C’est demain qu’ouvrira le site Parlement & Citoyens, qui se présente comme une plateforme « permettant aux parlementaires et aux citoyens de construire ensemble les lois de la République », notamment via Internet. L’association SmartGov, qui gère ce site Web, a voulu s’inspirer de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en vertu duquel « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. »
Les citoyens épauleront les parlementaires dans la formulation de leurs propositions de loi
Concrètement, il s’agit de permettre à chaque internaute de participer à l’élaboration de la loi, dès lors qu’un député ou un sénateur souhaite déposer une proposition. À partir d’un sujet donné, les participants pourront conseiller des travaux ayant déjà porté sur une question en particulier et/ou soumettre leurs avis. Une réunion sera ensuite organisée entre le parlementaire et les participants, en vue d’établir une synthèse des participations. Celle-ci sera par ailleurs publiée sur la plateforme Parlement & Citoyens.
Il appartiendra ensuite à l’élu porteur de la proposition de loi de retenir les éléments de son choix. Ses arbitrages devront cependant être justifiés dans une vidéo, mise en ligne en même temps que sa proposition définitive. Le texte prendra ensuite le chemin de la procédure législative ordinaire.
Redonner de la confiance dans les élus
L’initiative, soutenue par diverses organisations telles que la Fondation Jean Jaurès ou Regards Citoyens, ainsi que par des personnalités politiques comme Martin Hirsch ou Jean-Paul Delevoye, se donne un triple objectif : renforcer à la fois l'efficacité des politiques publiques, la légitimité des lois produites, et la confiance des citoyens envers les acteurs politiques.
Il n'en demeure pas moins que cette initiative, très intéressante dans le principe, risque de se voir confrontée à la pratique, puisque ce sont en grande majorité les textes d’origine gouvernementale (les projets de loi, et non les propositions de loi) qui sont adoptés par le Parlement.
Cyril Lage, concepteur et porte-parole du projet Parlement & Citoyens, a accepté de répondre à nos questions.
Comment résumer en quelques mots l’initiative Parlement & Citoyens ?
C’est très simple : c’est une plateforme web qui permet aux parlementaires d’associer les citoyens à la rédaction de leurs propositions de loi.
Ne craignez-vous pas d'être confrontés aux pratiques bien ancrées des parlementaires ?
Si on avait peur, on n’aurait rien fait ! Parce qu’effectivement, les parlementaires ne travaillent aujourd’hui absolument pas comme ça. Simplement, les élus comprennent assez bien l’intérêt que cela présente pour eux d’utiliser ce dispositif, donc ils sont assez partants pour s’y associer. D’autant plus que nous avons passé des partenariats avec des think tanks et des fondations politiques qui ont pour mission de les accompagner dans la rédaction du cahier des charges.
Des parlementaires ont-ils déjà assuré qu’ils participeraient à cette plateforme ?
Pour l’instant, il y en a six : Bruno Le Maire (député UMP), Dominique Raimbourg (député PS), Joël Labbé (sénateur EELV), Marion Maréchal Le Pen (députée FN), Bertrand Pancher (député UDI), André Chassaigne (député PCF-FG).
Je tiens à préciser que ces élus permettent de représenter globalement la diversité politique. Nous sommes partis du postulat que pour avoir des politiques publiques plus efficaces et pour que les citoyens aient plus confiance en leurs élus, il était nécessaire que les parlementaires associent l’ensemble des citoyens à l’élaboration de leurs propositions de loi, et qu’ils rendent compte de leurs arbitrages. Mais comme l’on sait parfaitement que les citoyens n’ont aujourd’hui plus confiance en rien ni en personne, pour leur démontrer que nous, on n’est pas là pour servir une écurie politique ou un clan contre un autre, nous avons cherché pendant des mois à convaincre des hommes politiques de tout l’échiquier politique.
Selon vous, il y a un problème dans le fonctionnement de notre démocratie : les citoyens ne sont pas assez consultés ?
C’est une évidence. C’est un fait que les citoyens ne sont pas consultés.
La façon dont on a construit cette plateforme incite à venir vers nous uniquement des parlementaires qui sont dans cette dynamique, à savoir de monter en qualité dans l’élaboration de leurs propositions de loi, et aussi d’obtenir de l’appui de la société civile pour pouvoir contre-balancer le pouvoir des lobbys.
On suggère par ailleurs aux parlementaires, dans le cadre du mouvement d’Open Data, qu’ils saisissent l’opportunité de ces consultations pour demander aux administrations qu’elles mettent à disposition les données dont elles disposent, relativement aux problèmes qu’ils veulent régler.
Quel est l’apport du Web dans cette initiative ?
Il est gigantesque ! Le fondement juridique de notre projet, c’est l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Imaginez ceux qui ont écrit ce texte en 1789 : comment pouvaient-ils penser que le citoyen pourrait participer à l’élaboration des lois ? C’est assez dingue ! Aujourd’hui, ce droit est rendu possible par le numérique. C’est grâce à cette plateforme que l’on va pouvoir mettre en œuvre ce droit, qui jusqu’à maintenant, n’était pas concrètement possible !
Merci Cyril Lage.