Joe Houston, un développeur ayant participé à la création de Dishonored, et désormais devenu indépendant, vient de se voir accorder une tribune sur le site Rock Paper Shotgun, sur la délicate question de la violence dans les jeux vidéo.
La violence prend vie au moment où le joueur le décide
L'homme ouvre sa tribune en parlant de son expérience de Dishonored, dont les animations parfois très crues peuvent heurter la sensibilité de certains. Il en a d'ailleurs conçu l'une d'entre elles : celle où le héros plante un couteau dans la gorge de son adversaire. De son point de vue, il ne s'agit que de lignes de code qui s'exécutent une à une afin d'arriver au résultat souhaité. La violence se situe au moment ou le participant décide de déclencher le geste.
Pour illustrer son propos, il décrit une scène qu'il a vécue en voyant un joueur effectuer la mission du « Boyle Estate » où il est demandé d'assassiner une personne déguisée au beau milieu d'un bal costumé. « Cette tâche s'accomplit en parlant aux invités, en s'infiltrant dans des endroits privés, en feuilletant des journaux intimes et par tout un tas d'options tout aussi subtiles » explique l'intéressé. « Or ce joueur est entré par la porte principale et a fait feu sur le premier garde. La bataille qui s'ensuivit fut un véritable chaos. Chaque pièce était remplie de civils angoissés, demandant pitié, leurs gardes du corps ayant déjà été découpés quelques instants auparavant.»
« À ce moment, le joueur a commencé à tuer méticuleusement chacune des personnes présentes. Servants comme aristocrates, hommes comme femmes. Les projections écarlates et les cris s'enchainaient à un rythme soutenu, comme dans une sinistre version de Dance Dance Revolution. À un moment donné, les mots " Objectif accompli" sont apparus sur l'écran, lorsque le joueur a par hasard tué la bonne cible, ce qui n'a pas interrompu son massacre. Il avait désormais son propre objectif, comme si une voix dans sa tête lui disait " Tue-les tous, ne laisse aucun survivant, puis monte à l'étage récupérer les oeufs de Fabergé." » L'évocation de ce tableau le fait sourire non pas par plaisir, mais à cause de son « absurdité », mais elle lui laisse tout de même un certain sentiment « d'inconfort ».
La mission en elle même n'avait à la base rien de violent, si ce n'est la scène finale de l'assassinat, à condition de la remplir dans les conditions établies par le créateur du titre. Or ici, c'est le libre arbitre du participant qui est seul responsable du massacre de dizaines d'avatars virtuels. Est-ce là le jeu qui est violent, ou celui qui tient la manette ?
Le cas Call of Duty : Modern Warfare 2
La même question se pose également au sujet de Call of Duty : Modern Warfare 2, et de sa fameuse scène dans l'aéroport, où le joueur est invité à arroser les civils présents par un déluge de métal et d'acier. Le tableau est très linéaire et il n'est laissé quasiment aucun choix au joueur : soit il participe, soit il voit le carnage se dérouler sous ses yeux sans pouvoir ne rien y changer. La seule autre alternative étant purement et simplement de sauter ce morceau du titre.
Il y a donc selon Joe Houston une différence fondamentale entre un titre comme Call of Duty, où la violence fait obligatoirement partie du gameplay, et Dishonored, où elle n'est pas indispensable, mais où le joueur peut décider de commettre les pires atrocités, s'il le souhaite. « Cela veut-il dire que les jeux linéaires et violents sont meilleurs pour la société que ceux qui comme Dishonored ne le sont que superficiellement, mais permettent aux joueurs de faire des choix extrêmes ? » demande John Houston.
Il ne croit pas non plus que la violence virtuelle amène à en faire autant dans la vie de tous les jours, il juge même qu'elle permettrait d'éviter certains passages à l'acte. Il ajoutera ensuite que « les titres avec des choix intéressants, et potentiellement désastreux sont peut-être meilleurs parce qu'ils peuvent amener le joueur à réfléchir à la conséquence de ses actes sur l'écran. Dishonored est un des rares jeux violents à ne pas avoir été censurés par le gouvernement allemand. Cela est certainement dû à la possibilité d'y jouer sans tuer personne. Cela ne change pas les choses que vous y faites, mais le fait de savoir qu'une solution pacifique est toujours possible, cela vous donne à réfléchir après chacun de vos actes ».