Depuis 2010, les compteurs dits « intelligents » ou « communicants », tels que le Linky par exemple, suscitent de fortes interrogations de la part de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Pourquoi ? Parce que ces appareils vont pouvoir glaner en temps réel quantité d’informations sur la consommation électrique des foyers français, avec à la clé un risque d’atteinte au respect de la vie privée des abonnés. L’autorité administrative vient ainsi d’annoncer une première recommandation visant à encadrer l’utilisation de ces appareils.
Crédits : Dépliant ERDF.
Les nouveaux appareils, qui commenceront à être déployés en France dès cette année selon la CNIL, présentent des avantages, notamment d’ordre pratique. La transmission à distance de la consommation des abonnés ne nécessitera par exemple plus de relève physique des compteurs. Aussi, ces derniers devraient faciliter et fiabiliser la facturation des abonnés, qui pourra s’effectuer en fonction de leur consommation réelle - et non plus estimée. En cas de panne ou de souci technique, les compteurs communicants permettraient à l’opérateur d’effectuer à distance certaines manipulations, etc. À terme, ce sont 35 millions de foyers qui devraient en être équipés d'ici 2020.
Seulement, la CNIL prévient : « le déploiement des compteurs communicants n'est pas sans risque au regard de la vie privée, tant au regard du nombre et du niveau de détail des données qu'ils permettent de collecter, que des problématiques qu'ils soulèvent en termes de sécurité et de confidentialité de ces données ». Pour l'heure, l’autorité administrative indépendante a plus particulièrement identifié un risque se nichant dans l’une des nouvelles fonctionnalités offerte par les compteurs communicants : la courbe de charge. « Cette courbe de charge est constituée d'un relevé, à intervalles réguliers (le "pas de mesure"), de la consommation électrique de l'abonné. Plus le "pas de mesure" est faible, plus les mesures sur une journée sont nombreuses et fines, permettant d'avoir des informations précises sur les habitudes de vie des personnes concernées ».
Des règles de bonnes pratiques dévoilées d'ici l'été
Problème : à partir du moment où cette mesure s’opère sur un faible intervalle (par exemple toutes les 10 minutes), il est facilement possible de déduire à quelle heure l’abonné se lève, se couche, part en vacances, etc. La CNIL vient ainsi d’annoncer qu’elle avait adopté, le 15 novembre 2012, une première recommandation afin d'encadrer l'utilisation des compteurs communicants. Cette préconisation, dépourvu d'effets contraignants, « pose notamment comme principe que la courbe de charge ne peut être collectée de façon systématique, mais uniquement lorsque cela est justifié par les nécessités de maintien du réseau ou lorsque l'usager en fait expressément la demande pour bénéficier de services particuliers (tarifs adaptés à la consommation, bilans énergétiques, proposition de travaux d'isolation, par exemple) », indique la CNIL.
Cependant, cette recommandation - qui fait surtout figure d’avertissement - n’est qu’un premier pas. L’autorité administrative explique en effet qu’elle conduit en parrallèle « des travaux relatifs aux nouveaux produits et services qui fonctionneront grâce à l'analyse des données de consommation électrique des ménages. Collectées par des appareils matériels ou logiciels installés hors de l'infrastructure des compteurs (par exemple, directement sur le tableau électrique, en aval des compteurs), ces données seront encore plus détaillées que celles collectées par les compteurs eux-mêmes ». La CNIL annonce en outre que des règles de bonnes pratiques, élaborées actuellement en partenariat avec la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), devraient être établies et communiquées d’ici cet été.