Un employeur peut-il consulter le contenu d’une clé USB appartenant à l’un de ses salariés en dehors de sa présence ? Oui, vient de répondre la Cour de cassation, dès lors que celle-ci « est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail », et que les fichiers qu’elle contient ne sont pas identifiés comme étant personnels.
Employée depuis 2006 en tant qu’assistante administrative, Madame X. est licenciée début 2009 pour faute grave. Le motif invoqué par son employeur ? Cette salariée a enregistré sur une clé USB des informations confidentielles concernant l'entreprise, ainsi que des documents personnels appartenant à ses collègues et à son patron.
Saisis d’un recours, les prud’hommes ont confirmé qu’il s’agissait bien là d’une faute grave. Sauf qu’en appel, les juges de seconde instance ont estimé que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Pourquoi ? Parce que les preuves avancées par l’employeur n’étaient pas recevables.
En effet, les magistrats de la cour d’appel de Rouen ont retenu dans une décision en date du 25 octobre 2011 que la clé USB appartenant à la salariée - et qui avait été retrouvée sur l’un des ordinateurs mis à sa disposition par son employeur - devait être considérée comme un élément « personnel », empêchant dès lors de consulter son contenu en dehors de la présence de cette salariée. Ce moyen de preuve jugé illicite, rien ne permettait de justifier le licenciement.
Cette décision a toutefois été portée devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Dans une décision en date du 12 février dernier, remarquée par Maître Éric Rocheblave, les magistrats ont considéré que la cour d’appel de Rouen avait mal appliqué le droit. « Une clé USB, dès lors qu'elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l'employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu'elle contient, hors la présence du salarié », précisent les juges dans leur arrêt (disponible sur Legifrance).
Autrement dit, le fait que la clé USB appartienne à un salarié ne suffit pas à protéger son contenu au titre du droit à la vie privée dont bénéficient les employés sur leur lieu de travail. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer dans ces colonnes, la jurisprudence considère de manière constante qu’un salarié a droit à l’intimité de sa vie privée sur son lieu de travail (y compris sur l’outil informatique mis à disposition par son employeur) dès lors qu’il précise clairement qu’un fichier, mail ou dossier est « personnel ».
Ce n’est qu’à cette condition qu’il dispose d’une protection juridique spécifique, conduisant à ce que son employeur ne puisse ouvrir lesdits éléments sans sa présence. Dans le cas présent, il aurait fallu que Mme X. place les fichiers en question dans un dossier intitulé « personnel » ou identifié comme tel.
La décision de la cour d’appel de Rouen a ainsi été cassée et annulée. Les parties ont été renvoyées devant la cour d’appel de Caen, qui devra se prononcer sur cette affaire tout en prenant en considération les arguments de la Cour de cassation.