La révolution (à venir) de la spintronique : 5G, IA, IoT, processeur, stockage…

La révolution (à venir) de la spintronique : 5G, IA, IoT, processeur, stockage…

Sur un air de tecktonik

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

08/09/2020 6 minutes
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La révolution (à venir) de la spintronique : 5G, IA, IoT, processeur, stockage…

La spintronique devrait permettre de réaliser des grands pas en avant dans de nombreux domaines : informatique, IA, 5G, automobile, etc. Avant d’en arriver là, il reste néanmoins plusieurs défis technologiques importants à dépasser. Mais d'abord, c'est quoi la spintronique exactement ?

Le consortium européen SpintronicFactory – crée en 2016 – a publié dans Nature et sur arXiv sa feuille de route, comme le rapporte le CEA. Elle est articulée autour de quatre piliers : mémoires, capteurs magnétiques, dispositifs radiofréquences et micro-ondes, et enfin dispositifs pour la logique.

La spintronique est une discipline née à la fin des années 80 et qui fait depuis « preuve d’un dynamisme exceptionnel sur le plan fondamental et présente d’importantes perspectives dans les technologies de l’information et de la communication ». Elle se définit dans le Larousse comme l’« électronique de spin »… nous voilà bien avancés.

Un mélange entre semi-conducteurs et magnétisme

Le spin d’une particule est une propriété quantique pouvant être vue comme « la rotation d'un système autour de son axe », explique le CEA. La spintronique se place à « la frontière entre magnétisme et micro-électronique ».  Elle a débouché sur un prix Nobel de Physique en 2007 pour le Français Albert Fert et l'Allemand Peter Grünberg.

Dans cette vidéo de 2017, Bernard Diény, directeur de recherche au CEA, parle d’un « mariage » : « on mélange dans nos recherches des matériaux semi-conducteurs et des matériaux magnétiques ». Nous l’avions déjà détaillé dans cette actualité sur les nano-neurones, cette technique n’est pas nouvelle puisqu'elle est utilisée dans le stockage, notamment via des cylindres magnétiques dans des cellules de mémoire magnétique (MRAM).

Les MRAM occupent « aujourd’hui une place de choix, avec le lancement en production industrielle chez les acteurs majeurs du domaine » rappelle le CEA, de Samsung à TSMC en passant par Intel et Global Foundries. On en trouve notamment dans l’avionique et le domaine spatial car, contrairement aux mémoires classiques, « elles sont peu perturbées par les rayonnements dans la haute atmosphère », indiquait il y a quelques années Albert Fert.

Les cellules de mémoire magnétique permettent non seulement un gain de performances, mais aussi d’important progrès en termes de consommation électrique. Une avancée majeure a d’ailleurs été annoncée en avril par des chercheurs de Spintec et de Thales-CNRS (qui sont dans le consortium SpintronicFactory) : « des dispositifs spintroniques dans lesquels la détection des spins des électrons serait permise, non plus par le ferromagnétisme, mais par la ferroélectricité, ce qui consommerait 1000 fois moins d’énergie ».

Spin électron
Crédits : CNRS

Les (nombreux) défis à relever

La feuille de route mise en ligne par la SpintronicFactory permet de faire un point de la situation à fin 2020 et d’anticiper les prochains progrès attendus. Ils sont encore nombreux pour le moment :

  • « réalisation de puces de très hautes densités par le développement de solutions disruptives d’inspiration 3D ;
  • réduction de la consommation électrique par la mise en œuvre d’effets fondamentaux d’interface […] ;
  • amélioration de la sensibilité des capteurs ;
  • élargissement de la gamme de mesure du champ magnétique ;
  • innovation sur les architectures de capteurs. »

Smartphones, voitures, IoT, santé, stockage…

Si tout cela ne vous parle pas spécialement, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives donne des cas d’utilisation concrets. Pour les smartphones, on pourrait ainsi développer des magnétomètres 3D, des capteurs de position linéaire/angulaire et de vitesse pour les voitures (connectées), des capteurs de courant et de puissance, des scanners, etc. Toujours avec l’idée de réduire la consommation électrique.

