Saturne est connue pour ses magnifiques anneaux et ses dizaines de lunes, dont certaines pourraient abriter des traces de vie. L’analyse de cette planète, « à l’air presque surnaturelle », a donné lieu à plusieurs surprises de taille pour les scientifiques. Encore aujourd’hui, plusieurs mystères entourent la planète.
Dans notre Système solaire, certaines planètes occupent une place bien particulière. On pense évidemment à la Terre qui est notre berceau, mais aussi à Mars avec tous les fantasmes/espoirs de trouver des traces de vie passée, et Saturne pour ses mythiques anneaux. Si toutes les géantes gazeuses en ont, ceux de Saturne sont très brillants et grands, donc facilement observables.
Une planète pleine de surprises
L’Agence spatiale européenne (ESA) rappelle que « presque tout ce que nous savons sur Saturne nous provient de la mission Cassini-Huygens », menée conjointement avec l’Agence spatiale américaine (NASA). Elle s’est terminée en septembre 2017 après 14 ans d’étude in situ. Pour son grand final, la sonde est passée entre les anneaux et la planète, une première.
- Autour de Saturne, la sonde Cassini va entamer son « grand final » qui lui sera fatal
- Saturne : suivez en direct la descente fatale de la sonde Cassini
Saturne est à la fois « belle et mystérieuse, mais elle a l’air presque surnaturelle. Pour un scientifique avide de connaitre les différents processus qui ont sculpté notre Système solaire et lui ont donné l’apparence qu’il a aujourd’hui [c’est] la planète à étudier », affirme Carolyn Porco, responsable de l’équipe d’imagerie de l’UC Berkley, au National Geographic France.

La mission Cassini a apporté énormément de réponses, confirme Athena Coustenis (directrice de recherche CNRS, observatoire de Paris), « mais surtout ce qu’on a découvert, on ne se l’était pas imaginé auparavant ». Le CNRS donne quelques exemples : « des lacs de méthane, un hexagone de glace autour du pôle nord, des lunes aux formes étranges, etc. ». Citons également les jets de matières d’Encelade.
Lire notre dossier sur le Système solaire :
- Le Soleil : élément central et « catalyseur » de la vie
- Mercure : une mystérieuse planète « sans équivalent »
- Vénus : une planète étrange, quasi-jumelle de la Terre, qui « a mal tourné »
- Terre : minuscule point dans l’Univers, seule planète à abriter la vie… jusqu’à preuve du contraire
- Mars : cousine de la Terre, objet de toutes les convoitises et de fantasmes
- Un détour par la ceinture d'astéroïdes et les lacunes de Kirkwood
- Jupiter : planète géante dépourvue de surface solide, protectrice du Système solaire
- Saturne et ses anneaux : « joyau » du Système solaire, surprenante à plus d’un titre
Sur l’eau, Saturne flotterait !
Plus petite que Jupiter, Saturne n’en reste pas moins elle aussi une géante gazeuse ; la deuxième plus grosse dans le Système solaire. Son volume est 757 fois supérieur à celui de la Terre, tandis que sa masse est 95 fois plus importante (contre respectivement 1 317 et 318 pour Jupiter).
À cause de sa « faible » masse par rapport à son volume, sa densité est de 0,69 seulement si l’on utilise 1 comme base de référence pour l’eau. Vous l’aurez donc sans doute compris, cela signifie que la planète flotterait si on trouvait une étendue suffisante pour la plonger dedans (son diamètre est tout de même de plus de 120 000 km), c’est la seule planète du Système solaire dans ce cas. Malgré tout, la pesanteur à la surface est quasiment la même que sur Terre.
Comme Jupiter – et les géantes gazeuses de manière générale – Saturne n'a pas de surface solide : « ce que nous voyons sont les nuages qui apparaissent sous la forme de bandes claires et sombres. Ces nuages sont balayés par des vents très puissants. Une grande partie de la chaleur qui alimente ces vents provient de l'intérieur de la planète », détaille le CNES.
Avant d’aller plus loin, évacuons quelques questions « primordiales » que se posent très probablement certains : « vue au télescope, Saturne a une couleur jaune pâle », une journée dure l’équivalent de 10,7 heures et la planète met presque 30 ans à faire le tour du Soleil.
96 % d’hydrogène et un puissant champ magnétique
Saturne est principalement composée de deux gaz : 96 % d’hydrogène (H2), 3 % d’hélium (He) et 1 % d’autres éléments (en volume). Sur Jupiter, les proportions étaient de respectivement 86, 13 et 1 %. En son centre, se trouve probablement un noyau « constitué d’un mélange de roche et de métal fondu, avec une température de plus de 11 700 °C et un diamètre d’environ 25 000 km ».
Autour du noyau se trouverait de l’hydrogène (sous sa forme atomique) métallique liquide, créant ainsi un « océan de métal liquide conducteur d’électricité doté de courants qui génèrent le puissant champ magnétique de Saturne ». C’est la même mécanique que pour Jupiter.
Ensuite, on retrouve « une couche d’hydrogène liquide atteignant 6 000°C, qui provient d’une condensation progressive de l’hydrogène moléculaire (H2) ». Enfin, la dernière pelure de Saturne correspond à son atmosphère avec principalement du gaz de dihydrogène et de l’hélium. La zone n’est pas de tout repos puisque les vents peuvent y atteindre pas moins de 1 800 km/h.

