Contrairement à la Terre, ce n’est pas à cause de l’eau si Uranus est de couleur bleue-verte, mais du méthane. L’éloignement de cette planète géante glacée nous empêche de bien la connaitre, mais la sonde Voyager 2 et le télescope Hubble nous ont donné de précieuses données. D’autres missions vont suivre.
Uranus se trouve environ à 2,8 milliards de kilomètres du Soleil, deux fois plus loin que Saturne. La planète fait une révolution complète sur elle-même en un peu plus de 17 heures, alors qu’elle met 84 ans à faire le tour de notre étoile. Contrairement à Jupiter et Saturne, elle ne se voit pas facilement à l'oeil nu.
Sans surprise, c’est d’ailleurs la première planète du Système solaire à avoir été détectée via un télescope. C'était en 1781, par l’astronome britannique William Herschel. Plus de deux cents ans plus tard, de nombreuses questions restent en suspens, mais nous manquons cruellement de données pour y répondre pour l’instant.
L’air de rien, cette découverte tardive – les autres planètes étaient connues depuis l'antiquité – a soulevé plusieurs questions sur l’attribution d’un nom à cette planète : « Allait-on renouer avec une tradition mythologique ? Ce problème se posera encore pour Neptune, Pluton et les premiers astéroïdes que l'on prit pour de nouvelles planètes », explique l’observatoire de Paris.
Lire notre dossier sur le Système solaire :
- Le Soleil : élément central et « catalyseur » de la vie
- Mercure : une mystérieuse planète « sans équivalent »
- Vénus : une planète étrange, quasi-jumelle de la Terre, qui « a mal tourné »
- Terre : minuscule point dans l’Univers, seule planète à abriter la vie… jusqu’à preuve du contraire
- Mars : cousine de la Terre, objet de toutes les convoitises et de fantasmes
- Un détour par la ceinture d'astéroïdes et les lacunes de Kirkwood
- Jupiter : planète géante dépourvue de surface solide, protectrice du Système solaire
- Saturne et ses anneaux : « joyau » du Système solaire, surprenante à plus d’un titre
- Uranus : une planète géante glacée insolite à plus d’un titre, encore très mystérieuse
- Neptune : une géante glacée à plus de 4 milliards de km, bleue comme la Terre (à venir)
De « l'astre de Georges » à Uranus
Elle a donc tout d’abord été nommée planète Herschel… mais l’astronome « aurait voulu appeler cette planète "l'astre de Georges" du nom du roi Georges III », qui était également son mécène. C'est Johann Bode – de la loi empirique de Titius-Bode dont nous parlions lors d’un détour dans la ceinture d’astéroïdes – qui proposa Uranus.
Rappelons que dans la mythologie, Ouranos est le Ciel qui, en s'unissant avec Gaia – déesse de la Terre – va donner naissance aux Titans, dont Saturne… vous suivez ?
« Ce n'était pas le premier nouveau corps découvert dans le système solaire (Galilée avait découvert les satellites de Jupiter dès 1610) et on avait déjà réfléchi aux dénominations pour ces nouveaux corps. C'est pour cela qu'on adopta en définitive une dénomination empruntée à la mythologie grecque »
Les discussions ont néanmoins été longues puisque, encore au XIXe siècle, l’astronome français Le Verrier appelait Uranus « la planète Herschel ». Mais ce n’était pas totalement désintéressé : il souhaitait « par là même que l'on appelle Neptune la planète Le Verrier », dont il était « l’inventeur » en 1846.
Uranus ressemble à une toupie couchée (rien à voir avec Inception)
Revenons à nos moutons, et à une particularité de cette septième planète qui la rend unique dans notre Système solaire : « La rotation d'Uranus ressemble à celle d'une toupie couchée sur un côté. Il en résulte que le Soleil est parfois juste au-dessus des pôles. Chaque pôle a un été et un hiver de 21 ans, en devenant tour à tour les points les plus chauds et les plus froids de la planète », détaille l’Agence spatiale européenne (ESA).
