Commission Copie privée : la maigre feuille de présence des consommateurs en 2019

Aucune importance, dixit le CE
Droit 6 min
Commission Copie privée : la maigre feuille de présence des consommateurs en 2019
Crédits : Marc Rees (CC BY 2.0)

La Commission Copie privée a publié voilà quelques semaines son rapport annuel. L’instance, chargée d’établir l’assiette et le niveau de perception de la redevance sur les supports vierges, ne parvient que difficilement à masquer les bugs actuels de l’institution, en particulier la défection des consommateurs. 

L’année 2019 passée en revue par l’instance rattachée au ministère de la Culture est symptomatique à elle seule de l’équilibre des travaux précédant la publication des barèmes frappant ces unités de stockage.

Pour mémoire, la loi de 1985, reprise à l’échelle européenne au sein de la directive sur le droit d’auteur de 2001, prévoit en substance l’instauration d’une ponction financière sur ces biens importés ou fabriqués en France.

Les sommes ne tombent pas dans les poches de Bercy, mais des sociétés de gestion collective. À  charge pour elle de redistribuer 75 % des montants à leurs membres, et d’investir 25 % dans les festivals, le soutien ou la défense de la création. Autour de la table, 12 représentants des ayants droit, 6 représentants des industriels et 6 autres pour porter la voie des consommateurs. Avec une telle répartition, on mesure facilement le caractère endémique des règles démocratiques en vigueur.

Des consommateurs absents, la plupart du temps

Guère étonnant que les associations de consommateur, en théorie présentes, ont déserté les réunions. Certaines ne sont même jamais venues en 2019 comme en témoigne le tableau annexé au rapport annuel, diffusé ci-dessous.

Le Conseil d’État a malgré tout considéré que la Commission pouvait continuer ses travaux. En effet, si selon le Code de la propriété intellectuelle permet de déclarer démissionnaire d’office par le président « tout membre qui n’a pas participé sans motif valable à trois séances consécutives de la commission », la haute juridiction sise non loin du ministère de la Culture, a expliqué que cette démission d’office ne concerne que les membres désignés par les associations, non les associations elles-mêmes. Nuance. 

Aucune surprise face à ces absences : la plupart estiment leur présence inutile.  « À titre personnel, je pense que les associations de consommateurs sont un alibi, une caution morale où tout se passe entre les deux structures prépondérantes, avec des négociations pour savoir qui va empocher le plus » nous avait confié Patrick Mercier, président de l’Adeic.

copie privée consommateurs

copie privée consommateurs
Source : Commission Copie Privée

Chez Familles Rurales, Chantal Jannet nous avait fait part de son « énorme lassitude » : « Cela fait neuf ans que j’y suis et je trouve qu’on ne sert à rien. Les associations sont de plus en plus des cautions et on a moins en moins de possibilités d’intervenir sur le fond. Nous sommes par ailleurs très demandés dans de multiples commissions et autant choisir celle où notre présence peut apporter un plus »

L’an passé, à compter du 9 juillet 2019, le seul à répondre présent fut le représentant de l’INDECOSA-CGT. C’est sans doute un hasard si Franck Lavanture, l’intéressé en question, avait reconnu dans nos colonnes avoir été préalablement œuvré « dans les organismes sociaux de l’action culturelle ».   

Autre exemple, il est le seul des « consommateurs » à avoir voté « pour »  le projet de délibération soutenu en masse par les 12 représentants des ayants droit, épaulé par le Président de la Commission copie privée, Jean Musitelli.

En jeu ? Le futur barème CD, DVD, baladeurs mp3/mp4 et autoradios à disques durs.

Des barèmes inchangés, malgré des usages désertés

L’épisode de ce barème est lui aussi symptomatique. Le rapport annuel rappelle que le 3 décembre 2019, « les représentants des ayants droit ont soumis une proposition de délibération (…)  afin prendre acte de la non-actualisation des barèmes applicables aux CD, DVD, baladeurs mp3/mp4 et autoradios à disques durs ».

Une délibération qui n’a nécessité aucune actualisation au Journal officiel, puisqu’il a donc été décidé de laisser intact ces montants.

Cette décision, adoptée par les ayants droit, le président de la Commission et donc le représentant INDECOSA-CGT a été prise… :

« compte tenu d’une part, de ce que la commission n’a pas eu connaissance d’éléments lui permettant d’estimer que les pratiques de copie privée sur les supports susvisés ont connu une évolution à la hausse comme à la baisse et, d’autre part, eu égard au petit nombre d’utilisateurs de ces supports, de la difficulté de réaliser des études d’usages les concernant et, partant, du caractère peu représentatif du résultat que produiraient de telles études, le montant de la rémunération unitaire sur ces supports reste fixé par type de support et par capacité ou palier de capacité conformément aux tableaux n°s 1, 2, 4,5 et 11 figurant en annexe de ladite décision n° 15 du 14 décembre 2012. »

L’instance est donc restée sur le tarif de 2012 car elle ne dispose d’aucune information lui permettant de deviner que les pratiques de copie privée sur ces supports aient depuis baissé ou au contraire augmenté. Mais elle admet dans le même temps que les études d’usages ont été, 7 ans plus tard, très difficiles à mener faute de trouver des consommateurs utilisant encore ces unités de stockage. Magique.

Page 19, le clou est un peu plus enfoncé lorsqu’on découvre que les ayants droit ont estimé « qu’il serait difficile de réaliser des études d’usages fiables sur ces supports en raison de la faiblesse des échantillons. En effet, ils ont souligné le fait que les cinq familles de supports visées (…) sont en fin de vie et qu’il n’existe quasiment plus de marché ».

Toutefois, il n’a pas été jugé possible « de supprimer l’assujettissement de ces supports à la rémunération pour copie privée ». Pourquoi ? Tout simplement parce que « les baladeurs mp3 / mp4 et les autoradios à disque dur constituent des supports dédiés à l’enregistrement de musique et/ou de vidéogrammes. Ces supports sont donc nécessairement utilisés à des fins de copie privée ». Quant aux CD et DVD,  ils « ont mis en avant le fait que l’intensité des usages de copie privée permise par ces supports se reflète dans l’évolution du marché de ces supports ».

Conclusion : «  Pour toutes ces raisons, les ayants droit ont proposé de maintenir les barèmes existants et de laisser les marchés s’éteindre progressivement »

Pour mémoire, la copie privée est fixée selon des études d’usages. Plus les personnes sondées affirment copier des œuvres, plus les ayants droit sont en droit de réclamer des sommes importantes, au titre de cette compensation à l’exception pour copie privée. Dans un système cartésien, lorsque le panel est ridiculement petit, l’issue aurait dû être une très forte réduction des montants prélevés pour ne pas dire sa suppression. Rue de Valois, le choix a été fait de maintenir ces prélèvements, calculés à une époque d’or pour ces supports aujourd’hui dépassés.

Pour faire passer leurs vues, « les ayants droit ont insisté sur la faiblesse des perceptions que représentent ces supports : 0,3% pour les CD, 0,3% pour les DVD, 0,3% pour les baladeurs mp4, 0,3% pour les baladeurs mp3 et 0,4% pour les autoradios à disque dur ».

Selon les derniers chiffres révélés dans nos colonnes, les baladeurs MP4 et M3 représentent désormais 0,2 % du total des perceptions 2019. Les CD Data, eux aussi 0,2 %. Et 0,3 % pour les autoradios à disque dur intégré dédié. Soit un ridicule chèque de 2,3 millions d’euros, une goutte d'eau dorée sur les 260 millions collectés l'an passé

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