Numérisation : la BNF se défend de toute expropriation du domaine public

« On s'était dit rendez-vous dans 10 ans.. »

Après Aurélie Filippetti, qui réfutait la semaine dernière tout préjudice pour le domaine public, c’est au tour du président de la Bibliothèque nationale de France, Bruno Racine, de monter au créneau pour défendre les accords de numérisation signés entre l’État et plusieurs entreprises privées en vue d’une numérisation d’œuvres appartenant au domaine public.

culture valois 

 

Pour mémoire, le ministère de la Culture a annoncé le mois dernier avoir désigné trois entreprises prestataires en vue de la numérisation et de la diffusion de 70 000 livres anciens et de 200 000 vinyles appartenant aux collections de la BNF. Signés dans le cadre des investissements d’avenir, ces partenariats public-privés ont rapidement suscité de nombreuses critiques, notamment de la part d'organisations comme Savoirs Com1 ou La Quadrature du Net.

 

Philippe Aigrain, co-fondateur de LQDN, s’est par exemple insurgé contre le droit d’exploitation commerciale exclusif de dix ans ayant été ainsi accordé à ces entreprises privées. De plus, l’opacité entourant ces partenariats a pu choquer les esprits, les autorités se refusant de divulguer le texte intégral des accords.

Bruno Racine confirme une période d'exclusivité de 10 ans

Après plusieurs semaines de fronde, Bruno Racine, président de la BNF, a décidé de répondre aux critiques dans une tribune au Monde. L’intéressé y explique que le partenariat concernant les vinyles (qui concerne les entreprises Believe Digital et Memnon Archiving Services) devra conduire à la numérisation des 200 000 œuvres concernées en 7 ans. Aussi, il reconnaît que « la durée de l'exclusivité sera de 10 ans au total ». Bruno Racine fait cependant très vite valoir que cette période d’exclusivité s’étendra dans la pratique de « 3 ans à peine de plus que le temps nécessaire à la réalisation », et ce « alors qu'au rythme actuel, il faudrait plus d'un siècle pour y parvenir... ».

 

« La majorité des œuvres étant encore sous droits (80 % pour les microsillons), Gallica permettra d'écouter des extraits et Believe Digital assurera la diffusion à travers des centaines de plateformes telles que Deezer. Ce sera une démultiplication phénoménale de l'accès à cette collection quasiment inconnue et pratiquement inaccessible en dehors de quelques spécialistes » ajoute le président de la BNF.

3 500 numérisations disponibles immédiatement, les 66 500 autres attendront 10 ans

S’agissant du second partenariat, signé avec l’éditeur américain ProQuest, il s’avère qu’il « va permettre de numériser en six ans et en plus haute qualité que ne le fait Google quelque 70 000 ouvrages anciens des XVe, XVIe et XVIIe siècles », assure Bruno Racine. « 3 500 d'entre eux seront mis en libre accès immédiat et rejoindront ceux qui sont déjà disponibles sur Gallica ». Quant aux 66 500 oeuvres restantes, il faudra donc attendre dix ans après leur numérisation avant qu’elles soient à leur tour en libre accès sur Gallica.

 

Le président la BNF explique dans le même temps que la collection numérisée « deviendra d'abord accessible aux 1 500 lecteurs quotidiens de la BNF et à ceux des bibliothèques abonnées au programme Early European Books ». Autrement dit : seulement pour les visiteurs des établissements concernés, et non pas pour des écoles ou des chercheurs éloignés de ces bibliothèques. Par ailleurs, et comme pour le partenariat concernant les vinyles, l’intéressé met en avant « la démultiplication et l'accélération de l'accès que permettra l'accord » au regard des 25 années qu’auraient pris selon lui ces opérations en temps normal.  

 

bnf

Une dotation de 5 millions d’euros pour la BNF

L'auteur de cette tribune en vient ensuite à évoquer ce qu’il appelle le « plan économique ». Il annonce ainsi qu’une dotation de 5 millions d'euros a été accordée à la BNF. Selon lui, celle-ci « permettra de mettre en œuvre des programmes qui lui en auraient coûté normalement au moins le triple » et conduira également à la création d'une quarantaine d'emplois en France.

 

Bruno Racine s’attache enfin à répliquer aux voix s’étant élevées ces dernières semaines contre la « privatisation du domaine public » ou contre une « expropriation du bien commun ». Selon le président de la BNF, « les œuvres en question, accessibles sous forme numérisée à la BnF, restent bien entendu dans le domaine public : tout autre éditeur peut demander à publier les mêmes textes s'il le souhaite ». Il poursuit : « L'expression d' « expropriation du bien commun » est tout aussi fausse : on ne peut être exproprié que d'un bien existant, alors que le but de ces accords est justement de créer un bien nouveau (les collections numériques). Enfin on ne saurait parler de dérive commerciale de la BNF puisqu'il n'y a aucune sélection des corpus en fonction de leur potentiel marchand et que tous les revenus de la filiale sont réinvestis dans la numérisation du patrimoine ».

 

Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de cette tribune, Bruno Racine peine à répondre à certains reproches formulés à ces partenariats. Dans leur communiqué commun du mois dernier, COMMUNIA, l'Open Knowledge Foundation France, Creative Commons France, La Quadrature du Net, Framasoft, et SavoirsCom1 s’alarmaient en effet des effets pervers de ces accords : « Ces partenariats prévoient une exclusivité de 10 ans accordée à ces firmes privées, pour commercialiser ces corpus sous forme de base de données, à l'issue de laquelle ils seront mis en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. Les principaux acheteurs des licences d'accès à ces contenus seront des organismes publics de recherche ou des bibliothèques universitaires, situation absurde dans laquelle les acteurs du service public se retrouveront contraints et forcés, faute d'alternative à acheter des contenus numérisés qui font partie du patrimoine culturel commun ».

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