Hier, PC INpact dévoilait un document rédigé en amont de la commission des marchés publics. Cette version montrait les doutes exprimés par le rapporteur quant à l’accord-cadre signé entre le ministère de la Défense et Microsoft. L’April a vivement réagi suite à cette diffusion. Dans le même temps, on apprend que l’accord-cadre pourrait être étendu à d’autres ministères.
Cet accord-cadre avait été signé en 2009 pour quatre ans sans appel d’offres ni procédure publique. Il a été signé entre Microsoft Irlande et la Direction Interarmées des Réseaux d'Infrastructures et des Systèmes d'Information (DIRISI). Il organise une offre dite « open-bar » qui permet donc à la Défense de puiser dans le stock des logiciels Microsoft pour 100 euros HT par poste, avec au bas mot 170 000 postes. Le contrat organise un droit d’usage non un droit de propriété, mais le ministère a la possibilité de soulever une option d’achat s’il le souhaite, elle aussi facturée. En outre, Microsoft s’engage à mettre en place un centre de compétence au sein de cette direction.
La mesure avait été critiquée : de l’AFUL jusqu’à l’Assemblée nationale où le député Bernard Carayon dénonçait « l'assujettissement aux formats et protocoles propriétaires fermés » en plus d’« une uniformisation totale des systèmes d'information du ministère de la Défense par l'utilisation exclusive de logiciels Microsoft. » Le ministre de la Défense d’alors rassurait le député : tout a été « examiné par la commission des marchés publics de l'État qui a donné un avis favorable à la passation de cet accord-cadre. »
De fait dans un document de travail datant de 2008 et préalable à cette commission, l’accord secret a quelque peu souffert. On y mentionne l’absence de mise en concurrence dans un marché où l’éditeur prédomine, la question de l’interopérabilité ignorée, le catalogue de brevets qu’il possède, et un contrat qui risque de s’éterniser une fois les logiciels enracinés sur les postes.
Cet accord entre Microsoft et la Défense est en phase de renégociation puisque son terme est fixé à mai 2013.
Accord cadre et circulaire Ayrault sur le libre dans les administrations
Suite à notre article, l’April, association pour la promotion du libre, vient de demander la suspension de cette phase. Elle réclame une « cure de désintoxication » et en appel au respect des demandes du premier ministre consacrées dans la circulaire sur l’utilisation du libre dans les administrations. « Cela passe donc par une négociation transparente et ouverte à tous avant qu'un tel contrat ne soit passé, c'est pourquoi l'April appelle le gouvernement à suspendre la procédure en cours afin de repartir sur de meilleures bases ». En attendant, l’association fustige « cette dépendance du Ministère de la Défense envers la société Microsoft » alors que dans le même temps la Gendarmerie nationale a mis le cap sur le libre.
A l'antipode de cet accord-cadre, la circulaire du Premier ministre de septembre 2012 soutient que « certains produits d’éditeur ont de moins en moins d’alternatives commerciales crédibles, le leader du marché ayant éliminé la concurrence ». En face, affirme-t-elle, « le logiciel libre apporte alors des possibilités alternatives ». Elle voit le libre comme « un choix raisonné » notamment par ce qu’il est « souvent moins cher » permet une « transparence accrue » et une « réelle mise en concurrence. »
Au-delà de la parole, où seront les actes ? Selon plusieurs sources concordantes, l’accord-cadre sert cependant désormais de faire-valoir à Microsoft auprès des autres ministères. « Une présentation de l'accord-cadre aux autres ministères est prévue prochainement » apprend-on de deux sources différentes. Ces négociations vont en tout cas pouvoir profiter d’une belle opportunité mécanique : la désinstallation d’un parc de 170 à 188 000 postes n’a pas un coût neutre surtout si elle passe par le cap de la sous-traitance.