Problème, le litige dans lequel a été soulevée cette question ciblait les barèmes sur les tablettes tactiles. Par conséquent, pour le Conseil d’État, « la disposition contestée au regard de la Constitution n'est par conséquent pas applicable au présent litige ». L’examen de ce dispositif est donc repoussé à un futur et éventuel litige qui le mettra en œuvre. On notera que le ministère de la Culture avait adressé une fin de non-recevoir à la procédure de l’industrie de l’Informatique.
La semaine dernière le Conseil constitutionnel a censuré une des dispositions de la loi sur la copie privée qui visait à interdire à ceux qui avaient trop payé, le droit de réclamer remboursement devant un juge.
Une de plus ! Une nouvelle QPC a été dirigée contre la loi du 20 décembre 2011 sur la rémunération pour copie privée. Nous en parlions en mars dernier, nous en avons maintenant les détails.
Après le SIMAVALEC et SFR, c’est au tour du SFIB de lancer une QPC contre la loi sur la copie privée. Le syndicat de l’industrie des Technologies de l’Information (Intel, Dell, HP, etc.) l'a déposée devant le Conseil d’État à l'occasion d'une procédure organisé plus tôt dans l'année et visant le barème « 14 » sur les tablettes
Ce barème est le premier à avoir été voté après la loi du 20 décembre 2011. Le SFIB reproche à la Commission Copie Privée d’avoir voté cet assujettissement sans étude d’usage. Les ayants droit ont en effet fait adopter un barème provisoire afin d’assujettir au plus vite les fameuses tablettes.
Trois bugs dans la loi
Selon les détails que nous a communiqués le SFIB, trois griefs sont adressés au dispositif législatif.
D’une part, une mauvaise transposition de la directive 2001/29 sur le Droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, en violation avec l’article 88-1 de la Constitution. Dans son article 4, la loi organise un remboursement conditionnel des professionnels (« La rémunération pour copie privée n'est pas due (…) pour les supports d'enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée »). Pour le SFIB, ce remboursement n’est pas de plein droit et contredit la directive selon laquelle seules les personnes physiques doivent payer pour leur copie à usage privé. « Il y a une erreur manifeste de transposition. Il y a une exonération de plein droit que la loi oublie de transposer. »
Le SFIB détecte également une atteinte au principe de sécurité juridique (article 16 de la déclaration des droits de Homme). Pour le syndicat, en effet la loi se contredit : elle affirme que les usages professionnels ne sont pas soumis alors qu’en fait ils le sont bien. Il y aurait en conséquence une contradiction interne de la norme législative qui heurte le principe de cohérence.
Enfin, toujours dans cette logique, la loi porterait atteinte au droit de propriété des professionnels puisque leur patrimoine est amputé d’une dette de rémunération pour copie privée indue.
La juridiction administrative examine actuellement cette demande de QPC qui transmettra si les conditions de recevabilité sont remplies.
Le (non) remboursement des professionnels
Le détail de cette QPC intervient dans une situation de blocage absolue.
En l’état, la loi du 20 décembre 2011 est un échec ou plutôt un modèle du genre en matière de désincitation. Selon les estimations issues de l’étude d’impact de la loi, les professionnels auraient dû se faire rembourser 40 millions d'euros fin août. En fait, seuls 70 000 euros ont été réclamés sur les huit premiers mois de l’année. Et encore, ce montant en attente de remboursement est bloqué dans les poches de Copie France du fait d’un bug de TVA. Même ce bug résolu, la situation actuelle signifie que 39 930 000 euros prélevés sur les flux professionnels seront conservés par les ayants droit, en violation de la directive.
« Payez d’abord … voyons après ! Un an plus tard c’est mission impossible pour les entreprises » regrette du coup Xavier Autexier le délégué général du SFIB qui dénonce « une odeur de redevance, mais un goût amer de taxation qui ne dit pas son nom, permettant des dérives incontrôlables au bénéfice final d’intérêts strictement privés et un affaiblissement du développement du numérique en France ! » Maxence Demerlé, la déléguée générale Adjointe du SFIB, poursuit : « il semblerait que tout soit fait pour éviter que le remboursement ne puisse devenir effectif. »
Des factures impossibles
Et pour cause, d’autres écueils attendent les entreprises désireuses de se faire rembourser la copie privée sur les CD, DVD, téléphone, GPS, autoradio, tablette, disques durs multimédias, cartes mémoire d’appareil photo, clef USB, etc. : « par un renversement de la charge de la preuve c’est aux professionnels de prouver qu’ils n’ont pas d’usage privé de leurs outils » note le SFIB. Mais il y a pire : conformément à un arrêté, Copie France exige que la TVA apparaisse en clair sur la facture d’achat. Problème, aucun système de facturation ne fait mention de la RCP affectée sur ces supports vierges. « Il faut que tout le monde sache que l’on paiera une quasi-moitié de redevance TV à l’achat d’une tablette numérique si on laisse les choses aller » prévient Maxence Demerlé « et cela sans aucun débat réellement contradictoire et surtout pas public. »
Cette QPC n'est pas le seul front ouvert en France. Il y a déjà la procédure déjà lancée par Imation sur le terrain de la compatibilité européenne du régime système français. Ou encore la procédure RueduCommerce qui se poursuit en appel à la demande des ayants droit.