Réunis ce week-end au Midem de Cannes, les acteurs de la filière musicale ont pu rencontrer la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, afin de lui faire part de leurs inquiétudes et doléances. Au programme notamment : la création d’une sorte de « taxe Google » en faveur de la filière musicale. La locataire de la Rue de Valois s’est néanmoins montrée réservée vis-à-vis de cette proposition.
Outre l’introduction d’une amende automatique de 140 euros - en lieu et place de la peine de suspension de l’accès à Internet dans le cadre de la procédure Hadopi, les acteurs de la filière musicale ont renouvelé ce week-end leurs demandes en faveur de la mise en place de nouvelles taxes censées irriguer le secteur d’aides financières. « On demande clairement que les Google, que les fournisseurs d'accès... puissent à un moment donné être taxés et que ce soit reversé au profit de la création française » a ainsi déclaré hier Thierry Chassagne, président de Warner Music France, aux micros d’Europe 1. Il espère d’ailleurs que la mission conduite par Pierre Lescure « ira dans ce sens là et fera en sorte qu’on puisse avoir un vrai ballon d’oxygène, qui pourrait venir effectivement de la taxation de tout ceux qui ce sont enrichis sur nos contenus ». « On a besoin d'être aidés », a-t-il lancé en direction d’Aurélie Filippetti.
Pour mémoire, cela fait plusieurs semaines que différents acteurs de l’industrie musicale française se mobilisent en vue d’une mise à contribution financière des acteurs de l’internet, à commencer par les moteurs de recherche. La Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) a par exemple réclamé il y a un peu moins de deux semaines un super droit à rémunération, géré collectivement et profitant à tous les ayants droit, dont les producteurs de musique. L’idée ? Faire payer les moteurs de recherche - dont Google - pour la captation de valeur réalisée sur les contenus qu’ils indexent, comme l’ont réclamé il y a quelques mois certains éditeurs de presse (avec le succès que l’on connaît). La semaine dernière, ce sont les producteurs indépendants représentés par l’UPFI (Union des producteurs phonographiques français indépendants) qui ont adressé une demande similaire à la ministre de la Culture, préconisant d’autre part une mise à contribution des FAI.
Le SNEP n'exclut pas une mise à contribution des FAI
David El Sayegh, directeur général du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), est également monté au créneau afin de défendre l'idée d’une taxe Google pour la filière musicale. Le numéro un de l’association des majors a ainsi expliqué à L’Expansion qu’il souhaitait la création d’une « rémunération compensatoire, un peu dans l'esprit de la rémunération pour copie privée ». Il justifie cette mesure en expliquant qu’un « moteur fournit des services payants, comme la publicité, qui n'ont de valeur que grâce à l'indexation d'une masse considérable de contenus et notamment la musique ». L'intéressé a précisé que son organisation était en train de chiffrer la perte de valeur subie. Cependant, si les moteurs de recherche tels que Google sont explicitement visés, il n’est « pas exclu » selon lui que les FAI soient également concernés.
À la question de savoir si l’initiative des acteurs de la filière musicale avait un lien avec celle des éditeurs de presse, El Sayegh a réfuté toute filiation. D'après lui, « la réflexion de fond » sur cette mesure « était menée avant que la presse ne s'empare du dossier. Mais elle a eu le mérite de mettre en lumière le problème ». Enfin, le numéro un du SNEP a promis une remise prochaine de propositions concrètes, qui seront dévoilées après la remise des conclusions de la mission Lescure, attendues pour fin mars.
Dans l’attente des conclusions de Pierre Lescure...
Intervenant hier au Midem de Cannes, la ministre de la Culture a voulu montrer qu’elle comprenait les attentes de la filière musicale. « Je souhaite mettre à contribution les acteurs d'Internet et ceux qui utilisent en quelque sorte la valeur ajoutée créée par le secteur musical, pour qu'ils financent la création et la filière musicale. J'y crois très fortement » a-t-elle déclaré lors d'un discours selon l’AFP. Mais Aurélie Filippetti a également temporisé les velléités de chacun, expliquant qu’il fallait tout d'abord attendre la remise des conclusions de la mission Lescure.
La locataire de la Rue de Valois a néanmoins ajouté que « Concernant la musique, il n'est pas sûr qu'il faille décalquer ce que nous sommes en train d'élaborer concernant la presse. Ce sont deux questions assez différentes sur le principe et ce qui est mis en place pour la presse ne pourrait pas être mis en place pour la musique ».