Copie Privée : l'affaire européenne qui fait trembler les ayants droit français

Harlem Shark

Cette semaine se joue devant la Cour de Luxembourg une étape fondamentale pour l’avenir du système de la Copie privée tel que nous le connaissons. Aujourd’hui, les ayants droit conservent une part des sommes collectées afin de la réaffecter où bon leur semble, dans les limites fixées par la loi. Un litige né en Autriche risque cependant de remettre en cause ce prélèvement.

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PC INpact a déjà évoqué cette affaire née suite à une plainte d’Amazon contre AustroMechana, l’organisme chargé de collecter et de répartir la rémunération pour copie privée en Autriche. Les ayants droit doivent garder une partie des sommes collectées pour les reverser à des établissements sociaux et culturels. Amazon a donc saisi la Cour de Justice pour lui demander si ce prélèvement était oui ou non légitime au regard du droit européen. Le 7 mars, l’avocat général doit rendre son avis, qui est le plus souvent suivi par la CJUE.

Un préjudice entier, une indemnisation rabotée

La Cour de Luxembourg comme la directive européenne de 2001 considèrent que la compensation équitable (vrai nom de la rémunération pour copie privée) indemnise un préjudice. Quel préjudice ? C’est le fait pour une personne physique de pouvoir faire une copie privée d'une œuvre. Quand elle copie ou recopie, la personne ne rachète pas. En contrepartie, le particulier verse une somme qui revient à l’ayant droit. En France, ce montant est collecté sur tous les supports, excepté les disques durs d’ordinateur.

 

Pour revenir au problème soulevé par Amazon en Autriche, reprenons un exemple déjà utilisé. Vous êtes victime d’un accident de voiture. Son responsable doit vous indemniser intégralement. Vous n’accepteriez pas que l’assurance conserve une part plus ou moins importante des fonds pour les réaffecter à ses fêtes de fin d’année, aussi somptueuses soient-elles.

 

En Autriche, la loi oblige les sociétés de perception à conserver 50 % des sommes collectées. Ces 50 % sont-ils bien licites ? Est-ce qu’un ayant droit peut être indemnisé à moitié quand il subit un préjudice entier ?

Des manifestations culturelles, mais pas seulement

Les ayants droit français tremblent à l’idée d’une remise en cause de cette part. Certes, en France, le montant est de 25 %, mais la problématique est parfaitement identique. Quand 100 euros de copie privée sont prélevés sur les supports, seuls 75 euros tombent dans la poche des ayants droit du fait de cette atteinte à leur droit exclusif. Les 25 % manquants - soit en 2010 pas loin de 50 millions d’euros - sont utilisés par les sociétés de collecte (SPRD).

 

Utilisés où ? Selon l’article L321-9 du CPI, les sociétés de perception doivent consacrer 25 % des sommes collectées « à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ». C’est souvent cet article qui est mis en avant par les SPRD pour vanter l’éclatante vertu du système. Les 25 % permettent en effet de financer de beaux festivals, mais ils peuvent aussi servir à arroser des frais d’avocat ou des actions de lobbying. L'article R-321-9 du CPI précise en effet que « l’aide à la création » de l’article L321-9 s’entend aussi « des actions de défense, de promotion et d'information engagées dans l'intérêt des créateurs et de leurs œuvres. »

 

Ces 25 % ont donc un côté moins prestigieux qui est très rarement mis en avant. A deux exceptions près : par un député durant la loi DADVSI (cette vidéo à partir de 1:22) et plus frontalement par le numéro un de la SACEM, Jean-Noël Tronc, lors des dernières rencontres de Dijon :

 

 

Que financent les 25 % ?

Fin 2012, l’association La Culture avec la Copie privée avait dressé une liste des manifestations soutenues avec ces 25 %. On la retrouve encore sur ce site des SPRD. On ne connaît pas l’affectation précise de ces dizaines de millions d'euros.

 

En attendant, en 2010, si « 140 millions d'euros ont été redistribués à plus de 200 000 ayants droit (après prélèvement des frais de gestion de Copie France de 1,15 % à ce titre), 47 millions d'euros [ont été] consacrés à des actions culturelles » rappelait sans plus de détail le Sénat fin 2011. Le rapporteur André Gattolin précisait encore que la part de la rémunération pour copie privée dans les perceptions globales des SPRD était loin d’être neutre :

  • 4,91 % pour la SACD (soit 10,8 millions d'euros)
  • 7 % pour la Sacem (soit 57,2 millions d'euros)
  • 22,18 % pour l'Adami (soit 8,4 millions d'euros)
  • 24 % pour la Sofia (soit 6 millions d'euros)
  • 32,5 % des perceptions globales de la SCPP (soit 21,4 millions d'euros)
  • 37,9 % des perceptions globales de la SPPF (soit 8,6 millions d'euros)
  • 43,36 % de celles de la Spedidam (soit 17,3 millions d'euros)
  • 70,07 % pour AVA (soit 1,8 million d'euros).

D’où l’attention extrême sur l’actualité luxembourgeoise qu'on retrouve encore aujourd'hui chez Copie France, l'organisme collecteur.

Deux scénarios de repli

Que se passera-t-il si les 25 % sont remis en cause devant la CJUE ? Lionel Tardy avait tenté d’anticiper ce bourbier  lors des discussions autour de la loi sur la copie privée. Il avait proposé un amendement astucieux : l’ayant droit perçoit certes 100 % au titre de la rémunération copie privée, mais il est taxé à 25 %. Cela aurait redonné une vraie couleur fiscale à cette ponction. Le prélèvement aurait été affecté au budget général qui, de par la politique culturelle, aurait renvoyé l’ascenseur lors de la loi de finances, une procédure ouverte et contrôlée. L’amendement avait été rejeté lors des débats.

 

A l'occasion des dernières rencontres de Dijon, l’Arp (Société civile de perception et de répartition des auteurs, réalisateurs et producteurs indépendants) a proposé une autre piste. Les SPRD « pourraient contractuellement établir avec leurs adhérents que ceux-ci consentent à rétrocéder 25 % de la compensation intégralement due au profit d’actions culturelles ». En clair, les ayants droit devraient laisser ces 25 % dans les mains des sociétés de gestion collective. Mais l’ARP flaire déjà les coups bas dans la grande famille, par exemple que d’autres sociétés de gestion collective pratiquent « des conditions contractuelles plus intéressantes pour les ayants droit », en gardant par exemple 15 % plutôt que 25 %.

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