Une explication plausible serait une collision avec un ou plusieurs autres objets célestes imposants ayant entrainé un important décalage de l’axe de rotation, qui est quasiment à angle droit. L’inclinaison des autres planètes n’est pas aussi prononcée. Ce n’est pas la seule excentricité : ses satellites orbitent dans un plan perpendiculaire à l’écliptique.
Avec plus de 51 000 km au niveau de l’équateur, le diamètre de cette « géante » est quatre fois plus important que celui de la Terre, pour un volume multiplié par 63. Pour rappel, les volumes de Jupiter et Saturne sont respectivement 1 317 et 757 fois plus importants que notre planète. Pas dans les mêmes ordres de grandeur.
La masse d’Uranus est environ 15 fois supérieure à la Terre, soit une densité quatre fois moindre. Contrairement à Saturne, Uranus coulerait donc à la surface de l’eau, sa densité étant de 1,27 (avec 1 comme référence pour l’eau).
Comme les autres planètes, elle comporte un noyau. Il est constitué « de roches riches en silicate et fer-nickel », d'une taille équivalente à la Terre selon le CNES. Puis un manteau de « glaces », composé d’eau, d’ammoniac et de méthane. Son atmosphère comprend de l’hydrogène et l’hélium, avec des strates de nuages à différentes altitudes. La géante glacée porte bien son nom : « la température au sommet de ses nuages est de -214 °C », ajoute l’ESA.
Heureusement, la sonde Voyager 2 est passée par là
La plupart des données que nous avons sur Uranus proviennent de la sonde Voyager 2 lancée en 1977. Lors de son périple, elle est passée à 81 000 km seulement de la surface de la planète. C’était en janvier 1986, après le survol de Jupiter en 1979 et de Saturne en 1981. Elle est ensuite passé à côté de Neptune avant de continuer sa route dans le vide spatial et d’entrer dans l'espace interstellaire, selon la NASA.
Pour rappel, les deux missions Voyager 1 & 2 étaient une chance unique avec un alignement des planètes qui n’arrive que tous les 176 ans. Cela a permis d’obtenir de nombreuses informations sur la planète.
C’est notamment le cas de son système d’anneaux – découverts en 1977 lors d’une occultation d'étoile par Uranus depuis la Terre –, de ses 27 satellites (dont cinq « grandes » lunes), de sa dynamique atmosphérique et enfin de sa source d’énergie interne nulle ou presque.
Son environnement magnétique a été analysé pour la première fois lors du survol. Il est lui aussi unique dans le système solaire : il est très incliné par rapport à l’axe de rotation de la planète – près de 60 ° – et décalé de près de 8 000 km par rapport au centre géométrique de la planète.
Par contre, lors du survol de Voyager 2 en 1986, presque aucun nuage n'était visible, mais des « images prises par le télescope spatial Hubble ont montré des gigantesques tempêtes », ajoute l’ESA. Quoi qu’il en soit, près de 35 ans après le passage de la sonde, de nombreuses questions restent encore en suspens et il faudrait se rendre sur place – à 2,8 milliards de km – pour avoir des réponses précises.
Uranus vue par Hubble en infrarouge pour éviter l'éblouissement par la planète. Crédits : HST/STSCI
Une douzaine d’anneaux et 27 satellites dont certains « bergers »
Les quatre planètes géantes gazeuses ou glacées disposent d’anneaux, même si ceux de Saturne sont de loin les plus impressionnants et surtout les plus visibles. Dans le cas d’Uranus, ils sont une douzaine environ, divisés en plusieurs bandes, avec une distance en partant du centre de la planète oscillant entre 38 000 à 53 000 km.
Ils mesurent généralement quelques kilomètres de large, sauf le plus proche de la planète qui s’étendrait sur 2 500 à 3 500 km, selon des données de Voyager 2. Ils sont par contre peu épais : une centaine de mètres environ. Comme avec Saturne, des satellites « bergers » s’occupent de maintenir l’ensemble en place.
