Bras de fer entre YouTube et la Koda. La plateforme a bloqué la musique du catalogue de cette société de perception et de répartition danoise, représentant les intérêts des auteurs-compositeurs. L’enjeu ? L’impasse des négociations entre ces deux acteurs.
Ces négociations visent à remplacer par un accord commun, les accords locaux autrefois en vigueur en Norvège, Finlande et au Danemark. « Dans le cas de la Koda, assure-cette dernière, l'accord national a expiré en avril, mais il a été temporairement prolongé comme c'est de pratique courante dans le secteur lors de la renégociation. Cependant, Google a maintenant, comme condition d'une nouvelle extension temporaire, exigé que la rémunération que les compositeurs et les auteurs-compositeurs reçoivent pour l'utilisation de leur musique par YouTube soit réduite de près de 70 % »
« Ce n'est pas vrai, a contesté le directeur européen de YouTube, Dan Chalmers dans Politiken. Nous avons proposé un accord meilleur que l'actuel. Les négociations n'ont pas atteint leur objectif, car Koda demande beaucoup plus que nos autres partenaires, ce qui n'est pas juste envers ceux-ci et les créateurs de contenu ».
Selon la Koda, YouTube aurait donc réclamé une très forte réduction de rémunération des droits en condition de prolongation de l’accord qui nouait la plateforme avec l’organisme de gestion collective, affirmation que combat la plateforme. La société de perception aurait en tout cas décliné l’offre et YouTube finalement décidé de bloquer les œuvres concernées.
Dans une déclaration au site MusicBusinessWorldWide, YouTube assure en ce sens prendre « la loi sur les droits d'auteur très au sérieux », et « comme notre licence expire aujourd'hui et que nous n'avons pas été en mesure de conclure un accord, nous supprimerons de la plateforme le contenu Koda identifié. »
Comment YouTube sait-il si un morceau de musique est danois ou non, ou plus exactement dans le catalogue de la société de perception ? « Dans le cadre de la collaboration existante entre Koda et Google, Koda informe régulièrement Google des œuvres musicales représentées au Danemark. Grâce à sa technologie de reconnaissance de contenu connue sous le nom de ContentID, YouTube identifie les morceaux couverts » détaille encore la société de perception.
Un risque de contagion
« C'est une situation que nous avons désespérément essayé d'éviter et j'espère que nous pourrons trouver une solution le plus rapidement possible, commente encore Dan Chalmers, directeur de YouTube Music en Europe, dont les propos ont été rapportés par France Musique. Nous avons déjà négocié avec Koda et fait de notre mieux. Mais je ne pense pas que ce soit un accord équitable que Koda exige »
Le bourbier danois ne se limite pas aux œuvres du cru. Tono, société de gestion suédoise, a relevé que Google avait également bloqué la musique que Koda gère au nom de ses affiliés. « Et cela comprend également le catalogue Tono. C'est bien sûr une situation que nous examinons avec le plus grand sérieux, car cela affecte les revenus de nos membres sur YouTube au Danemark » a réagi le PDG Cato Strøm, dont le propre accord avec YouTube expirera au printemps 2021.
« C’est un énorme défi pour la distribution de la musique danoise qu’une plateforme dominante telle que YouTube (Google) supprime les titres danois de la plateforme en raison d’un conflit de droits », a embrayé la ministre de la Culture Joy Mogensen, citée par Reuters. Des discussions seront prochainement organisées pour trouver une solution.
Un avant-goût des négociations autour de l'article 17 de la directive Droit d'auteur
Un « énorme défi » ? Le débat en cours donne aussi un avant-goût des négociations appelées par la directive sur le droit d’auteur, qui devra être transposée dans les législations internes au plus tard le 7 juin 2021. Et parmi les pays de l’Union, la France, la Belgique ou l’Allemagne, mais aussi la Suède, la Finlande et le Danemark.
Très schématiquement, aujourd’hui, YouTube n’est responsable des contenus mis en ligne par les internautes que si, alerté, il décide de conserver un contenu illicite.
Avec la nouvelle directive, tout change. La responsabilité de YouTube sera immédiate sur les œuvres protégées par le droit d’auteur mises en ligne par des internautes utilisateurs.
Le texte a été taillé pour contraindre la plateforme, et les autres hébergeurs concernés, à négocier avec les sociétés de perception le partage de la valeur (ou value gap). Et à défaut d’accord de licence, YouTube pourra être poursuivi sauf s’il met en place plusieurs niveaux de filtrage, plus précisément à l’upload et à l’occasion des remises en ligne d’œuvres déjà signalées.
Les sociétés de perception peuvent-elles craindre une réplique « à la danoise » de la part de Google ? Cela supposerait avant tout que la plateforme prenne le risque de se priver de pans entiers de contenus sous droits d’auteur, dont la disponibilité et l’accessibilité ont conduit à son succès.