On estimait jusqu'alors qu'il fallait avoir passé « au moins 15 minutes » à moins d'un mètre (en France) ou 1,8 mètre (aux États-Unis) d'une personne testée positive à la Covid-19 pour être qualifié de « cas contact » potentiellement contaminé. L'agence sanitaire américaine estime désormais que ces « 15 minutes » peuvent être cumulées, sur une période de 24 heures, même avec un masque.
Le Center for Disease Control (CDC) américain vient de mettre à jour sa définition des « cas contacts » en matière de Covid-19, relève le Washington Post.
Jusqu'alors, il s'agissait de toute personne s'étant retrouvé pendant au moins 15 minutes à moins de 6 pieds (un peu moins de 2 mètres) d'une personne testée positive dans les deux jours précédant l'apparition de symptômes ou, pour les asymptomatiques, la date du prélèvement.
L'ancienne définition précisait par ailleurs, au sujet des établissements de santé, que « les brèves interactions sont moins susceptibles d'entraîner une transmission » du coronavirus.
A contrario, pourra désormais être considérée comme « cas contact » toute personne ayant passé un total cumulé de 15 minutes (« par exemple, 3 fois 5 minutes ») auprès d'une ou plusieurs personnes testées positives au cours d'une période s'étalant sur 24 heures, qu'elles aient porté un masque ou non. Le CDC estime en effet que « les masques sont destinés à protéger les autres personnes au cas où vous seriez infecté, et non à vous protéger contre l'infection ».
Le CDC précise par ailleurs que « les facteurs à prendre en compte lors de la définition d'un contact étroit comprennent la proximité (une distance plus rapprochée augmente probablement le risque d'exposition), la durée de l'exposition (une durée d'exposition plus longue augmente probablement le risque d'exposition), si la personne infectée a des symptômes (la période autour de l'apparition des symptômes est associée à un surplus d'excrétion virale), si la personne infectée était susceptible de générer des aérosols respiratoires (toussait, chantait, criait par exemple) et d'autres facteurs environnementaux (s'il y avait foule, une ventilation adéquate, si l'exposition était à l'intérieur ou à l'extérieur) ».
Contaminé malgré masque, blouse, gants et lunettes de protection
Cette modification de la doctrine fait suite à la découverte de la contamination d'un gardien de prison de 20 ans. Après avoir longuement analysé son cas, le CDC est arrivé à la conclusion qu'il avait été contaminé après avoir eu 22 brèves interactions d'environ une minute, pour un total de plus de 17 minutes, au cours d'un quart de huit heures, avec 6 détenus ayant par la suite été testés positifs au coronavirus.
L'agent portait un masque en tissu, une blouse, des gants et des lunettes de protection pendant toutes les interactions. Les personnes infectées portaient quant à elles des masques lors de la plupart des interactions avec lui. Cependant, l'examen des images de vidéosurveillance du centre de détention a montré qu'elles n'étaient pas masquées lors de plusieurs de ces brèves interactions qui se sont déroulées à la porte de cellules et dans une salle de loisirs de la prison.
Cette modification pourrait avoir de sérieuses conséquences dans les écoles, entreprises, administrations, associations, magasins, transports en commun où l’on cumule les brèves interactions. Si la France reprenait à son compte cette redéfinition, il faudrait également revoir l’algorithme de l’application TousAntiCovid, qui ne prend en compte que les seuls « contacts à moins d’un mètre pendant au moins 15 minutes », ainsi que la notion même de « contact tracing » tel qu'effectué par les enquêteurs sanitaires de l'Assurance maladie.
Vers une redéfinition de la notion de « cas contact » en France ?
L'assurance maladie, en charge du « contact tracing » de terrain, qualifie en effet de « cas contact » toute personne ayant été « en contact rapproché » avec une personne positive à la Covid-19 (les « patients zéro ») « jusqu’à 2 jours avant le début des signes de la maladie ».
