Le Conseil constitutionnel vient de décapiter une disposition bien utile pour le forfait post stationnement. Bien utile... pour les collectivités et l'État : celle qui obligeait un automobiliste à d’abord payer pour pouvoir ensuite contester le paiement de redevance.
Depuis le 1er janvier 2018, une réforme d’ampleur a frappé le stationnement payant. Les habituelles amendes placardées sur les parebrises sont désormais dépénalisées. À la place, l’obligation de payer un forfait de post-stationnement (FPS), soit une redevance d’utilisation du domaine public.
Les conséquences sont importantes puisque depuis, ce sont les communes qui établissent ce montant en fonction des critères locaux, et non plus un texte général en vigueur dans toute la France.
Avec le FPS, les collectivités disposent « de la maîtrise de leur politique de stationnement » avait commenté l’Agence nationale de traitement des infractions. Elles peuvent fixer « le montant des FPS et le produit de ces derniers financera des opérations destinées à améliorer les transports collectifs ou les transports respectueux de l’environnement ».
Voilà pourquoi dans certaines villes, plutôt que la contravention de 17 euros, des automobilistes oublieux se sont retrouvés à devoir payer jusqu’à 60 euros pour un stationnement non réglé.
Cette réforme a eu aussi des conséquences sur le terrain des traitements de données personnelles, puisque la technique de la LAPI, ou lecture automatisée des plaques d’immatriculation, est désormais possible, comme expliqué dans nos colonnes, s’agissant des absences ou des insuffisances de paiement de l’utilisation du domaine public.
La description de ce nouveau régime permet de mieux comprendre la décision tout juste rendue par le Conseil constitutionnel. Une décision de « non-conformité totale », comme l’épinglent les neuf Sages.
Selon le Code général des collectivités territoriales, un automobiliste peut toujours attaquer une décision lui demandant de payer son forfait. La procédure est à plusieurs étages. Il faut d’abord déposer Recours Administratif Préalable Obligatoire (ou RAPO) dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du Forfait Post Stationnement.
On peut ensuite attaquer cette décision défavorable devant la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), voire directement pour les FPS majorés.
Seulement… une condition importante est prévue par les textes : la recevabilité de ce recours contentieux « est subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement et de la majoration ».
Quand l'objectif de bonne administration devient le cauchemar des automobilistes
« En imposant ainsi que le forfait et la majoration soient acquittés avant de pouvoir les contester devant le juge, le législateur a entendu, dans un but de bonne administration de la justice, prévenir les recours dilatoires dans un contentieux exclusivement pécuniaire susceptible de concerner un très grand nombre de personnes » commente le Conseil constitutionnel.
Saisi par un automobiliste, celui-ci a toutefois été appelé à examiner la conformité de cette disposition au bloc de constitutionnalité.
S’il applaudit l’objectif de saine administration de la justice, il relève « cependant » plusieurs problèmes.
D’une part, si le montant du FPS ne peut dépasser le montant de la redevance due, « aucune disposition législative ne garantit que la somme à payer pour contester des forfaits de post-stationnement et leur majoration éventuelle ne soit d'un montant trop élevé ».
D’autre part, le législateur n’a pas fait dans la dentelle. Il « n'a apporté à l'exigence de paiement préalable desdits forfaits et majorations aucune exception tenant compte de certaines circonstances ou de la situation particulière de certains redevables ».
En somme, le titulaire de la carte grise se doit de payer, des sommes possiblement très importantes, sans possibilité d'exception.
Pour le Conseil constitutionnel, pas de doute : voilà une atteinte substantielle au droit d’exercer un recours juridictionnel effectif. Conclusion : « Les dispositions contestées [l’article L. 2333-87-5 du Code général des collectivités territoriales, ndlr] doivent donc être déclarées contraires à la Constitution ».
La décision est applicable immédiatement, à compter de sa publication.
L'alerte adressée par le Défenseur des droits
En janvier 2020, le Défenseur des droits avait dénoncé dans un rapport la défaillance du forfait post-stationnement. Jacques Toubon implorait le rétablissement des droits des usagers.
Page 35, il fusillait en particulier cette obligation de paiement préalable du FPS, mesure pouvant être très problématique « dans certaines situations spécifiques, notamment pour les personnes victimes d’une usurpation de plaque, d’un vol de véhicule ou d’une cession de véhicule non enregistrée (non imputable à l’administré) ».
Des usagers se retrouvant « destinataires de très nombreux FPS majorés et contraints de payer des sommes importantes, pour faire valoir leurs droits devant la CCSP, laquelle en cas de majoration est alors l’unique recours ».
Résultat : certains « sont donc financièrement dans l’impossibilité de régler les sommes réclamées et de faire valoir leurs droits devant la CCSP ».
Jacques Toubon regrettait en particulier l’absence d’exceptions, lequelles existent pourtant en matière pénale. « Ce paiement préalable à la saisine de la CCSP, sans aucune exception, engendre incontestablement une perte de sécurité juridique pour les administrés ».
Une perte de sécurité juridique désormais corrigée.