Alors que la semaine a été un amoncèlement de blagues et de moqueries au sujet du fameux mot-dièse, traduction bancale de hashtag, cela soulève la présence de l'anglais dans le langage des secteurs liés à la haute technologie. Omniprésent pour des raisons techniques que chacun comprend, l'anglais est aussi utilisé de façon abusive dans certains contextes, alors que les équivalents français existent sans être aussi ridicules que flux de dépêches (Flux RSS) bogue (bug) et cédérom autonome (live CD).
Le service de conjugaison du Nouvel Obs est parfois étonnant.
Je hoste, tu hostes, il hoste
« Note : HostingBuddy ne peut pas hoster de Board Game directement. Cependant, vous pouvez charger une map Board Game à partir de la WMDB et charger son scheme, en hébergeant un autre style (rope race par exemple).» (Source)
« J'ai downloadé la patch fenix rising le 17 janvier (J'ai le season pass) mais depuis cette patch, j'ai du jouer pres de 100 team deathmatch, et une vintaine de King of the Hill. » (Source)
« Moi j'ai downloadé GSP Logger (gratuit sur Andoid) et ca fait des waypoints qui peuvent être rapporté sur Googlemaps. » (Source)
Dans le domaine des jeux vidéo, l'anglais foisonne, au point qu'un oeil étranger aura bien du mal à comprendre ne serait-ce que la moitié de la conversation. Mais ce secteur est loin d'être le seul à être concerné. Du côté du matériel, enfin plutôt du hardware, les roadmaps, desktop, motherboards et autres watercooling sont légion. Quant à tout ce qui touche aux logiciels, enfin le software, ce n'est guère plus reluisant. Rajoutez à cela que de nombreux professionnels abusent du mot digital pour parler du numérique, et que l'expression faire sens se multiplie, alors qu'il s'agit d'une bête traduction littérale de "make sense" et que sa véritable traduction est "avoir du sens".
Mélangez le tout et vous pouvez obtenir la phrase suivante : « L'économie digitale du download de map via browser fait sens aujourd'hui, le marché software prenant désormais le pas sur le marché hardware, surtout après l'écroulement des ventes de PC desktop, de motherboards et des produits watercooling. Les dernières roadmaps publiées par les principaux constructeurs l'attestent. »
La vignette active se désactive d'elle-même
L'histoire du mot-dièse / hashtag a démontré deux points essentiels : tout d'abord, certains mots anglais rentrent très rapidement dans le langage (tout du moins celui des spécialistes), et surtout, trouver des traductions viables est loin d'être évident. Même le simple courriel n'est pas encore généralisé, et ne parlons pas du hameçonnage (phishing), du téléversement (upload), de la baladodiffusion (podcasting), de la liaison numérique asymétrique (ADSL), de la vignette active (widget), du partagiciel (shareware), du logiciel médiateur (middleware), du gratuiciel (freeware), de la grappe (cluster), du test de reconnaissance humaine (captcha), du ramdam (buzz) et du disque numérique polyvalent (DVD).
Bien entendu, dans certains cas, la traduction est difficile, et dans d'autres, la traduction est imprécise, voire totalement éloignée de la réalité. Pourtant, bien des mots anglophones, base de l'informatique, sont bien traduits et utilisés par tous désormais. Nous parlons bien ainsi de bande passante et très rarement de bandwidth. Et si le mot driver persiste, pilote est très usité. Tout comme en ligne (online), journal (log), multitâche (multitasking), serveur (server), logiciel (software), matériel (hardware), donnée (data), tutoriel (tutorial) ou même ordinateur (computer).
S'il arrive que certains de ces termes soient parfois encore utilisés en anglais, leur traduction est tout de même très ancrée dans l'inconscient collectif et par là même répété massivement. C'est ainsi la preuve que le tout anglais n'est pas une fatalité, même dans l'informatique, secteur pourtant si propice à s'angliciser du fait de son histoire, ainsi que de l'origine des entreprises et des créateurs majeurs actuels.
Court, précis et d'époque
La clé est ainsi très simple si l'on veut éviter les abus de termes anglais : il suffit que la traduction soit juste, pas trop ringarde, et qu'elle ne soit pas beaucoup plus longue que le mot d'origine. Ainsi, vignette active pour widget, test de reconnaissance humaine pour captcha et tchatche pour chat ont bien peu de chance de rentrer dans le langage courant, ou alors cela prendra un sacré nombre d'années.
Alors que le but de la Commission générale de terminologie et de néologie a pour but de démocratiser un terme en le rendant soi-disant compréhensible par n'importe quel Français, même étranger au domaine visé, une remise en question devrait certainement être d'actualité. Pour qu'un nouveau mot ait du succès, il faut avant tout que les spécialistes l'apprécient, car au final, ce sont bien ces personnes qui l'utiliseront le plus souvent, entrainant ainsi avec eux le reste de la population.
Si les professionnels et les journalistes s'accordent (inconsciemment ou non) à utiliser une traduction plutôt que son terme étranger d'origine, elle s'imposera rapidement. La logique inverse fonctionne également, et les mauvais réflexes ont la vie dure. Ceux qui ne cessent de parler de digital, sans aucun rapport avec les doigts, en sont le meilleur exemple. Les professionnels du monde de la musique et du cinéma en abusent ainsi depuis des années, et cela ne semble pas changer. D'autant plus qu'aucun journaliste ne fait de remarque à leur interlocuteur sur ce sujet. Il faut dire que ces mêmes journalistes sont des adeptes du faire sens, alors mieux ne vaut pas trop leur en demander...
Liens utiles :
- France Terme
- CSTIC : Commission spécialisée de Terminologie et de Néologie de l'Informatique et des Composants Electroniques