Une erreur sur OpenStreetMap a provoqué sur Flight Simulator 2020 l’érection d’un monolithe de 212 étages dans la banlieue de Melbourne. La cause ? L’utilisation par Microsoft des données du service cartographique libre, par l’entremise de Bing Maps.
Un immeuble immense planté au milieu de Fawkner, paisible ville de 15 000 habitants dans la banlieue de Melbourne. Voilà la curieuse découverte faite par des utilisateurs de Flight Simulator 2020.
Un survol de la zone, et voilà pointant vers le ciel un bâtiment immense qu’on penserait tiré d’une BD de Schuiten et Peeters ou, comme l’a imaginé le compte @alexandermuscat sur Twitter, de la Citadelle chère à Half-Life 2.
Le monolithe a fait l’objet de toutes les attentions et de défis comico-absurdes. Certains pilotes ont ainsi réussi à se poser dessus, il est vrai après de nombreuses tentatives.
Comment le jeu, hyper réaliste, a-t-il pu concevoir pareille construction ? L'explication a été trouvée sur Twitter (voir ce compte ou ce compte). Un bug architectural venu… d’OpenStreetMap.
« 212 » étages au lieu de « 2 »
Et pour cause, dans l’historique des contributions de la zone considérée, un utilisateur, @natachwright120, avait associé à l'immeuble le tag « 212 étages ». Un peu gros... d'autant qu'à titre de comparaison, le gratte-ciel Burj Khalifa à Dubaï, « plus haute structure humaine jamais construite », dixit Wikipédia, trône à 828 mètres du haut de ses 163 étages.
L’erreur fut certes corrigée sur la carte contributive et libre voilà une vingtaine de jours. « 212 » a été remplacé par un « 2 », beaucoup plus en harmonie avec le bâtiment sis à l’angle de Lee Street et Wembley Road. Cependant, entretemps, Microsoft est passée par là pour récupérer les données.
Un accord entre OSM et Microsoft
Si l’on revient sur l’historique de Microsoft FlightSimulator 2020, celui-ci utilise les données Bing. Lequel, via Maps, prend les données OpenStreetMap pour nourrir sa base. En témoigne ce zoom sur le quartier en cause :

Et en remontant davantage encore aux origines du cordon ombilical, il faut surtout se souvenir que l’éditeur est l’« un des plus gros sponsors d'OSM depuis bientôt 10 ans » explique Vincent Privat.

Pour cet INpactien et l’un des core developers de JOSM, principal outil d'édition OSM, cela « parait logique qu'ils se servent de nos données dans leurs produits ». Et pour cause, « Microsoft nous fournit gratuitement l'orthophoto Bing au niveau mondial depuis 2011. Plus récemment, ils ont fourni les emprises au sol de millions de bâtiments aux US. ils ont aussi financé le développement d'outils d'édition OSM utilisant StreetSide ».
Le 3 août 2010, Microsoft annonçait effectivement un partenariat avec le service cartographique pour ajouter OSM à Bing Maps, via Azure. Autre témoignage de cette collaboration : en 2018, Microsoft a fourni 125 millions de plans de bâtiments américains à OSM.
On comprend du coup un peu mieux pourquoi l’immeuble monolithe s’est également retrouvé sur Bing, puis par contagion sur Flight Simulator 2020. D'autant qu’il était impossible pour Microsoft de contrôler et corriger en temps réel ces données parmi les 2 pétaoctets traités, tout comme il est impossible pour Google d'éviter les erreurs sur Wikipédia, encyclopédie pourtant utilisée par Search.
Licence et attribution
« Que Flight Simulator utilise les données OSM, c’est très chouette. Voilà une très belle réutilisation, intéressante et créative ! », nous commente Guillaume Rischard, du board de l’OpenStreetMap Foundation.
Ce bug, au-delà de son côté humoristique, pose aussi des questions en termes de propriété intellectuelle. « OpenStreetMap est un ensemble de données ouvertes, disponibles sous la licence libre Open Data Commons Open Database License (ODbL) accordée par la Fondation OpenStreetMap (OSMF) » explique la page dédiée. « Vous êtes libre de copier, distribuer, transmettre et adapter nos données, à condition que vous créditiez OpenStreetMap et ses contributeurs. Si vous modifiez ou utilisez nos données dans d’autres œuvres dérivées, vous ne pouvez distribuer celles-ci que sous la même licence. »
La licence impose donc de mentionner l’usage d’OSM d’une manière ou d’une autre. En pratique, « pour une carte interactive, c’est généralement dans un coin. Pour un jeu, ce peut être dans l’écran de démarrage. Dans tous les cas, il faut qu’on sache qu’on utilise ces données, même dans le cadre d’un produit dérivé ».
Des erreurs inévitables dans un tel jeu de données
Au-delà du droit moral, cette citation est aussi un moyen utile de permettre à quiconque de corriger d’éventuels bugs. Pour le cas présent, la fameuse mention a pu être indiquée dans les crédits du jeu. « Je ne peux les accuser d’avoir violé une telle licence sans avoir reçu de signalement ou constaté moi-même ».
En attendant, « quand on utilise des données OSM, on doit se rendre compte qu’il peut y avoir de tout dans les tags. D’où l’intérêt de se doter de règles de validation ».
Des erreurs dans OSM ? « Qu’il y en ait dans un jeu de données, c’est inévitable et trivial à corriger. On n’est pas vaccinés contre et nous n’en avons pas non plus le monopole. Elles surgissent dès lors qu’un humain parle à un ordinateur. Ce qui rend OpenStreetMap unique, c'est que tout le monde peut très facilement les corriger ».