Elle définit par ailleurs la notion de « contact rapproché » comme relevant de tout « contact sans mesure de protection efficace en face-à-face (masque chirurgical, masque FFP2 ou masque grand public porté par vous ou les autres personnes, hygiaphone) à moins d’un mètre, quelle que soit la durée (conversation, repas, flirt, accolades, embrassades par exemple) et dans un lieu clos ».
Ses enquêteurs sanitaires, de leur côté, sont invités à qualifier de « contact à risque » toute personne qui, « en l’absence de mesures de protection efficaces pendant toute la durée du contact (hygiaphone ou autre séparation physique comme une vitre ; masque chirurgical ou FFP2 porté par le cas OU la personne contact ; masque grand public fabriqué selon la norme Afnor ou équivalent porté par le cas ET la personne contact) :
- a partagé le même lieu de vie que le cas confirmé ou probable,
- a eu un contact direct avec un cas, en face à face, à moins d’1 mètre, quelle que soit la durée (ex. conversation, repas, flirt, accolades, embrassades). En revanche, des personnes croisées dans l’espace public de manière fugace ne sont pas considérées comme des personnes contacts à risque,
- a prodigué ou reçu des actes d’hygiène ou de soins,
- a partagé un espace confiné (bureau ou salle de réunion, véhicule personnel…) pendant au moins 15 minutes avec un cas, ou étant resté en face à face avec un cas durant plusieurs épisodes de toux ou d’éternuement,
- est élève ou enseignant de la même classe scolaire (maternelle, primaire, secondaire, groupe de travaux dirigés à l’université). »
Sur son site, le ministère de la Santé précise pour sa part au sujet de l'application TousAntiCovid que « les téléphones doivent être à proximité pendant au moins 15 minutes à une distance inférieure à un mètre » pour que « chacun enregistre l’autre dans l’historique de son application de manière cryptée », mais également que « ces critères sont définis par le ministère des Solidarités et de la Santé et pourront évoluer dans le temps en fonction de la connaissance de l’épidémie ».
Contacté, le ministère n'a pas été en mesure de répondre à nos questions, mais nous mettrons cet article à jour lorsqu'il nous aura répondu.
TousAntiCovid pour analyser les modalités de transmission ?
Dans son avis du 20 octobre appelant à « un nouvel ensemble numérique pour lutter contre le SARS-CoV-2 », le Conseil scientifique Covid-19 estimait pour sa part que « des programmes de science participative pour mieux comprendre les modalités de transmission devraient être lancés » :
« Les modalités de transmission du virus restent encore mal connues, faute de données précises. [...] En outre, dans sa version actuelle, l’application Stop Covid ne dispose pas des fonctionnalités d’apprentissage du système ni des boucles de rétroaction permettant, dans le strict respect de l’anonymat, de tirer des apprentissages généraux sur la transmission du virus ou sur la formation de clusters notamment.
À titre d’exemple, en cas de contact entre deux personnes, la distance à haut risque de contamination de moins d’un mètre est connue. Mais la durée d’exposition jugée à risque est aujourd’hui moins bien connue. Elle a été établie par convention à 15 minutes par l’OMS et dans la plupart des pays ayant déployé de telles applications.
Il pourrait ainsi être utile de collecter, dans le cadre de plusieurs protocoles de recherche complémentaires, des informations anonymes et volontaires sur les temps de contact, en abaissant par exemple la durée du contact retenu par l’application et en comparant les taux de positivité des personnes contacts en fonction de leurs durées d’exposition. Ces informations sont essentielles pour évaluer et améliorer l’efficacité de l'application Stop Covid et mieux connaître les conditions de transmission. »

« TousAntiCovid devrait être rendue obligatoire »
Le conseil scientifique qualifiait en outre StopCovid, illustration à l'appui, de « mesure barrière supplémentaire venant compléter les mesures existantes et promue comme telle pour empêcher la propagation du virus », et proposait à ce titre de l'inclure comme tel « dans la communication sanitaire sur les mesures barrières » :
« Considérée comme une des mesures barrières, l’utilité de l’application Stop Covid serait majeure dans les lieux à haut risque de contamination c’est-à-dire lorsque les autres mesures barrières ne peuvent être parfaitement mises en œuvre : c’est le cas lorsque la densité de population est importante empêchant le respect de la distanciation (transports en commun, universités et écoles de formation des adultes, rassemblements et événements), les lieux confinés dans lesquels la nécessaire ventilation ou le port du masque ne peuvent être totalement respectés (notamment les restaurants, bars, salles de spectacle).