De nouvelles applications font également leur apparition dans l'Internet des objets (IoT) et le biomédical. La MRAM pourrait aussi remplacer d’autres types de mémoire (dont la DRAM de nos PC) lorsque la non-volatilité, la vitesse et l'endurance sont des composantes essentielles. Encore faut-il réussir à dépasser les barrières technologiques. 

Les chercheurs attendent également des changements dans les technologies radio térahertz (THz). Ces ondes ont pour rappel des propriétés « extrêmement séduisantes » pour certains chercheurs, mais elles se heurtent à une difficulté majeure : concevoir des émetteurs/récepteurs.

À la rescousse des ondes térahertz, de la 5G et… des CPU ?

Là encore, la spintronique a une carte à jouer : « Les preuves de concept ont été démontrées, pour des fonctions d’oscillateur et de diode qui sont intéressante pour les composants télécoms. Il faut maintenant permettre leur intégration concrète dans différents domaines applicatifs, en particulier les télécommunications compactes et basses consommations, les applications THz (imagerie, sécurité), les micro-récupérateurs d’énergie et l’IA ».

La spintronique sur les radiofréquences « présente un potentiel énorme afin de fournir des approches à faible consommation d'énergie, au-delà de la Moore et/ou du CMOS pour les applications dans l'IoT, la 5G, les systèmes électroniques intelligents ». « Les premiers démonstrateurs intégrés dans des CMOS sont attendus dans les trois à cinq prochaines années », affirment les chercheurs dans leur publication.

Elle pourrait aussi être utilisée dans le traitement direct de l’information en utilisant le spin de l’électron en plus de sa charge électrique, et même jouer « un rôle majeur dans la réalisation de nouveaux processeurs informatiques ».

Il reste encore du travail…

Passer de la théorie à la pratique ne sera pas simple et « nécessitera des progrès dans la maîtrise de matériaux non-conventionnels, de leurs interfaces dont souvent dépendent les fonctionnalités spintroniques, leur nanofabrication et leur mise en œuvre dans des lignes de production, incluant leur métrologie spécifique ».

Il y a de l’espoir puisque, depuis des années, les évolutions/découvertes sont régulièrement annoncées. En plus de la mise en ligne d’une feuille de route, le consortium SpintronicFactory mène d'ailleurs une série d’actions visant à promouvoir et valoriser des collaborations entre centres de recherche et mutualiser les ressources européennes.

Le consortium comprend pour le moment 12 entreprises, 30 centres de R&D et 45 entités académiques (la liste est disponible ici). Les recherches s’inscrivent dans le cadre du plan Horizon 2020 de la Commission européenne.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Un mélange entre semi-conducteurs et magnétisme

Les (nombreux) défis à relever

Smartphones, voitures, IoT, santé, stockage…

À la rescousse des ondes térahertz, de la 5G et… des CPU ?

Il reste encore du travail…

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Partez acheter vos croissants
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Commentaires (7)


Hum je ne connaissais pas ce domaine, intéressant, même si j’ai du mal a immaginer comment c’est mis en oeuvre.
Intuitivement pour le stockage j’aurais tendance à dire que l’info est stocké/récupéré dans le spin des particules ? même si ça me paraît peu probable.


A relire pour tout comprendre. Surtout la partie capteur. :inpactitude:


Merci pour cet article intéressant. Je ne connaissais pas du tout cette discipline.


Oh bah on faisait ça avec nos ordis personnels dans les années 80, avec un support appelé K7, et avant sur les gros IBM avec des bandes magnétiques:mdr:
Plus sérieusement, il y avait aussi les MBM mémoires à bulles magnétiques ( accès séquentiel également)
La technologie est intéressante, mais existe-t-il la même limite que pour beaucoup de support magnétique, la température. Ce phénomène est super efficace pour effacer ces mémoires, employé dans les années 90 dans les discman® chez Sony. Pour miniaturiser les appareils, la tête d’effacement résistait. Un laser focaliser sur le disque suffisait pour échauffer le substrat magnétique et effacer une zone très petite ; la tête de lecture/écriture faisait le reste. Le progrès est l’accès aléatoire. Mais si la température dépasse certaines limites que se passera-t-il ?


Bon encore un sujet ou on se demande si on a bien tout suivis :mad2:



Superbe article :yes:


De l’informatique à trois bits multiplierait bien la puissance


Trois états tu veux dire je pense. Et en plus cela permettrait des économies d’énergie. ;)