Le nouvel accord commercial en préparation entre l'Union européenne et les États-Unis inquiète décidément les acteurs de tous les bords. Voilà quelques jours, la Quadrature du Net estimait que le document pourrait être le cheval de Troie d’ACTA. Cette semaine, c’est la quasi-totalité des ayants droit français qui tirent la sonnette d’alarme.
Les négociations en cours autour de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis sont le foyer de toutes les craintes. Pour la Quadrature du Net, ce projet pourrait signifier un retour d’ACTA. Et pour cause. L’accord anticontrefaçon avait été rejeté par le Parlement européen dans un acte politique fort. Peu de temps après, on retrouvait malgré tout sa trace dans des négociations avec le Canada via CETA (Canada Eu Trade Agreement). Négocié par la Commission Européenne, cet accord abritait alors des copies serviles d’articles d’ACTA notamment sur la responsabilité des intermédiaires techniques. Par une peur réflexe, la Quadrature estime que ces mêmes dispositions pourraient maintenant se retrouver dans l’accord négocié entre l’UE et les États-Unis d’autant qu’un chapitre vise justement la propriété intellectuelle.
Mais ce même accord de libre-échange inquiète aussi la quasi-totalité des ayants droit et créateurs. Dans un communiqué, la Coalition française pour la diversité culturelle considère pour sa part qu’il menace le « droit des États et des regroupements d’États à mener librement des politiques de soutien à la création culturelle ». Sur la sellette, le soutien financier et la politique des quotas, bref toutes les politiques proactives d’aide à la filière. « La méthode de négociation qui pourrait être choisie, méthode dite des listes négatives, s’avère particulièrement dangereuse : tout ce qui ne serait pas expressément exclu de la négociation en fait partie. »
Des droits à l'oeil, GAFA à l'index
Or, la Coalition estime que les États-Unis pourraient tirer la couverture à eux. Comment ? En jouant sur la définition des termes et donc du champ d’application de ces règles. « Les États-Unis militent en effet pour un détachement de la VàD, TV de rattrapage, etc. du secteur audiovisuel classique ». Par ce détachement, le secteur pourrait ainsi être libéralisé. Et « l’exception culturelle serait alors réduite à peau de chagrin, car elle n’aurait plus vocation qu’à s’appliquer à la distribution des œuvres via les médias traditionnels, mais ne vaudrait plus pour la diffusion des œuvres par Internet, qui représentera à l’avenir l’essentiel de ces services ». Une pierre et deux jolis coups puisque dans le même temps, les États-Unis mettraient à l’abri leurs (gros) poussins (Google Amazon, Facebook et Apple) des obligations de soutien.
Mandat impératif
La Coalition aimerait du coup qu’un mandat impératif soit imposé à la Commission européenne afin que les biens et services culturels et audiovisuels soient protégés. Pour ces ayants droit français, « cette volonté de libéraliser le secteur audiovisuel tient naturellement à l’importance de l’industrie audiovisuelle américaine, tant sur le plan économique qu’en termes de stratégies diplomatiques, politiques et culturelles des États-Unis ». Et pour ces questions de stratégie, notre pays a une expérience certaine dans ses relations avec les États-Unis. C’est en 2003 et 2004 par exemple que sous les applaudissements de Cannes, Jack Valenti (MPAA) demandait à la France d’être le « fer de lance » de la lutte antipiratage.