Des satellites pour tous les goûts, de formes diverses
Saturne a récemment volé la vedette à Jupiter en revendiquant le plus grand nombre de lunes découvertes : 82 puis 85 (contre 79 pour sa grande sœur).
« On a découvert, depuis 2000, de nombreux satellites nouveaux éloignés de Saturne orbitant entre 11 et 23 millions de km de Saturne. Ils n'ont été découverts que récemment du fait de leur très faible brillance. Certains de ces satellites ont un mouvement rétrograde comme Phoebé, d'autres ont un mouvement direct », explique l’observatoire de Paris.
On peut par exemple citer Mimas, « le plus petit des satellites sphériques, c'est une "grande boule de glace sale" ». Elle doit une (grande) partie de sa célébrité à sa forme qui n’est pas sans rappeler l’Étoile de la Mort de Star Wars. Nous avons aussi Encelade, qui est « recouvert de glace propre, c'est l'astre le plus brillant du système solaire ».
Continuons avec Dioné et Rhéa qui, comme Double-Face dans Batman, possèdent deux « côtés » (face avant et face arrière dans le sens de l’orbite) totalement différents. Signalons aussi Téthys, « accompagnée sur son orbite par deux autres satellites de Saturne : Télesto en avance de 60° et Calypso en retard de 60° ».
Le cas particulier de Titan, une « Terre primitive »
Terminons notre rapide tour d’horizon avec Titan. Cette dernière est intéressante à plus d’un titre : « Titan possède une atmosphère opaque qui nous empêche d'apercevoir le sol. La pression atmosphérique au sol doit être de 1,5 bar ». Elle est souvent comparée à une Terre primitive, et certains se demandent donc si elle pourrait héberger des traces de vie, même si sa température moyenne est de -179 °C.
Si nous connaissons aussi bien cette lune, c’est que la sonde Huygens (de la mission Cassini-Huygens) y est descendue en parachute en janvier 2005, « devenant ainsi la première sonde à traverser l'atmosphère pour se poser à la surface d'un satellite planétaire (autre que notre Lune) », rappelle l’ESA.
« Avec la Terre, Titan est le seul astre de notre Système solaire à avoir en permanence des liquides à sa surface. Attention ! Ses lacs (aussi grands que les Grands Lacs d'Amérique du Nord !) ne sont pas constitués d’eau, mais principalement de méthane et d'éthane », explique le CNES. Ces gaz ont tout de même un cycle climatique complexe comme sur Terre, avec évaporation du liquide en surface et de la pluie.
Ces molécules interagissent peu avec les autres composés chimiques et « il y a donc peu de chance de trouver des molécules complexes, à la base de la vie, dans les lacs de Titan ». Gabriel Tobie, chercheur du CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique, douche également les espoirs s’il en était encore besoin : « Même si quelques spéculations rejaillissent parfois, elles restent marginales dans la communauté scientifique ».

