Après avoir analysé Zettlr, penchons-nous sur un éditeur de texte radicalement différent : Simplenote. Car en dépit de son support du Markdown, notamment en import, il se distingue par de très nombreux aspects.
Continuons de nous aventurer dans les éditeurs de texte, avec un logiciel qui va à l'opposé du premier que nous avions décortiqué. Ce qui nous permet– grossièrement – d'avoir un aperçu de l'éventail de ces outils.
Á vrai dire, Simplenote ne se présente techniquement pas comme un éditeur de texte, mais comme une solution centrée sur la prise rapide de notes, expliquant son nom. Conçu par Automattic, à qui l’on doit Wordpress, il vient davantage se placer en face d’un Evernote ou d’un OneNote entre autres outils équivalents.
Au sein d’une interface particulièrement épurée et proche des habitudes, il met l’accent sur la simplicité, au détriment parfois des capacités. On lui trouve ainsi autant de qualités que de défauts. Pour mieux le comprendre, plongeons dans cette application multiplateformes qui ne manque tout de même pas d’attraits.
Notre dossier sur les éditeurs de texte :
- Zettlr : prise en main d'un éditeur de texte aux nombreuses qualités
- Simplenote : une prise de notes très rapide, des capacités d'édition de texte limitées
- Typora : un très bon éditeur de texte, multiplateforme, mais encore en bêta
- iA Writer : un spécialiste du Markdown et de la concentration, sans fioritures
- Mark Text : un éditeur de texte encore jeune, mais très prometteur
- Sublime Text : un champion personnalisable de l'édition, mais pas forcément du Markdown
- Visual Studio Code : un éditeur crédible pour la publication et le Markdown
- Joplin : une fusion efficace entre la prise de notes et l’édition Markdown
Interface et généralités
Il y a une évidence au sujet de Simplenote : tout le monde peut le prendre en main. Son positionnement le rend d’autant plus accessible que son interface est extrêmement simple et qu’il est disponible sur les plateformes principales : Linux, macOS, Windows, Android et iOS, en plus d’une version web fonctionnant partout.
Cet aspect est permis par le choix technique retenu par Automattic : Electron. Mais contrairement à Zettlr où l’on pouvait ressentir parfois une certaine lourdeur, ce n’est pas le cas ici. Qu’il s’agisse de sa mouture Linux, macOS ou Windows, le client « desktop » est toujours très rapide. En dépit d’un téléchargement d’environ 130 Mo pour 300 Mo installés, Simplenote se lance vite et est réactif. Sa consommation de mémoire est également très mesurée.

L’accès à Simplenote aurait toutefois pu être plus simple. Deux éléments viennent jouer les trouble-fêtes. D’une part, l’obligation de créer un compte pour s’en servir, ce qui ne plaira clairement pas à tout le monde. D’autre part, sa seule disponibilité en anglais. On s’en étonne, au vu des moyens de l’entreprise.
Cependant, la création du compte déverrouille l’un des meilleurs aspects de Simplenote : sa synchronisation. Très rapide, elle fera immédiatement le lien entre tous les appareils reliés à un compte. C’est d’autant plus agréable que les applications Android et iOS sont d’excellente facture, rendant l’ensemble efficace (nous y reviendrons).
Dans l’absolu, l’interface en anglais n’est pas vraiment un problème… car il y a peu d’éléments d’interface. Ce qui constitue à la fois la plus grande force et la plus grande faiblesse de Simplenote. La présentation est classique, avec une colonne de gauche affichant les notes, et une zone à droite pour la lecture et la modification.
Vous trouviez l’interface de Zettlr discrète ? Celle de Simplenote est dépouillée à l’extrême. Un sentiment renforcé par le thème retenu, très blanc, rehaussé d’un peu de bleu. Une version sombre est disponible. Notez que l’on peut à tout moment replier la colonne de gauche via le petit rectangle situé en haut à gauche de la zone de rédaction.
On peut alors se concentrer pleinement sur le texte. En haut à gauche de l’interface, on trouve le menu hamburger donnant accès aux tags, à l’état de la connexion avec le serveur et l’accès aux paramètres. À sa droite, un champ de recherche fonctionnant aussi bien pour le texte dans les notes que les tags.
Attention cependant, ces derniers devront être pointés avec leur hashtag.
Des fonctions réduites à l’essentiel, peu d’options
La comparaison avec la présentation de type OneNote de Microsoft se tient. Mais pas longtemps : on peut difficilement comparer les socles fonctionnels des deux applications. OneNote contient notamment tout un lot dédié à la présentation du texte. Dans Simplenote, on vous l’a dit, on va directement à l’essentiel.
Il n’existe donc rien pour mettre en forme le texte. On ne peut pas changer la police, aucun bouton n’est là pour marquer des passages en gras ou en italique, il n’est pas question de listes à puces ou numérotées et on trouvera encore moins de fonctions plus automatisées comme la construction d’un sommaire s’appuyant sur les bases.