Le Conseil scientifique juge que l’utilisation de l’application devrait être fortement recommandée, voire rendue obligatoire, dans ces situations notamment lorsque le risque de base est élevé comme dans les zones placées en “alerte maximale”. Considérant que la mise en œuvre actuelle des mesures barrières n’est pas suffisante pour contrôler la diffusion de l’épidémie, cette utilisation serait donc un complément indispensable pour diminuer les risques.
[...] Du point de vue éthique, la forte incitation à son utilisation, voire l’obligation dans certains lieux ou situations doit donc être considérée au regard des mesures restreignant les libertés individuelles comme le couvre-feu voire le confinement. »
TousAntiCovid n'est qu'un « outil de prévention secondaire »
Un point de vue que ne partage pas le Comité de contrôle et de liaison Covid-19 (dénommé « CCL-COVID »), composé de 13 membres chargés d’« associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet ».
Le 13 octobre, la Délégation au numérique en santé (DNS) du ministère des Solidarités et de la Santé lui en effet avait adressé une saisine visant notamment à obtenir son avis sur la nouvelle version de StopCovid :
« Il est proposé de donner une nouvelle impulsion à StopCovid au travers d’un positionnement renouvelé, d’un discours plus simple et d’une communication renforcée. La nouvelle version de StopCovid pourrait ainsi être positionnée comme un geste barrière supplémentaire à disposition du citoyen, notamment dans des situations ou lieux (Transport, restaurant, bar, etc.) facilement identifiables et considérés comme étant plus à risque c’est-à-dire où le respect de la distanciation sociale est plus difficile à mettre en œuvre. A la faveur de ce repositionnement, Stop Covid serait intégré aux supports de communication gouvernementaux existants sur les gestes barrières et la conduite recommandée dans la lutte contre l’épidémie et la promotion de l’utilisation de l’application intégrée aux protocoles demandés aux différents secteurs (restaurants, clubs de sports, ...). »
Le 19 octobre, le CCL répondait n'être « pas favorable au positionnement de «Tous Anti-Covid» (ex StopCovid) comme un geste barrière supplémentaire à disposition du citoyen » :
« Il convient, en effet, de ne pas introduire de confusion dans la communication sur «Tous Anti-Covid». L’expression «geste barrière» doit être réservée à l’utilisation du masque, au lavage des mains ou à la distanciation sociale, outils essentiels de la lutte contre l’épidémie (prévention primaire). «Tous Anti-Covid» s’apparente plus à un outil de prévention secondaire qui s’intègre dans le dispositif de contact tracing, en complément des 3 niveaux existants. »
Rappelant que TousAntiCovid est « un outil au service de la protection de la santé publique », le CCL appelait, sur le plan de la communication, à « promouvoir «Tous Anti-Covid» dans le rétablissement d’une vie sociale «Solidaire» en contribuant à protéger les cas contacts et en leur permettant de rentrer dans un parcours de soins » :
« La promotion de «Tous Anti-Covid» devrait s’appuyer sur les milieux étudiants et leurs associations, les bars, les restaurants, les organisateurs de spectacles, tous les clubs sportifs ainsi que tous les acteurs impliquant des situations à risque dans le regroupement de personnes. »
Entre le changement de définition des « cas contacts » par le CDC, l'explosion du nombre de contaminations de cette « deuxième vague », le passage de StopCovid à TousAntiCovid, le couvre-feu et les annonces à venir de la part du gouvernement, il est louable de penser que de nouveaux rebondissements sont à prévoir.