Exclusif. Nous avons pu nous procurer le dernier des trois premiers jugements rendus dans le cadre de la loi Hadopi. Après une peine de 150 euros prononcée par le tribunal de police de Belfort, une relaxe décidée par celui de Lille, le tribunal de police de Saint-Gaudens a lui prononcé une dispense de peine à l’encontre de cet abonné reconnu coupable.
Le jugement du tribunal de police de Saint-Gaudens du 15 octobre 2012
Le jugement a été rendu le 15 octobre 2012 par ce tribunal de police de Haute-Garonne. Les faits qui remontent au 25 août 2010 sont malheureusement très minces. On sait simplement qu’au regard des débats de l’audience et des pièces versées à la procédure, cet abonné de 55 ans a été reconnu coupable de négligence caractérisée. Les avertissements adressés par la commission de protection des droits sont donc restés sans effet à son égard.
En marge de cette affaire, nous avons appris que « cette personne d’un certain âge ne comprenait rien à ce qu’on lui reprochait ». À tout le moins, « il était sûr que c’était sa fille qui avait utilisé son ordinateur »... Cette incapacité pour l'abonné à comprendre la finesse de cette infraction était déjà une des caractéristiques du jugement de Belfort. En relisant celui de Lille, on devine facilement pourquoi :
La contravention infraction Hadopi résumée en quelques paragraphes
(extrait du jugement de Lille)
À Saint-Gaudens, le tribunal de police a pour sa part fait application de l’article 469-1 du code de procédure pénale et 132-59 du Code pénal sur la dispense de peine. Ces deux articles autorisent la juridiction à accorder une telle dispense « lorsqu'il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé ». Dans son jugement, le tribunal souligne expressément que « le dommage causé est réparé. » Renseignement pris, cela laisse entendre que le magistrat a eu la conviction que cet abonné, quoique coupable, ne récidiverait pas.
Un seul titre, flashé plus de 100 fois
Fait notable, nous avons aussi appris que le dossier versé par la Hadopi a été accompagné d’une expertise informatique pour expliquer les faits de mise à disposition et la problématique de la non-sécurisation. La directrice adjointe de la commission de protection des droits avait fait également le déplacement pour être entendue... En face, l'abonné s'est défendu seul.
Selon nos informations, il a été condamné pour un seul titre, le film « L’arnacoeur » a été mis à disposition « plus d’une centaine de fois ». On se retrouve donc dans la même situation que lors d’une précédente affaire, où l’abonné avait été condamné pour la mise à disposition d’un seul titre de Rihanna, flashé cette fois 150 fois. Et pour cause : le logiciel de mise en partage se lançait à chaque démarrage au nez et à la barbe du titulaire de la ligne.
Selon les derniers relevés des chiffres clefs de la riposte graduée, 36 délibérations ont été rendues par la Commission de protection des droits en janvier 2013. En tout, 455 dossiers sont passés à cette phase ultime. Transmis au parquet, ce sont eux qui sécrètent ce genre de jugement si la procédure va à son terme pénal.
L'amende automatique ?
À ce jour, les abonnés risquent théoriquement une amende de 1500 euros et une peine complémentaire d’un mois de suspension. Problème, cette suspension est techniquement impossible, car elle ne porte que sur l’accès web. Elle doit laisser intacte la télévision, la téléphonie, mais aussi l’accès aux correspondances privées. Fait notable, c’est en raison de cette peine théorique que le Conseil constitutionnel avait exigé l’intervention obligatoire du juge dans le prononcé. En effet, la suspension porte atteinte à la liberté de communication et d’information dont est garant le juge judiciaire.
Lors du dernier Midem, plusieurs représentants de la filière musicale se sont plaints de la trop faible répression de la loi Hadopi. Ils en ont profité pour réclamer la fin de la suspension tout en réclamant du même coup une modification législative afin que la Hadopi puisse infliger des peines automatiques de 140 euros. En effet, si la suspension saute, la case judiciaire n'est plus nécessaire. On fait alors l'économie d'un temps de traitement à mille lieues de l'automatisme de la rue de Texel.
Une sanction administrative aux charmes multiples
Que pense-t-on en interne à la Hadopi de cette sanction administrative ? En octobre 2012, la présidente de la Commission de protection des droits nous avait indiqué que lorsqu’ils récupèrent un dossier venant de la Hadopi, « les magistrats reçoivent un dossier de 5 cm d’épaisseur ! » Mireille Imbert-Quaretta nous avait esquissé les charmes et avantages de cette potentielle sanction administrative : jugée « moins répressive » puisque sans inscription au casier, elle serait aussi « plus souple, moins compliquée ». Mais il y a d'autres charmes. La procédure serait moins coûteuse puisqu’elle ne mobiliserait pas de tribunal de police. Enfin, la Hadopi serait maitresse de sa politique pénale dans la plus parfaite discrétion.