Cette approche minimaliste, en lien avec l'esprit du Markdown, fait que beaucoup devraient apprécier la prise en main de Simplenote, car il ne demande aucune connaissance particulière, sa courbe d’apprentissage est presque réduite à néant. On l’ouvre, on écrit des notes, elles se synchronisent et on les reprend sur un autre appareil.
En haut à droite, on trouve plusieurs icônes renvoyant aux quelques fonctions proposées. L’œil est une prévisualisation permettant notamment de vérifier l’impact des balises Markdown placées dans le texte. L’horloge fait apparaitre l’historique. Il suffit de déplacer le curseur vers la gauche pour revenir plus arrière dans les modifications. Viennent ensuite la fonction de partage, la corbeille (supprime la note) et le panneau d’information.

Ce dernier contient diverses statistiques (date de dernière modification, nombre de mots, de caractères…) ainsi que deux fonctions : épingler en haut et Markdown. Simplenote n’active pas ce format par défaut, et on ne peut pas le faire pour l’ensemble des notes. Chaque fois que vous voudrez l'utiliser des balises, il faudra l'activer.
La fonction la plus « avancée » de Simplenote reste la création et la collaboration sur des listes de tâches. Ce n’est pas l’orientation première de l’application, et d’autres le font infiniment mieux, mais c’est une possibilité. Les options sont à l’image du reste : réduites à la portion congrue. On y trouve une section pour le compte et la télémétrie (coupée par défaut), quelques options d’affichage (densité d’affichage dans la colonne de gauche, longueur des lignes…) ainsi que les fonctions d’import/export des notes.
Ces dernières utilisent le format TXT standard, mais l’import peut également gérer Markdown (MD).
Les options d’affichage particulièrement se limitent à l’essentiel. On peut par exemple classer les éléments de la colonne par date de modification (par défaut), date de création ou par ordre alphabétique, avec possibilité d’inverse le classement. On peut également classer les tags par ordre alphabétique.
Simplenote propose en outre un mode sombre, tout aussi sombre et dépouillé que le clair.
La place du Markdown dans Simplenote
Elle n’est guère proéminente. Comme on vient de le voir, on ne peut pas présenter Simplenote comme un éditeur de texte spécialisé dans le Markdown. Le langage de balisage est bien pris en charge et fait ce que l’on attend de lui, mais il s’agit davantage d’un comportement optionnel, spécifique à chaque note.
En dépit de cette présence réduite, le Markdown fait ce que l’on attend de lui au sein de l’application. Les balises ont le même fonctionnement que dans Zettlr, et heureusement : c’est tout l’intérêt du langage.

À l’inverse de Zettlr cependant, il n’existe aucune fonction ou raccourci clavier pour insérer des équivalents Markdown. Vous trouviez par exemple que le Ctrl + K était bien utile pour insérer des liens ? Vous ne pourrez pas le faire avec Simplenote. Il faudra l’insérer « à l’ancienne » : dans des parenthèses précédées du texte entre crochets.
De fait, pour utiliser le Markdown, il faut le connaitre. Aucune aide ne vous sera fournie, en dehors de la case à cocher, que l’on peut insérer par un clic droit ou la combinaison Ctrl + Maj + C. pour tout le reste : gras, italique, liste à puces ou numérotées, affichage code, paragraphes…) il faudra en passer par les balises elles-mêmes.
Si l’on est déjà adepte du Markdown, ce ne sera pas un problème, mais certains préfèreront être accompagnés.
Par ailleurs, rien n'est prévu pour les formules mathématiques.
De vraies forces…
Les points forts de Simplenote sont évidents. Quitte à se répéter, l’interface simplissime permet une prise en main très rapide, si l’on met de côté l’interface uniquement en anglais (en tout cas sur ordinateur et dans la version web).
Citons également sa légèreté et sa rapidité, en dépit de l’utilisation d’Electron (ce qui explique d’ailleurs que la version web soit strictement identique aux clients desktop). Les clients eux-mêmes sont bien faits, et tous open source (GPLv2), y compris les applications mobiles pour Android et iOS.
La synchronisation du service est très rapide et ne nous a réservé aucune mauvaise surprise en une semaine d’utilisation. Les changements sont répercutés en deux ou trois secondes dans les autres applications reliées au même compte. Autre point fort : sa gratuité totale. Qu’il s’agisse des applications, du partage ou de la synchronisation, Simplenote ne coûte rien. Il n’y a pas d’abonnement « Pro » ou « Premium », ni achats in-app.
Citons également l’utilisation des tags, la réglette pour revenir dans le temps ou encore la fonction de partage, qui permet notamment de travailler à plusieurs sur une liste de tâches. On apprécie aussi la fonction d’export des données, signe que Simplenote ne cherche pas à garder les utilisateurs dans son giron par tous les moyens.
… et d’évidentes faiblesses
Idéal Simplenote ? Pas si sûr. Car malgré ses nombreuses qualités, l’application comporte de vrais défauts, qui tiennent autant à son interface épurée qu’à ses fonctions parfois étriquées.
Premier constat : on manque de capacités d’organisation. Les notes résident sous forme de liste unique à gauche. En dehors des options d’affichage proposées par Simplenote, point de salut. On ne pourra pas les réorganiser manuellement. On ne peut pas non plus créer de dossiers et, plus globalement d’arborescence. Dommage.