Mais il existe une autre possibilité de trouver des traces de vie : dans l’océan interne de Titan, avec de l’eau liquide à 50-100 km sous la surface. « Les données collectées par la sonde Cassini indiquent que cet océan est assez dense et froid (< - 10°/- 20°C), ce qui suggère qu’il serait assez salé, potentiellement aussi salé que la Mer morte » précise le chercheur. Sur Terre, des organismes microscopiques existent dans la Mer morte ainsi que dans les eaux glaciales de l'Antarctique et de l’Arctique, laissant donc la porte ouverte aux espoirs les plus fous.
Caroline Freissinet, exobiologiste au LATMOS, confirme que cette lune est un astre très intéressant à étudier : « Titan est un laboratoire chimique à ciel ouvert. La chimie y est sans doute plus diversifiée que partout ailleurs dans notre Système solaire et la plus proche de celle qui a pu exister sur la Terre primitive ». Gabriel Tobie est du même avis, mais ajoute des garde-fous : « Tout cela est actif. Mais de là à dire qu’il y a des briques du vivant, il y a un grand pas à faire ! On n’a pour l’instant aucune idée de la composition de ces matières organiques complexes ».
Terminons avec les lunes de Saturne en parlant d’Hypérion : « le plus gros corps du système solaire non sphérique [410 x 260 x 220 km, ndlr]. Sa rotation autour de lui-même est chaotique et impossible à prévoir ». Il y en a bien d’autres de forme non sphérique.
Saturne, le joyau du système solaire avec ses anneaux
Revenons à la principale particularité de Saturne visible : son système d'anneaux plats en forme de disque. D’abord une présentation générale : « ils sont composés de grains de glaces, tout petits. De quelques dizaines de millimètres ou un peu plus gros, jusqu’à quelques mètres, mais c’est minuscule à l’échelle de la planète », explique le CNES.
Les anneaux principaux – ceux que l’on voit avec un bon télescope – s’étirent sur près de 400 000 km. L’observatoire de Paris en dresse un portrait-robot par ici. Il en existe d’autres, « beaucoup plus grands [sur près d’un million de kilomètres, ndlr], mais aussi plus diffus. Il y a moins de glace, donc ils sont plus difficiles à observer ».

Les anneaux tournent dans le même sens et sur un même plan au niveau de l’équateur. Ils sont « plats comme une galette » et ne mesurent généralement que « quelques dizaines de mètres » d’épaisseur (jusqu’à 1 km). Leur masse totale serait l’équivalent d’une petite lune (environ 2 000 fois moins que notre propre Lune), mais il s’agit là d’une grossière approximation. Selon les dernières publications issues des données de Cassini, la masse serait de 41 % celle de la lune Mimas de Saturne.
Deux hypothèses tiennent la corde sur l’âge des anneaux : entre 10 et 100 millions d'années pour certains, et un âge voisin de celui du système solaire (4,5 milliards d’années) pour d’autres. Deux pistes sont également envisagées pour expliquer leur apparition.
Selon la première, les anneaux seraient des restes d’une lune ou d’un objet céleste qui se serait trop approché de la planète et aurait été disloqué par les forces d’attraction. On parle de la limite de Roche, pas à cause de la roche, mais du mathématicien et astronome français Édouard Roche. Selon la seconde hypothèse, les anneaux seraient des restes de la nébuleuse solaire (relire nos explications) ayant donné naissance à notre système.

