C’est aujourd’hui que débutent les discussions autour de la proposition de loi relative au principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques. Après un passage en commission des affaires économiques, le texte de Laurence Abeille a subi une cure d’amaigrissement, loin des ambitions du groupe écologiste. Le flux en direct doit débuter aux environs de 16 h jusqu'à cette nuit.
Après un passage en commission parlementaire, le texte signé par les écologistes a été dégraissé de ses principales mesures. Exit par exemple l’article qui prévoyait que « toute nouvelle application technologique ayant pour conséquence l’émission de rayonnements électromagnétiques » fasse « l’objet d’une étude d’impact sanitaire et environnemental, préalablement à sa mise en œuvre » menée par une équipe scientifique indépendantes des entreprises concernées.
Fait notable, la proposition conserve la désactivation par défaut des appareils radioélectriques équipés d’un accès sans fil à internet. De même, « les modems et les boîtiers multiservices proposés par les fournisseurs d’accès à internet [devront disposer] d’un mécanisme simple de désactivation de l’accès sans fil à internet ». En outre, « la puissance d’émission de l’accès sans fil à internet des boîtiers multiservices est modulable. »
Pas d'interdiction du Wi-Fi dans les crèches et les écoles
Purgé l’article qui visait à interdire le Wi-Fi « dans les structures d’accueil de la petite enfance » (crèche, etc.) ou l’installation obligatoire - sauf dérogation - de connexions filaires dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires, les collèges et les lycées. Dans les établissements scolaires utilisant le Wi-Fi, il était prévu « des zones Wi-Fi à rayonnement contrôlé avec une programmation des heures de fonctionnement ». Des mesures similaires étaient prévues dans les établissements publics, du moins quant aux connexions filaires. Enfin, l’obligation de mentionner clairement l’usage du sans-fil et les sources d’émissions électromagnétiques dans les établissements recevant du public a également sauté.
Le député François Pupponi s'est d'ailleurs questionné sur le coût qu'auraient engendré ces mesures. « J’aimerais savoir comment on va financer ces dispositions : équiper une école en filaire représente pour les communes un coût qui peut aller jusqu’à 500 000 à 600 000 euros. Et si on considère que le wifi est dangereux, ce qui reste à démontrer, pourquoi ne pas interdire son utilisation également dans les foyers qui comptent des enfants ?» Laurence Abeille, rapporteure, aura vainement avancé qu'il paraît « essentiel de protéger les enfants, particulièrement vulnérables, des risques potentiels liés aux ondes. Le développement numérique dans les écoles doit passer par des liaisons filaires. Et je ne vois vraiment pas l’intérêt de connexions wifi dans les crèches...»
Gommée la section sur l’électrohypersensibilité
La section sur l’électrohypersensibilité a également été mise à la trappe. Elle prévoyait face à l’intolérance environnementale aux champs électromagnétiques, la rédaction d’un rapport sur le sujet « incluant une étude réalisée de manière transparente et contradictoire et une nomenclature des symptômes reconnus dans le répertoire des déficiences ». Ce rapport, ajoutait la proposition, devait en outre définir « les modalités d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et de l’intégration de l’électrohypersensibilité au guide barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées ». Enfin, il devait aussi préfigurer la création de zones blanches expérimentales « exemptes de tout champ électromagnétique artificiel. »
Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire expliquera que « l’électro-hypersensibilité est un syndrome sur lequel les médecins ne savent presque rien. Il nous a donc semblé néfaste de le définir par voie législative sans étude scientifique, et tout à fait inutile de demander un rapport au Gouvernement avant l’achèvement des travaux conduits à l’hôpital Cochin » sur le sujet.
La réglementation sur les antennes
Le texte envisageait aussi que l’implantation des antennes soit impérativement soumise à l’obtention d’un permis de construire. Le texte en sortie de commission se satisfera d’une simple déclaration de travaux selon les cas.
