Cliff Bleszinski, le créateur de la série Gears of War a publié un long billet sur son blog prenant la défense de la position d'Electronic Arts concernant les micro-paiements dans les jeux. L'homme se dit aussi agacé par le marché de l'occasion et par le fait que l'on voie EA comme des méchants alors que tout est permis à Valve. Ambiance.
Dans son billet intitulé « Nickels, dimes and quarters », Cliff Bleszinski, le créateur de la série Gears of War revient sur les dernières déclarations d'Electronic Arts concernant l'implémentation de micro-transactions dans l'ensemble de leurs prochains jeux. Sans langue de bois, il défend la position de l'éditeur : « ces compagnies existent pour produire, commercialiser et expédier de bons jeux dans un seul but. D'abord pour l'argent, et ensuite pour la réputation ». Certaines se focalisant davantage sur le premier point que d'autres.
Des coûts trop importants, mais seulement au niveau du développement
Premier argument retenu par le développeur : le besoin de rentabilité des éditeurs de plus en plus pressant tant leurs coûts augmentent, alors que les actionnaires demandent également de plus en plus de profits. « Quand les éditeurs sont côtés en Bourse, ils doivent répondre à leurs actionnaires. Cela veut dire qu'ils doivent se faire un tas d'argent pour augmenter la valeur des actions, et ce chaque trimestre », plaide-t-il.
« Pour produire un jeu de bonne qualité, cela demande des dizaines de millions de dollars, et si l'on ajoute le marketing le budget peut dépasser les 100 millions. Sur le marché des jeux AAA pour console, vous devez dépenser un tas d'argent pour des spots publicitaires à la télévision, sans compter tous les autres artifices, comme les fêtes pour le lancement, et l'agence marketing branchée qui vous demande des sommes astronomiques pour rendre quelque chose "viral" », explique Bleszinski. Seulement, ces dépenses pour la publicité, ce n'est pas ce qui rend un titre meilleur. Toutefois, elles sont nécessaires afin de toucher un public plus large.
Vient également la question de la localisation des studios. Ils ont pour la plupart situés dans la baie de San Francisco, où le coût de la vie est très élevé, ce qui induit de forts salaires pour les employés des studios. « Ces artistes talentueux, programmeurs, designers, et producteurs, qui passent leur temps à construire les jeux que vous aimez, ils ont besoin de manger et de nourrir leurs familles. (Ce que l'actuelle génération d'hipsters semble oublier un peu trop souvent) ». Tous ces coûts justifient selon lui la recherche de nouvelles sources de revenus, d'autant que « rapporté à l'inflation, le prix des jeux n'a jamais été aussi bas ».
Valve en fait autant, mais à une meilleure image
L'homme pointe également du doigt que cette pratique est en fait déjà tolérée et acceptée par de nombreuses personnes et cite l'exemple de Valve, qui propose déjà sur Team Fortress 2 des objets optionnels contre de l'argent.
« J'en ai marre qu'EA soit vu comme le "méchant". Je pense que c'est vraiment n'importe quoi de voir des "mèmes" à propos de "scumbag EA" sur Reddit alors que les gentils chez Valve ne font jamais rien de mal. Ne vous y trompez pas, je suis un grand fan de Gabe et de tout ce qu'il fait. Cependant je n'arrive pas à comprendre que les joueurs ne voient pas que Valve est une boite comme les autres. Quand Valve demande 100 $ pour une bague de fiançailles sur Team Fortress 2 tout le monde trouve ça cool, et quand EA essaye de faire quelque chose de similaire c'est mal. Oui les gars, je suis désolé de devoir vous le dire, mais Valve est aussi une entreprise qui cherche a se faire autant d'argent que possible. Ils ont juste un meilleur contrôle de leur image de marque » lâche-t-il.