Uranus possède actuellement 27 satellites naturels identifiés et regroupés, comme pour les autres planètes géantes, en trois familles distinctes : les cinq gros satellites ressemblant aux planètes telluriques, les treize petits proches/intérieurs de la planète (à l’intérieur de l'orbite de Miranda, la première des grosses lunes) et enfin les neuf petits éloignés. Un tableau récapitulatif a été mis en ligne par l’Observatoire de Paris sur cette page.
Les plus gros sont Obéron et Titania, avec 1 500 km de diamètre environ, puis Umbriel et Ariel (1 100 km), et enfin Miranda (480 km). Ces noms ne vous disent rien dans la mythologie grecque ou latine ? C’est normal, car ils s'inspirent des œuvres/personnages du théâtre anglais, et plus particulièrement ceux de Shakespeare et Pope.
Miranda est ainsi l'héroïne de La tempête, tandis qu’Ariel y incarne un esprit bienveillant. Umbriel est un esprit malveillant, dans La boucle de cheveux enlevée d'Alexander Pope. Titania et Obéron sont respectivement reine et roi des fées dans Le songe d'une nuit d'été. Il en est de même pour les satellites plus petits.

Étudier Uranus pour connaitre les exoplanètes
Uranus est de nature très différente de Jupiter et de Saturne, mais elle est intéressante à analyser car la famille des géantes glacées (comme Neptune) regroupe bon « nombre des exoplanètes qui ont été découvertes au cours de ces dernières années autour d’autres étoiles que le Soleil », explique Olivier Mousis, spécialiste de la formation des planètes et du système solaire au CNRS.
Pour le chercheur, « étudier Uranus et Neptune permettrait de savoir de quoi est constitué l’intérieur de ces astres. Et, par ricochet, de mieux comprendre la formation de notre propre Système solaire ». Toujours la même quête de savoir et de compréhension de l’univers dans lequel nous vivons et ne faisons que très brièvement passer.

Une fenêtre pour une nouvelle mission vers 2031-2032…
Le passage rapide d’une unique sonde n’est pas suffisant pour comprendre tous les mécanismes, et des chercheurs militent pour d’autres missions… mais c’est aussi le cas de Vénus, de Mars, des lunes de Saturne et Jupiter, etc.
Olivier Mousis est l’un d’eux. Il veut lancer un programme dédié car seules des mesures in situ permettraient de donner des résultats probants. Ce n’est pour autant pas gagné, autant pour des raisons financières que techniques, comme il l’expliquait lors d’une interview au CNRS en février 2019.
« Envoyer une mission spatiale explorer les systèmes uranien et neptunien est cher. On parle de plusieurs milliards de dollars. Il faut d’abord réussir à atteindre ces planètes. Ce qui peut prendre dix ans. Puis il s’agit de freiner la sonde, lancée à pleine vitesse, pour la mettre en orbite autour de ces planètes.
Tout cela nécessite une énorme dépense d’énergie. Et donc augmente la facture. Toutefois, on ne pourra pas attendre indéfiniment avant de lancer un tel projet. La prochaine échéance favorable, correspondant à un alignement adéquat des planètes du système solaire, est vers 2031-2032. C’est la seule opportunité avant des années ! »
… mais l’Europe ne peut pas faire cavalier seul
L’Europe ne peut y aller seule, car nous faisons face à un problème de taille pour ce genre de mission : l’impossibilité d’utiliser des panneaux solaires, car ils devraient au moins faire la taille d’un terrain de foot… Il faudrait donc utiliser un générateur thermoélectrique à radioisotopes, que les Américains sont seuls à maitriser pour ce genre d’application actuellement.
Il faudrait donc une coopération internationale, et les budgets qui vont avec. Pour le moment, la « course » est à la reconquête spatiale par les humains, à l’optimisation des coûts de lancement des satellites et à l’étude de Mars au niveau de la coopération internationale.