Les entreprises de haute technologie telles que Microsoft, Apple, ou encore Google, sont critiquées dans un grand nombre de pays européens pour réduire fortement leurs impôts, ceci grâce à des optimisations fiscales en passant par divers petits pays et îles exotiques. Au Royaume-Uni, une idée a germé afin de lutter contre les sociétés qui pratiquent cette fois l'évasion fiscale : leur interdire l'accès aux marchés publics.
Un marché non négligeable
Pour de nombreuses entreprises à travers le monde, trois grands marchés existent : celui dédié au grand public, celui visant les professionnels, et celui des administrations et des marchés publics (gouvernementaux ou autres). Une société comme Dell tire par exemple près de 30 % de son chiffre d'affaires de ce marché. Il n'est donc en aucun cas anodin, et les pays les plus riches du monde dépensent des milliards chaque année pour renouveler leurs parcs informatiques, leurs logiciels, leurs systèmes, etc. Outre le volet financier, c'est aussi une question d'image et d'intégration d'un marché d'être choisi par l'administration.
Or le Royaume-Uni, à l'instar de la France, est plus qu'agacé de voir certaines entreprises utiliser leurs filiales en Irlande, au Luxembourg ou dans de petites îles, afin de détourner leur chiffre d'affaires et leur bénéfice. En novembre dernier, nous vous informions ainsi que Apple, Amazon, Facebook, eBay, Twitter ou encore Google étaient dans le viseur de nos voisins d'outre-Manche. Il faut dire que ces sociétés n'ont payé qu'une poignée de millions de Livres d'impôts ces dernières années, alors qu'elles ont pourtant réalisé des milliards sur ce territoire. Un constat peu apprécié, alors que le gouvernement réduit fortement ses dépenses afin de réduire son déficit.
La solution trouvée au Royaume-Uni par le trésor est ainsi la suivante : toute société reconnue coupable d'évasion fiscale ne pourra pas se présenter lors des prochains appels d'offres pour le marché public. Le Trésor britannique, le département gouvernemental de la finance et des taxes, a ainsi annoncé la nouvelle hier via un communiqué officiel.
Cette décision devrait prendre effet à partir du 1er avril prochain. Les entreprises qui souhaiteront vendre leurs produits ou leurs services à l'administration devront donc montrer patte blanche non seulement vis-à-vis de leur passé (on parle de 10 ans), mais elles devront aussi continuer à faire preuve de bonne volonté dans le futur. « Après leur introduction, les règles permettront également aux ministères d'inclure une nouvelle clause dans les contrats qui permettra de résilier un contrat si un fournisseur violant par la suite les nouvelles obligations de conformité fiscale. Le fournisseur sera légalement contraint de déclarer à l'administration si son état a changé après l'attribution du contrat. »
« Nous comblons les failles »
Selon le Trésor, ces nouvelles règles sont conformes à celles de l'Union Européenne. Danny Alexander, le Secrétaire en chef du Trésor, a résumé la situation en affirmant que « l'évasion fiscale agressive est totalement inacceptable. C'est pourquoi nous comblons les failles. » Des centaines de millions de Livres seront d'ailleurs alloués afin d'aider le HMRC (l'administration fiscale, ndlr) à réprimer les entreprises pratiquant de l'évasion fiscale. « Ces nouvelles règles sont un outil important, car elles permettent aux ministères du gouvernement de dire non à des entreprises qui se proposent pour des contrats gouvernementaux. »
Bien entendu, le fait que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux sociétés condamnées est leur principale faille. C'est aussi une garantie salutaire puisque de nombreux moyens légaux permettent l'optimisation fiscale, laquelle est parfaitement licite. À moins bien sûr que ces règles ne présupposent une future condamnation de certaines sociétés étrangères. Après tout, Google a bien été condamné l'an passé en Inde pour cette raison. Nokia est d'ailleurs sous le coup d'une enquête en ce moment même dans ce même pays.
En France, une telle idée n'a pas encore été évoquée. Le rapport Collin & Colin propose lui une fiscalité basée sur l'exploitation des données personnelles.