Le Conseil supérieur de l’audiovisuel vient de publier une contribution relative à « l’adaptation de la régulation audiovisuelle ». Ses conclusions résultent de la réflexion initiée cet été par le Premier ministre en vue du rapprochement entre le CSA et l’ARCEP. Le régulateur dévoile dans ce document plusieurs propositions, dont la première vise à la mise en oeuvre d'une « corégulation » de toutes les vidéos diffusées sur des sites Internet.
La problématique est récurrente : depuis plusieurs années, les contenus sont identiques mais « les tuyaux » qui les conduisent aux écrans, eux, se diversifient. Sauf que le CSA n’a pas la compétence pour réguler l’ensemble de ces vecteurs de diffusion. Une même vidéo ne sera ainsi pas soumise aux mêmes règles selon qu’elle soit diffusée sur une plateforme en ligne telle que YouTube, ou sur une chaîne française comme France 2. Depuis la loi du 5 mars 2009, le CSA a néanmoins fait entrer dans son giron les services de médias audiovisuels à la demande (VoD, télévision de rattrapage...).
Le CSA assume un premier pas vers une régulation de tous les contenus vidéos en ligne
Mais le régulateur veut aller plus loin. Dans sa contribution, il indique en effet qu’une « nouvelle étape pourrait être envisagée en conférant au Conseil des compétences sur les sites de vidéo en ligne ». Le CSA précise un peu plus loin quels sont les « sites de vidéo en ligne » sur lesquels il aimerait pouvoir exercer son pouvoir de régulation. Sont ainsi concernés : « les services explicitement exclus par la directive SMA et la loi de la définition des SMAD [du 5 mars 2009, ndlr], notamment les sites de partage de vidéos qui fournissent des contenus audiovisuels mis en ligne par des utilisateurs privés ». Des plateformes comme YouTube ou Dailymotion seraient donc les premières touchées.
L’autorité administrative justifie cette position en expliquant que « ces services de médias de masse reposent souvent sur un catalogue de programmes et répondent en ce sens à certains critères de définition des SMAD. Par ailleurs, ceux-ci apparaissent de plus en plus comme des concurrents des services de télévision, en raison de la croissance de leur audience ». Cette proposition n’est toutefois pas une surprise : le président de l’institution Michel Boyon expliquait encore il y a quelques jours qu’une « régulation des contenus audiovisuels privés sur internet » par le CSA était inévitable.
Dans un second temps, le régulateur précise que ses compétences « pourraient être étendues selon des modalités adaptées aux spécificités d’internet, à l’ensemble des contenus audiovisuels mis en ligne sur les sites internet », notamment afin d’assurer la protection des mineurs. Le CSA prend néanmoins certaines pincettes, puisqu’il plaide pour une corégulation des contenus vidéos en ligne, qui serait basée selon ses voeux « sur l’autorégulation des éditeurs de sites, en partenariat avec les autres acteurs concernés, notamment les associations familiales ».
Au milieu de ces acteurs, le Conseil se verrait bien fixer des principes généraux de bon fonctionnement de cette autorégulation. Et au cas où celle-ci échouerait, le CSA pourrait d'ailleurs intervenir directement. L’autorité administrative ajoute également qu’elle pourrait être responsable d’un dispositif de « labellisation » de sites adaptés aux mineurs.
Le statut juridique des hébergeurs dans le collimateur
Notons d’autre part que le CSA se prononce pour une modification du statut juridique des hébergeurs. Dans sa contribution, l’institution explique en effet que les offres de vidéo proposées par ces acteurs « sont de plus en plus éditorialisées et avec un nombre croissant de contenus d’origine professionnelle, qui conduit les opérateurs des sites concernés à passer des accords avec les ayants droit pour la diffusion de ces contenus ». Le CSA en déduit que « ce mode de gestion apparente ces opérateurs de plus en plus à des éditeurs ». Par conséquent, il en appelle à une adaptation de la réglementation européenne et française applicable aux hébergeurs. À mots semi-cachés, le régulateur en appelle à ce que des plateformes comme YouTube soient soumises à des obligations juridiques semblables à celles des éditeurs.
L’autorité administrative n’est d'ailleurs pas la seule à militer pour une évolution du statut juridique des hébergeurs. La SACEM a par exemple récemment déploré « l’impunité » dont bénéficieraient selon elle ces intermédiaires. Pierre Lescure, en charge de la mission sur l’acte 2 de l’exception culturelle a quant a lui indiqué lors du bilan de mi-parcours de la mission Acte 2 qu’un « hébergeur aujourd’hui ne peut plus revendiquer la même neutralité qu’au début de son activité. Ça ne veut pas dire qu’il est totalement devenu un éditeur, ça veut dire qu’il faut trouver les mots, les descriptions, et donc, la définition des statuts qui correspondent vraiment aux usages et aux développements d’aujourd’hui ». L'ancien PDG de Canal+ en a en ce sens appelé lui aussi à une redéfinition du statut des hébergeurs.
Rappelons enfin que les changements proposés ici par le CSA ont vocation à être éventuellement traduit sur le plan législatif via le projet de loi sur l’audiovisuel. Le texte devrait d’ailleurs procéder selon le Premier ministre au rapprochement entre le CSA et l’ARCEP, mais aussi tirer les conclusions de la mission Lescure. L’examen de ce projet, annoncé pour cette année par Jean-Marc Ayrault, pourrait cependant être repoussé à 2014.