La semaine passée, Free était condamné à payer 25 millions d'euros à Bouygues Telecom pour dénigrement, concurrence déloyale et atteinte à son image. Bouygues étant lui-même condamné à 5 millions d'euros en faveur de Free pour dénigrement, ce dernier ne devra donc payer que 20 millions au total. Le jugement nous apprend toutefois comment le Tribunal a fixé de telles sommes.
181 106 clients perdus pour Bouygues
Le Tribunal de commerce de Paris a donc condamné Free à 25 millions d'euros de dommages intérêts à Bouygues. Voici cependant en résumé les calculs opérés par le Tribunal pour atteindre cette somme :
15 millions d'euros pour le préjudice subi par Bouygues Telecom du fait de sa perte de clientèle. Selon le Tribunal, qui se base sur l'expert judiciaire Didier Kling, du fait des multiples actes de dénigrements réalisés par Free (« escroquerie », « gruge », « racket », « pigeons » et « vaches à lait » ont notamment été cités), ce dernier aurait recruté 784 794 clients de Bouygues Telecom. Sans ces dénigrements, ces recrutements ont été estimés à 603 688 abonnés. En somme, ces dénigrements ont donc eu un impact sur 181 106 clients, loin du million de clients avancé par Bouygues. Reste ensuite à évaluer la valeur de chaque client. Un abonné sur 24 mois vaudrait 357 euros pour un abonnement mensuel moyen de 14,875 euros. Ce qui porterait le préjudice à plus de 64 millions d'euros. Néanmoins, le Tribunal a divisé cette somme par quatre sans autre explication que l'utilisation de son pouvoir d'appréciation et le fait que les abonnés n'ont pas forcément une durée de vie de 24 mois chez l'opérateur.
10 millions d'euros pour le préjudice subi par Bouygues Telecom du fait de l'atteinte à son image de marque. Le Tribunal a calculé cette somme non pas sur des données chiffrées, mais principalement sur les propos tenus par Xavier Niel depuis plus d'un an lors des différentes entrevues accordées à la presse. Le Tribunal de commerce de Paris explique notamment que :
- les faits de dénigrements de Free ont nécessairement provoqué une hostilité de la part des consommateurs vis-à-vis de Bouygues Telecom ;
- les propos véhiculés par Free ont provoqué de violentes réactions chez certains consommateurs ;
- Bouygues Telecom a subi un préjudice au-delà du jeu normal de la concurrence sur les prix ;
- pour faire face à cette vague d'incompréhension et de mécontentement de ses clients (...) Bouygues Telecom a dû mettre en place en 2012 des moyens humains supplémentaires et des moyens financiers correspondant aux gestes commerciaux consentis à sa clientèle ;
48 440 clients perdus chez Free
À ces 25 millions d'euros, il faut donc retrancher 5 millions d'euros. Bouygues a en effet été condamné à verser cette somme à Free pour acte de dénigrement ayant entrainé une perte de clientèle. Les termes « coucou », « calamité » et « scandaleuse » ont notamment été utilisés par les dirigeants de Bouygues pour critiquer Free Mobile. Mais plus intéressant encore, un passage du jugement du tribunal a de quoi retenir l'attention :
« Attendu que par souci de cohérence, Free admet le principe d'évaluer le préjudice selon la même méthode que celle d'évaluation du préjudice subi par Bouygues Telecom ; Attendu que dans ce cadre, le tribunal retiendra le chiffre de 48 440 clients de Free ; Attendu que ce chiffre est non contesté et que le tribunal retiendra ainsi la somme de 5 000 000 d'euros. »
Grâce à l'évaluation de la perte de 48 440 clients chez Free du fait du dénigrement de Bouygues Telecom depuis plus d'un an, Free a donc économisé 5 millions d'euros. Une somme que l'on peut qualifier d'élevée dès lors qu'elle valorise chaque client de Free à 103,2 euros, alors que les clients de Bouygues Telecom, eux, ne valent que 82,8 euros. De ce point de vue, Free peut s'estimer heureux.