Avant modification, le texte était très formaliste puisque cette demande de permis devait être « assortie d’un dossier comportant la motivation, la localisation précise de l’installation, les dispositions d’intégration paysagère, un état des lieux électromagnétiques avant l’installation ainsi qu’une étude d’impact électromagnétique comprenant les caractéristiques précises des antennes-relais et une simulation précise des niveaux de champs globaux émis par l’ensemble des équipements prévus dans un rayon de 300 mètres ». En outre, la localisation des antennes devait être affichée en mairie « et affichée de manière claire et visible dans les parties communes de l’immeuble ou sur l’ouvrage portant les antennes concernées par les travaux ». Un régime ambitieux puisque « lors d’une implantation dans un espace public, les riverains sont informés » et « les décisions portant sur l’implantation d’une installation radioélectrique utilisée dans les réseaux de télécommunications dans les habitations à loyer modéré doivent faire l’objet d’une consultation des habitants. »
Finalement, la commission des affaires économiques a gommé toutes ces obligations. Elle préfère laisser la possibilité de saisir « une commission départementale de concertation sur les installations radioélectriques » pour plancher « sur toute question relative à l'implantation ou au fonctionnement de toute installation radioélectrique dans le département ». Dialogue, concertation, information, etc. seraient quelques-unes de ses cordes sachant qu’on trouve dans ses rangs des représentants de l’Etat, des collectivités, des exploitants d’installations radioélectriques et « des représentants des associations agréées de protection de l’environnement, de consommateurs et d’usagers du système de santé et des fédérations d’associations familiales. »
La proposition de loi a tout autant perdu une des dispositions qui visait à abaisser la puissance des antennes à des valeurs aussi basses que raisonnablement possible, « en se basant sur les expérimentations à 0,6 V/m menées par le ministère de l’Écologie ». Un plan de réduction du seuil d’exposition du public aux ondes devait en outre être défini pour atteindre au plus tard au 1er juillet 2014 une valeur définie par décret. La commission des affaires économiques préfère s'en remettre à un rapport gouvernemental dans les neuf mois « précisant l’impact de la mise en œuvre du principe de sobriété maximale d’émission ou d’utilisation d’une technique alternative permettant d’atteindre une qualité de service satisfaisante. »
En Commission, le député Daniel Fasquelle soulignera que « rien sur le plan scientifique, ne justifie le dispositif proposé [qui] présente en outre des inconvénients du point de vue économique et pour l’accès des Français aux nouveaux moyens de communication, en dégradant la couverture et la qualité des services mobiles comme en accroissant leur coût. » Franck Reynier ajoutera que « notre mission de législateur ne consiste pas à créer le doute et la peur, mais bien plutôt à favoriser l’utilisation des outils modernes de télécommunication tout en garantissant la protection de la santé publique.»
Interdiction des pubs pour les enfants de moins de 14 ans
Si la proposition conserve la mise en œuvre d’une campagne de prévention sanitaire « visant à promouvoir une utilisation plus responsable du téléphone mobile » et relative aux risques de ces appareils, elle s’enrichit aussi de mesures après la commission parlementaire. Ainsi, les publicités visant à promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage « d’un terminal radioélectrique par des enfants de moins de quatorze ans » seront interdites (on pourra voir sur ce point le projet belge). Tout comme sera prohibée les publicités ayant pour but la promotion de l’usage d’un téléphone mobile sans kit main libre.
Le message de prudence de Fleur Pellerin, l'arbitrage des députés socialistes
La proposition de loi doit maintenant entamer son examen dans l’Hémicycle où les députés pourront revoir à la hausse (ou à la baisse) le niveau de ces obligations. D’ores et déjà, Fleur Pellerin a souhaité qu’on n’inscrive pas «dans le dur des choses qui correspondent à des peurs un peu irrationnelles, et qui consisteraient à donner un poids juridique à la dangerosité des ondes radioélectriques alors que cette dangerosité n'est pas scientifiquement étayée. »
Un grand nombre d'amendements ont cependant été rédigés, par les radicaux notamment, sur l'électrohypersensibilité. La députée écologiste Isabelle Attard nous confie néanmoins que le groupe a de grands espoirs sur les amendements visant à interdire le Wi-Fi dans les crèches ou sur la mutualisation des antennes. Tout dépendra évidemment de l'accord des socialistes... Une conférence de presse devant l'Assemblée nationale est d'ores et déjà programmée à 13h.