Pour éclaircir un peu ces propos, il est important de définir ce que sont les mèmes. Il s'agit d'images souvent publiées sur des plateformes comme Reddit où apparait un personnage, à qui l'on attribue certains traits de caractère. L'un d'entre eux, « Scumbag Steve » reconnaissable à sa casquette marron est l'archétype de l'ordure de base, or EA est souvent illustré de la sorte, comme le montre Cliff Bleszinski dans son billet, avec une image du logo EA portant cette casquette. En légende on peut y lire « Lance un jeu médiocre et survendu : DLC dès le premier jour ». A contrario il est surtout retenu de Valve des initiatives comme le passage en Free-to-play de Team Fortress 2, qui lui valent l'étiquette de « bon gars ».
Le créateur de Gears of War y va également de sa remarque au sujet du déficit d'image d'Origin « Les gens aiment bien taper sur Origin, mais ils oublient que pendant un bon moment, Steam c'était de la merde. Personne ne les prenait au sérieux, quand Gabe a parlé de son projet lors du GDC à mes anciens collègues, ils ont répondu en levant les yeux au ciel. (Qui rigole maintenant ? Tout Valve.) Il a fallu à Valve des années pour que leur service décolle et atteigne son orbite actuelle ».
Les micro-paiements et les DLC sont une nécessité pour l'industrie
« Personne ne semble contrarié quand Blizzard annonce qu'on peut acheter un animal de compagnie dans World of Warcraft, un jeu qui vous réclame déjà un abonnement mensuel », clame Bleszinski. Peut-être est-il important de préciser que l'achat d'un animal n'influe pas sur l'expérience de jeu du MMO de Blizzard, c'est purement cosmétique. Acheter des ingrédients pour concevoir une arme dans Dead Space 3 est déjà quelque chose de plus dérangeant. Cela revient tout simplement à faire payer l'équivalent d'un cheat code.
L'homme parvient même à justifier l'intérêt des DLC pour l'industrie qui selon lui va au-delà du fait de juste encaisser une dizaine de dollars supplémentaires : « Le marché se trouve à un tournant où l'ancien modèle économique pourra soit évoluer, croître ou tout simplement mourir. Personne ne sait vraiment si le modèle "free-to-play" qu'on devrait plutôt appeler "free-to-spend-4-grand-on-it" est là pour durer ou non. [...] Chaque jeu sur console doit avoir un flux continu de DLC parce que sinon, devinez quoi ? Il sera revendu, ou alors juste loué. Sur le marché des consoles, vous devez faire tout votre possible pour que votre disque reste sur l'étagère ». Les DLC auraient donc pour principal but d'étouffer le marché de l'occasion ?
Bleszinski a d'ailleurs de vives rancunes contre ce marché, qualifiant de choquantes les méthodes employées par Gamestop, et leur prédisant un avenir du même acabit que celui de Tower Records. « Rappelez-vous que si tout le monde achetait ses jeux d'occasion, il n'y aurait plus de jeux », affirme-t-il. Nous vous laissons seuls juges du bien-fondé d'une telle déclaration.
La minorité bruyante contre le reste du monde
Concernant les critiques maintes fois répétées par les joueurs sur les sites spécialisés, et les forums, l'avis du créateur de Gears of War est plutôt tranché. « Si vous ragez à ce sujet sur les forums de GAF d'IGN ou de Gamespot, devinez quoi ? Vous êtes la minorité bruyante. Le joueur moyen qui n'achète que son Madden et son GTA tous les ans ne sait rien ou se fout de tout ça. Il n'a aucun problème a dépenser quelques billets en plus pour un jeu parce que... hé ! Pourquoi pas ? ».
« Il y a des tas de gens malins qui travaillent chez EA, et ils ne tenteraient pas ce genre de choses si elles ne marchaient pas. Et en occurrence, elles marchent. Je vous assure qu'il y a des équipes d'analystes qui étudient le comportement des consommateurs, notamment comment vous, les joueurs, vous dépensez votre argent durement gagné », affirme-t-il avant de conclure : « Si vous n'aimez pas les jeux, ou leurs méthodes de vente, ne les achetez pas. Vous votez avec vos dollars ». Chiche ?