Dans une tribune intitulée « La dangereuse hégémonie des géants du Net et de leurs services commerciaux », publiée dans Le Monde, le président de la SNCF et le PDG de l’agence de voyages Voyageurs du monde déplorent fermement les dangers portés par certains géants, comme Google, vis-à-vis des consommateurs, mais aussi de l'économie française et européenne.
Une menace « insidieuse, parce que silencieuse »
Pour Guillaume Pépy, président de la SNCF, et Jean-François Rial, numéro un de Voyageurs du monde, « Internet est un outil de liberté et d'ouverture sur le monde », notamment en ce qu’il permet aux internautes de préparer leurs voyages de manière beaucoup plus pratique, par exemple pour « chercher une destination, comparer des tarifs, acheter des billets, réserver un hôtel »...
Seulement, ils voient un danger à l’hégémonie de « géants, pour la plupart américains ». Dans leur ligne de mire, se trouve notamment Google, qui, outre son moteur de recherche, propose « aussi un comparateur des offres de transport et d'hébergement, un éditeur de contenus avec Zagat (guide de restaurants) et Frommer's (guide de voyages), et un éditeur de services avec Google Flights (comparaison des offres aériennes) ».
Problème selon eux : Google se retrouve ainsi « dans la position d'orienter l'internaute sur toute la chaîne de valeur, de la recherche à la réservation », ce qui leur permet de douter de la neutralité des informations fournies par la société de Mountain View. D’après Guillaume Pépy et Jean-François Rial, « Google revendique l'exhaustivité et la pertinence des résultats de ses recherches. Mais ces résultats pourraient être biaisés à son seul bénéfice. Et l'utilisateur ne sait rien de la manière dont ses données privées sont utilisées pour lui présenter des résultats adaptés à son profil... et au profit des annonceurs ». Les deux patrons soulèvent ainsi la présence d’une menace « puissante », « mondiale » et « insidieuse parce que silencieuse ».
Des propositions pour un cloisonnement des informations commerciales
Mais au-delà du consommateur européen, « dont les choix seraient rétrécis et orientés sans qu'il le sache », les deux patrons défendent aussi les intérêts, légitimes, de leurs entreprises. Ils expliquent ainsi pressentir « un tsunami économique » qui pourrait balayer le modèle des industries du transport et du tourisme.
Afin d'y faire face, Guillaume Pépy et Jean-François Rial militent pour une séparation de « la recherche d'informations des services commerciaux consacrés au tourisme et aux transports, dans lesquels la concurrence est nécessaire ». Tout en réclamant plus de transparence, ils proposent également la mise en place d’un « organisme de surveillance indépendant, chargé de garantir le respect des règles de conduite ». Et pour réunir d’autres acteurs qui pourraient se sentir concernés, les deux patrons précisent que « tous les secteurs marchands du Net sont concernés ».
D’après eux, c’est « l'avenir de l'économie digitale française, européenne, [qui] est en jeu », dans la mesure où « sans réaction, elle passera sous la tutelle de grands écosystèmes très fermés, tous assis sur une maîtrise de plateformes logicielles propriétaires, orientant le consommateur comme bon leur semble ». Ils concluent : « Et ce n'est ni le consommateur ni le citoyen qui y gagnera ».