Dans une audience tenue aujourd’hui à Paris, le Tribunal de grande instance a finalement fixé un calendrier pour que le dossier Allostreaming soit plaidé au fond. L’affaire n'est donc pas radiée. Elle va donc permettre de savoir si oui ou non les ayants droit peuvent se voir reconnaître par la justice la capacité de traquer et dénoncer les sites miroirs via un logiciel de surveillance édité par l’ALPA avec le concours de TMG.
Le TGI de Paris
L’affaire a éclaté en août 2011 quand les ayants droit du cinéma ont demandé aux FAI et moteurs le blocage par IP ou DNS et le déréférencement de quatre sites Allo (Allostreaming.com, Alloshowtv.com, Alloshare.com et Allomovies.com). Comme révélé dans l’assignation, ils ont utilisé un article de la loi HADOPI (L336-2 CPI) qui leur permet de réclamer toute mesure à l'égard de toute personne pour faire cesser ou prévenir une atteinte à leurs intérêts.
Mais outre ce nettoyage, ils ont développé un logiciel capable de surveiller la réapparition de sites déjà jugés illicites puis de les dénoncer auprès des FAI et des moteurs. Les ayants droit veulent que cette dénonciation bénéficie d’une force juridique, ce qui les évitera d’aller saisir le juge pour chaque site miroir. Dans le même temps, ils ont réclamé le blocage préventif de 105 noms de domaine qui seraient en liaison avec la galaxie Allo.
Le sujet est inédit puisqu’il revient au juge de finalement se déconnecter de ces litiges futurs tout en astreignant les intermédiaires techniques à obéir, à leurs frais, au logiciel ALPA-TMG. Un logiciel que les ayants droit veulent conserver secret.
Plusieurs grains de sable
Le mécanisme n’est pas simple et souffre de plusieurs grains de sable. A l’occasion de l’examen de la LOPPSI 2, le Conseil constitutionnel a déjà souligné que la pédopornographie est le seul secteur où un blocage sans juge est acceptable.
En outre, dans l’affaire Copwatch où l’Intérieur demandait lui aussi le blocage des sites miroirs, une autre formation du TGI dirigée par le vice-président du TGI de Paris Jacques Gondran de Robert a repoussé cette idée : le ministère de l'Intérieur « ne saurait agir en justice sans justifier d'un intérêt à agir né et actuel », d’autre part, « il n'appartient pas à l'autorité judiciaire, gardienne constitutionnelle des libertés individuelles – de déléguer des prérogatives de son pouvoir juridictionnel sans qu'un texte législatif ne l'y autorise expressément. »
Enfin, dans l’examen même du L336-2 dont s'arment les ayants droit, le Conseil Constitutionnel a validé cet article que sous une réserve ; que la juridiction saisie ne prononce dans le respect de la liberté de communication, que « les mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause. »