d’abord déterminé que cette « neige » des montagnes de Pluton est en réalité faite de glace de méthane, un gaz présent sous forme de traces dans l’atmosphère de Pluton, à la manière de la vapeur d’eau sur Terre […] En raison de sa dynamique particulière, l’atmosphère de Pluton est enrichie en méthane gazeux en altitude. Par conséquent, ce n’est qu’au sommet des montagnes suffisamment hautes pour atteindre cette zone enrichie que l’air est assez chargé en méthane pour  permettre sa condensation ».

La NASA décrit poétiquement la vue que l’on pourrait avoir depuis la surface de Pluton : « ce monde fascinant a un ciel bleu, des lunes tournoyantes, des montagnes aussi hautes que les montagnes Rocheuses et il neige … mais la neige est rouge ». Ce mélange de couleur s’explique, selon l’Agence spatiale américaine, par la présence de petites particules marrons/rouges dans l’atmosphère – des tholines – qui diffusent la lumière du Soleil.

Pluton
À gauche la région de « Cthulhu» de Pluton, à droite les Alpes sur Terre. Crédits : NASA ESA Thomas Pesquet

Cinq satellites naturels, tout droit venus des enfers

Pluton dispose de cinq satellites : Charon, Hydre, Nix, Kerbéros, Styx. Le premier est le plus gros avec plus de 1 200 km de diamètre, la moitié de la planète. Du fait de leurs tailles respectives « proches » on parle de système double.

Charon ne tourne d’ailleurs pas autour de Pluton, les deux astres tournent autour de leur barycentre. Dans le cas de la Lune et de la Terre, le barycentre se trouve à l’intérieur de la Terre, comme avec le Soleil et la Terre (mais il est alors dans notre étoile). Le diamètre des autres satellites oscille entre 10 et 200 km.

Notez enfin que Pluton et ses satellites se baladent dans la ceinture de Kuiper… mais c’est une autre histoire. Nous aborderons dans la suite de ce dossier.

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