La simplicité a un coût, que l’on retrouve aussi dans la recherche : on peut lancer une requête sur un tag, mais pas plusieurs. Ce peut être un problème lorsque l’on gère un grand nombre de notes, auquel cas des tags croisés permettent de retrouver très rapidement un texte. On aimerait également que les tags puissent être cherchés sans avoir à écrire leur hashtag. De même, on ne peut pas appliquer un même tag à plusieurs notes d’un coup.
L’exportation est en outre limitée. Certes on peut sortir ses données de Simplenote, mais uniquement sous forme de fichiers texte (txt), emballés dans une archive (zip). Mais puisqu’il s’agit de texte brut, on perd toute la structure sémantique des notes, notamment les tags. Rien n’empêche Automattic de proposer une autre méthode. On apprécierait aussi de pouvoir exporter au format markdown (md), l’application sachant uniquement l’importer.
L’interface si épurée mériterait quelques capacités supplémentaires. L’application, si on lui retire les quelques éléments bleus des fonctions (couleur d’accentuation que l’on ne peut pas modifier), est monochrome. Ce qui participe à sa simplicité, mais peut lasser.
Il y a en outre un problème lié plus important : il n’y a rien de prévu pour les différents handicaps de la vision. C’était l’un des avantages de Zettlr, dont les thèmes permettaient de sélectionner l’ensemble de couleurs nous paraissant le plus lisible. La simplicité extrême de Simplenote peut donc nuire à l’accessibilité.
Parmi les reproches que l’on peut formuler, citons également l’absence de correction orthographique (même celle proposée par le système n’est pas supportée), celle des réseaux sociaux dans le bouton de partage, l’impossibilité de créer des rappels pour les tâches ou encore l’absence de notification quand une note partagée est modifiée.
On regrette aussi que certains raccourcis clavier habituels ne soient pas présents, à la manière de ce que fait Zettlr. L’utilisation du Markdown s’en retrouve considérablement simplifiée, avec par exemple Ctrl + I pour l’italique, Ctrl + B (ou G) pour le gras, Ctrl + K pour les liens ou encore Ctrl + Maj + L pour créer une puce.
Les applications mobiles : bien faites et en français !
Les versions pour Android et iOS sont clairement des réussites. Premier point : elles sont extrêmement légères. Entre 5 et 15 Mo à peine, selon la plateforme et le type d’appareil. Une légèreté qui se rend à l’utilisation, tout y étant très réactif. Et – surprise ! – les deux applications sont proposées en français.
On comprend encore moins l'absence du support de notre langue dans les clients classiques.
Les fonctions proposées sont exactement les mêmes que sur ordinateur. On retrouve les notes, leurs options de présentation, les tags, le moteur de recherche, le panneau d’information (qui concentre cependant plus d’actions pour ne pas encombrer l’interface) et bien sûr le Markdown.
L’ergonomie change partiellement pour s’adapter aux petits écrans, même si on la retrouve sur les tablettes. Ne cherchez par exemple par l’œil permettant de prévisualiser le texte en tenant compte des balises. Pour obtenir cette vue, il suffit de faire glisser l’écran vers la gauche. Mieux vaut d’ailleurs connaitre la manipulation, car rien ne l’indique dans l’application.
Dans les options, on retrouve l’aspect plus ou moins condensé de la liste des notes, le tri automatique ou encore le thème. Plateformes mobiles oblige, Simplenote propose de créer un code PIN à six chiffres pour protéger l’accès à vos notes. Simplenote peut profiter également des capteurs biométriques sur les appareils qui en ont, par exemple Face ID sur un iPhone X ou ultérieur.
Les applications mobiles participent largement à la simplicité de l’ensemble. Leur rapidité permet de les lancer rapidement quand on a des informations à saisir, sans avoir à chercher longtemps dans des menus, choisir un modèle ou autre. Elles comportent bien sûr les forces et faiblesses mentionnées plus haut. Si certains points sont rédhibitoires, ils ne seront pas gommés par ces versions mobiles.
Plus un outil de note qu’un éditeur de texte
Simplenote le pointe dès son nom : on est là pour prendre des notes. L’édition de texte n’est là que pour répondre à des besoins particuliers. Le Markdown n’est même pas activé par défaut, et il n’y a aucun moyen de le faire pour l’ensemble de l’application. L’activation se fera au cas par cas, depuis le panneau d’information d’une note.
On ne peut donc pas le recommander comme pur éditeur de texte. Il conviendra en revanche très bien à toutes les personnes cherchant avant tout à écrire et compiler des notes très rapidement, d’autant plus que les données ne sont pas limitées à une seule plateforme et que l’on peut les exporter.
Markdown est davantage présent pour des besoins ponctuels. Simplenote ne conviendra donc sans doute pas à celles et ceux travaillant souvent la présentation et ayant des besoins spécifiques de publication. Reste que l’application, dans son domaine, fait du très bon travail. Particulièrement quand on a des besoins simples et que l’on apprécie les interfaces allant à l’essentiel. En cela, sa promesse est largement tenue.