L’angle d’observation des anneaux est différent suivant les années : « comme Saturne et la Terre se déplacent verticalement dans leurs orbites, notre vue des anneaux change », explique l’ESA. En 2003 ils étaient les plus lumineux et les plus beaux, puis de nouveau en 2017. On est actuellement sur une phase descendante et ils « disparaitront » pendant quelques jours en 2025, puis seront de nouveau très visibles en 2032, etc. La périodicité est de 15 ans environ, correspondant à la moitié du temps que la planète met à faire le tour de notre étoile.
Certaines lunes sont les gardiennes des anneaux
Si les plus grosses lunes de Saturne sont à l’extérieur des anneaux, certaines plus petites sont à l’intérieur et jouent un rôle très important. Elles orbitent dans les vides entre les anneaux, appelés divisions : « localement, ces lunes perturbent les blocs de glace quand elles passent au milieu, mais plus globalement ce sont elles qui stabilisent les anneaux ».
Certains satellites naturels sont ainsi appelés « bergers ou gardiens : leur gravité permet en fait de délimiter les bords des anneaux, de les garder en place. Elles font le ménage […] Les grains de glaces qui voudraient quitter l’anneau sont soit réinjectés soit carrément avalés par la lune », détaille le CNES.

Une fusion de vortex observée par Cassini
Lors de son voyage autour de Saturne, la sonde Cassini a eu l’occasion d’observer un phénomène surprenant : « deux immenses tourbillons dans les profondeurs de l’atmosphère », on parle aussi de vortex. Ces points chauds – de 80 °C alors que les scientifiques s’attendaient à 20 °C maximum – extrêmement actifs circulaient dans l’atmosphère nord et ont fusionné pour ne faire plus qu’un, explique Francis Rocard, responsable du programme d'exploration du Système solaire au CNES.
Le gaz chaud remonte alors vers l’extérieur de la planète et, arrivé au niveau de la stratosphère – la zone visible de l’atmosphère de Saturne – forme des turbulences. Combiné aux « phénomènes de jets et de déplacement des gaz, on a une turbulence qui s’est mise progressivement à faire l’intégralité du tour de Saturne, alors que le point chaud lui-même partait en direction opposée », ajoute Francis Rocard.
La question reste entière pour savoir quelle est la source d’alimentation de ces tempêtes qui reviennent chaque printemps (c’est-à-dire tous les 30 ans). Est-ce le Soleil seul (mais la formation des vortex semble trop profonde dans la planète) ? Ou alors y a-t-il une source endogène en plus (si oui, laquelle) ?

Un hexagone peut en cacher un autre
Saturne est aussi connue pour son gigantesque hexagone (quasiment tiré au cordeau) formé par les nuages de la troposphère (correspondant presque à la « surface » de la planète) au niveau de son pôle nord. Il a été découvert par la sonde Voyager 1 en 1980.
Depuis, le mécanisme est bien connu : « un fort courant-jet à 360 km/h, déformé par des perturbations atmosphériques qui créent des méandres réguliers », détaille le CNES. « Nous arrivons à reproduire cette structure grâce à nos modèles, sauf en ce qui concerne sa grande stabilité dans le temps », ajoute Sandrine Guerlet, astrophysicienne au Laboratoire de Météorologie Dynamique de Paris.
Mais les données renvoyées par Cassini montrent « qu’un vortex à plus de 300 kilomètres d’altitude au-dessus du pôle Nord de Saturne dessine le même hexagone que celui observé dans les nuages en profondeur depuis 1980 ». Plusieurs pistes sont à l’étude pour expliquer ce second hexagone au-dessus du premier, mais aucune ne semble validée actuellement : « Est-ce une « empreinte » induite par les vents à basse altitude, une propagation verticale des ondes et de l’énergie du courant-jet troposphérique ou bien un autre phénomène qui produirait le second hexagone ? ».

Un drone sur Titan en 2034
Les données de Cassini vont certainement continuer à abreuver des publications scientifiques pendant encore plusieurs années. De son côté, le satellite Titan va avoir droit à sa propre mission en 2026 avec Dragonfly, dont l’arrivée est prévue en 2034.
Il ne s'agit pas d'un rover traditionnel comme ceux sur Mars, mais d'un drone avec huit rotors. « Il profitera de l’atmosphère de Titan, quatre fois plus dense que celle de la Terre, pour devenir le premier véhicule à voler avec toute sa charge utile scientifique », explique l'agence spatiale américaine. Durant sa mission de 2,7 ans, il devrait parcourir pas moins de 175 km.