Dans une note (PDF) en date du 8 février dernier et à destination de l’administration Obama, l’International Intellectual Property Alliance (IIPA) demande à ce que la Suisse soit placée sur la « Watch list » 2013 des pays à surveiller s’agissant de contrefaçon. Nos voisins helvétiques figureraient alors aux côtés d’États tels que le Pakistan, la Roumanie, le Kazakhstan... mais aussi de l’Italie, du Canada ou de l’Espagne.
Pourquoi une telle mise à l’index ? Cela part tout d’abord d’un constat de l’IIPA : les suisses s’adonneraient plus au «piratage» que Français ou Allemands par exemple. Fin 2012, 35 % des utilisateurs helvétiques du réseau avaient des pratiques illicites en ligne selon l’organisation, contre 26 % en moyenne en Europe. « Les internautes suisses font un usage sophistiqué d’une large gamme d’outils afin d'accéder à du contenu piraté », relève en outre la note. Sont ainsi cités en exemple différents logiciels de peer-to-peer (Emule, BitTorrent...), les hébergeurs de fichiers, ainsi que le streaming.
« Le pays est devenu une destination attractive pour les services fortement engagés dans des activités de contrefaçon » poursuit ensuite le document de l’IIPA, avant d’ajouter : « Ce faisant, ils offrent un service complet transformant la Suisse en un grand exportateur de contenus pirates ». Rappelons que le célèbre hébergeur de fichiers RapidShare est Suisse, même si son nom n’est jamais mentionné.
La Suisse - presque - décrite comme un paradis de la contrefaçon
La coalition des sociétés américaines du cinéma, du logiciel, de la musique... en déduit alors qu’il faut pointer du doigt la législation et la justice suisses, qui permettraient d'après eux aux internautes de s’adonner trop facilement à ces pratiques de piratage, aux hébergeurs de ne pas être incités à retirer les contenus illicites qu’on leur signale, etc.
L’IIPA demande donc au gouvernement américain de faire le nécessaire pour que la Suisse assure une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle. Est notamment réclamée une « clarification » du statut juridique des hébergeurs, ainsi qu’une modification du droit d’auteur comprenant par exemple des évolutions quant à la copie privée.
La menace brandie ici par l’IIPA n’est cependant pas le premier signal envoyé par les États-Unis à la Suisse. Ce n’est en ce sens pas une très grande surprise pour nos voisins helvétiques. « Nous ne voulons pas que la Suisse figure sur cette liste, mais il est probable qu’elle y soit inscrite un jour ou l’autre » reconnaît d’ailleurs Emanuel Meyer, chef juriste à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), selon des propos rapportés par 24Heures. Si jamais l’administration Obama accédait aux requêtes de l’IIPA, il pourrait en découler selon lui « une pression sur le pays, et probablement des suites au Parlement ». Néanmoins, l’organisation qu’il représente ne semble pas disposée à premier abord à s’incliner face aux remontrances en provenance des États-Unis. « Nous ne sommes pas là pour défendre les intérêts spécifiques des ayants droit », a-t-il déclaré à nos confrères. « Nous devons rester neutres. Si nous allions dans leur sens, ce sont les consommateurs et les utilisateurs qui se sentiraient lâchés ».
Pour mémoire, la Suisse avait expliqué en novembre 2011 à ses voisins, notamment français, pourquoi elle ne voulait pas d’une Hadopi. Chargé par le Conseil des États d’établir un rapport sur le téléchargement illégal, le Conseil fédéral expliquait de long en large que ceux qui téléchargent continuent à acheter des divertissements. Depuis, le pays poursuit ses travaux en vue d'explorer de nouvelles formes de financement qui ne malmèneraient pas la sacrosainte vie privée et éviteraient un déluge pénal (voir notre actualité).