La Cour de cassation vient de lâcher du lest sur le régime des liens adwords. Elle suggère que l’usage comme mot clef du nom d’un concurrent ne permet pas de caractériser un risque de confusion entre deux sites internet. « Le démarchage de la clientèle d’autrui est licite s’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal » a-t-elle en effet estimé. Une application pleine et entière du principe de la liberté du commerce.
En février 2005 (notre actualité), Cobrason fait constaté par huissier que la requête « Cobrason » sur Google.fr fait apparaître un lien commercial vers homecinesolutions.fr, lien accompagné de la phrase « Matériel HiFi Home Cinéma, Pourquoi payer plus cher, Choix, Qualité et service depuis 5 ans ». Cobrason n’avait pas apprécié qu’un concurrent puisse acheter et utiliser le mot clé « Cobrason » pour faire son beurre. Pour celle qui s’estime victime de concurrence déloyale, Google « créé un risque de confusion avec son propre site internet, il en résulte un détournement de clientèle et une réutilisation parasitaire de ses investissements ».
En face, Homecinesolutions considère qu’il n’y avait aucun risque de confusion « car le basculement vers le site concurrent ne peut se faire sans volonté expresse de l’internaute ». De plus, il n’y a pas « de pratiques concurrentielles déloyales dès lors que la position de son nom à côté de la société Cobrason permet à l’internaute de comparer les prix et d’exercer une concurrence favorable au marché et conforme à l’esprit d’une économie libérale. »
Cobrason était victorieux devant le tribunal de commerce de Paris. Google était qualifié de régie publicitaire, non d’hébergeur. « En proposant le mot clé « Cobrason » dans le programme Adwords et en faisant ensuite apparaître sur la page de recherche sous l’intitulé « liens commerciaux » un site de concurrent ayant sélectionné ce mot clé, les sociétés Google engendrent un risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne entre le site du lien commercial et le site ayant pour nom de domaine ce mot clé. »
La responsabilité de Google sera tout autant confirmée en appel. Les juges reprocheront en effet au moteur « d’avoir contribué techniquement aux actes de concurrence déloyale » commis par l’éditeur de Homecinesolutions.
Détournement et démarchage
Problème, la Cour de cassation va reprocher à la Cour d’appel d’avoir mal motivé son jugement : elle n’a pas répondu aux conclusions de Google qui revendiquait encore et toujours le statut d’hébergeur au titre de la LCEN.
Autre chose, le même arrêt considère que l’utilisation du mot clef Cobrason par Homecinesolutions génère une confusion entre les sites respectifs dans la clientèle potentielle et provoque « de ce seul fait » un détournement déloyal de clientèle. Dans sa décision révélée Legalis.net, la Cour de cassation n’a pas retenu l’argumentation : les juges auraient dû là encore motiver davantage et « relever des circonstances caractérisant un risque de confusion entre les sites internet des deux entreprises et alors que le démarchage de la clientèle d’autrui est licite s’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal ». Le point est remarquable puisqu’il suggère que le seul usage du nom d’un concurrent ne remplit pas toutes les « circonstances caractérisant un risque de confusion. »
Enfin, la Cour d’appel a estimé qu’il y avait publicité « fausse ou de nature à induire en erreur ». En effet, la publicité pour Homecinesolutions était précédée de « Lien Commercial », comme toutes les pubs adwords. Cela pouvait laisser entendre l’existence d’un lien entre Cobrason et son concurrent. En outre l’intitulé « Pourquoi payer plus cher » était susceptible d’induire en erreur et entrainer détourner la clientèle. La Cour de cassation va balayer cette analyse, considérant que les éléments constitutifs de la publicité mensongère n’étaient pas entièrement vérifiés.