Plusieurs députés LREM ont déposé un amendement destiné à étendre la « contribution à l’audiovisuel public » (CAP) à tous les foyers, mais également aux entreprises ayant une activité économique dépassant certains seuils, sans TV. Pour compenser cette généralisation, ils proposent d'abaisser son montant de 138 à 100 euros.
Le projet de loi de finances pour 2021 est une nouvelle occasion pour les défendeurs de la « redevance TV » (ou contribution à l’audiovisuel public, CAP) de plaider en faveur d'une réforme profonde de ce régime. Une réforme initiée sur fond de suppression totale de la taxe d’habitation sur laquelle elle est adossée.
Ce chantier se poursuit en effet. L’impôt fait l’objet d’un dégrèvement progressif depuis 2018 : 30 % cette année-là, puis 65 % en 2019, pour être à 100 % pour une grande majorité des foyers fiscaux en 2020 (80 %) . Elle demeurera encore temporairement pour les foyers plus fortunés.
Il en appelle un autre, mécaniquement : celle de la contribution à l’audiovisuel public qui participe aux finances non seulement des chaines publiques, mais également de Radio France.
Profitant de cette fenêtre, les sociétés de gestion collective plaident depuis des années en sa faveur. En 2013, la SCAM, qui représente les créateurs qui font « la richesse documentaire de l’audiovisuel, de la radiophonie et des nouveaux médias », proposait une redevance de 160 euros, étendue aux PC, tablettes et mobiles. Cinq ans plus tard, elle plaidait pour une ponction de 150 euros, toujours élargie à tous les écrans en capacité de réceptionner la télévision d’une manière ou d’une autre.
« Il est temps de prendre acte de la diversité des usages et des terminaux qui permettent de regarder des programmes de l’audiovisuel français », insistait la société de gestion collective, en quête de « modernisation de la contribution ».
Ces vœux n’ont jamais trouvé écho auprès du Père Noël de Bercy. Et la déception perdure pour 2021. Le gouvernement maintient le cap de la CAP à 138 euros, sans l’indexer sur l’inflation cette année encore. Les regrets de la SCAM n’ont pas tardé, tout comme des initiatives parlementaires destinées à corriger ce tir.
Une redevance étendue à tous les foyers et à des entreprises
Dans un amendement I-2780 déposé en séance, plusieurs députés LREM dont Bruno Studer et Aurore Bergé souhaitent en effet engager cette révolution.
Ils veulent élargir la contribution à l’ensemble des foyers fiscaux, comme la SCAM. Le prélèvement ne s’appuierait donc plus sur la seule détention d’un « appareil récepteur de télévision ou dispositif assimilé permettant la réception de la télévision », mais à l'existence d'un foyer.
Dans leur foulée, les parlementaires comptent étendre aussi cette douloureuse à l’ensemble des personnes morales ayant « une activité économique », du moins celles dépassant deux seuils à partir de plusieurs critères définis par décret (nombre de salariés, montant HT du chiffre d’affaires, et enfin les ressources et le total du bilan).
Le point est important : adoptée, la réforme permettrait donc de collecter la redevance TV même dans les foyers ou dans les entreprises concernées qui ne disposeraient pas de poste de TV. Pour en comprendre l'ampleur, l’an passé, les documents budgétaires indiquaient que 27,96 millions de foyers payaient déjà la contribution... mais sur un total d'une quarantaine de millions.
« Rappelons que la CAP finance également les radios du service public et l’ensemble des émissions de qualité disponibles en replay sur internet », plaident les parlementaires.
De 138 à 100 euros, de 0 à 100 euros
« Les ménages français s’acquittent déjà de la CAP. Il ne s’agit en aucun cas de créer une nouvelle taxe mais à l’inverse de poursuivre la déflation fiscale engagée dans l’Acte 2 du quinquennat » défendent les députés. « Cette déflation fiscale profitera aux Français puisque son montant bénéficie d’une baisse importante, tout en faisant mieux contribuer les entreprises sur le modèle allemand ». Une réforme qui, dans le même temps, « bénéficiera à l’ensemble de nos concitoyens par le renforcement du service public audiovisuel ».
Les ménages qui payent déjà la redevance verront en effet le montant de la douloureuse fondre de 138 euros à 100 euros, montant suggéré par les élus (ou 64 euros dans les départements d’outre-mer, contre 88 euros aujourd’hui). Mais les ménages qui n’en détiennent pas, eux, passeraient de 0 euro à 100 euros.
Une déflation pour les uns, une déflagration pour les autres.
Les députés prévoient toutefois plusieurs exonérations, parfois élargies par rapport au droit actuel. Ne paieraient toujours pas : les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés, les contribuables âgés de plus de 60 ans « ainsi que les veuves (veufs) dont le montant des revenus de l'année précédente n'excède la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (avec prise en compte d’un plafond de revenus pour un enfant majeur rattaché en recherche d’emploi) et [les] titulaires du RSA ».
« L’élargissement de ces exonérations en vigueur consiste à les déclencher dès lors qu’une personne au sein du foyer se trouve dans la situation précitée », prévient l’exposé des motifs.
« Ainsi renforcés, les médias du service public auront les moyens de répondre aux attentes clairement exprimées par les téléspectateurs, d’une proximité et d’une régionalisation plus affirmée », ajoutent les élus.
« Après des années d’hésitation notamment sur le modèle de France 3, il est temps pour la chaîne de se diriger vers un modèle plus régional que national et ainsi, d’accueillir plus de programmes régionaux aux heures de grande écoute, potentiellement dans les langues régionales, accessibles sur toutes les boxes, et de donner mieux leur place aux documentaires de qualité produits en région avec le concours du CNC ». Un sujet que suit de près la SCAM...
Les cafés, hôtels, restaurants, discothèques durement touchés
D’autres amendements ont été déposés sur ce terrain. Ainsi, la députée Pascale Fontenel-Personne (MoDeM) entend réduire de moitié le montant de la redevance payée par les cafés, bars, débits de boisson, hôtels, restaurants et établissements de nuit.
Sans mal, elle rappelle que « les CHRD (cafés, hôtels, restaurants, discothèques) et les entreprises du tourisme sont dans une situation économique d’une gravité extrême compte tenu de l’obligation de fermeture administrative et de l’interruption brutale des flux touristiques. Cette situation s’est encore aggravée avec les fermetures successives ordonnées ces dernières semaines des restaurants et bars puis désormais des bars dans les zones d’alerte maximale ».
Elle cite l’exemple d’un hôtel de 30 chambres situé en France métropolitaine, possédant un total de 35 postes de TV au 1er janvier 2020. Avec le barème actuel, qui comprend un tarif majoré pour ce genre d’établissement, il « devra s’acquitter d’une contribution à l’audiovisuel public en 2020 égale à 3 429,30 euros ».
D’autres députés, dans le camp LR ou du PS et même LREM, ont déposé des amendements identiques.
Le RN veut supprimer la redevance
Du côté du Rassemblement national, la mesure est plus forte encore : les élus souhaitent tout simplement la suppression de cette redevance. « Le présent projet de loi de finances prévoit la suppression de plusieurs dépenses fiscales jugées inefficientes. La contribution à l'audiovisuel public est l'archétype de l'impôt inefficient. Les recettes perçues recouvrent à peine les coûts de son recouvrement ».
Selon eux, « l'augmentation considérable du prix de cette contribution (+20 euros en 10 ans) n'a pas été accompagnée d'une amélioration tangible de la qualité des programmes de l'audiovisuel public ».