Faire censurer par des hébergeurs comme YouTube ou Dailymotion les vidéos de chauffards qui mettent en avant leurs excès de vitesse sur la voie publique : voilà l'idée soumise par Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, quelques jours après un tragique fait divers.
Vendredi dernier, un automobiliste de 24 ans a provoqué à Sainte-Pazanne un grave accident, lui coûtant sa propre vie ainsi que celles de deux autres personnes. Lundi, une quatrième personne était encore très gravement blessée.
Seulement, la préfecture de Loire-Atlantique a indiqué avant-hier que le conducteur, militaire au sein du Régiment d’infanterie Chars de marine de Poitiers (Vienne), avait équipé son véhicule « d’un système de vidéo embarquée, tel que ceux utilisés par exemple dans le cadre de certains sports extrêmes, et dont on peut parfois retrouver les images sur les sites Internet ». Comme l’explique 20 Minutes, le conducteur se serait « ainsi filmé à 140 et 200 km/h, peu avant la collision, alors qu’il roulait sur une départementale limitée à 90 km/h ».
Ces exemples de chauffards exhibant fièrement leurs exploits de vitesse sur des plateformes de vidéos comme YouTube ou Dailymotion semblent ainsi se multiplier. La justice a pourtant déjà eu l’occasion d’en sanctionner certains : deux personnes ont ainsi écopé de deux mois de prison avec sursis en mai dernier, tandis qu’un motard se voyait puni en mars 2011 d’une peine de six mois de prison avec sursis.
La ligue contre la violence routière veut une censure des vidéos par les hébergeurs
Interrogée hier par I-Télé (en replay ici, à partir de 7’00), Chantal Perrichon s’est alarmée de ces vidéos partagées sur les réseaux sociaux par des « fieffés imbéciles ». La présidente de la Ligue contre la violence routière en a profité pour mettre en avant une solution : « Nous aimerions qu’ils [les hébergeurs, ndlr] censurent ceux qui vont inciter à la mise en danger des autres ».
Contactée, Chantal Perrichon s’explique : « J’ai tout simplement demandé qu’il y ait une censure parce que nous savons qu’il y a des gens qui ont le sentiment d’exister lorsqu’il sont dans la transgression, et qu’ils veulent partager ce sentiment via les réseaux sociaux ». Elle poursuit : « Ce qui fait que nous demandons qu’il y ait un contrôle, c’est que nous sommes dans l’incitation à la prise de risque de la part de conducteurs qui surestiment leurs capacités, qui pensent - à tort, bien sûr - qu’ils maîtrisent leur véhicule ».
Après la pédophilie et le terrorisme, les incitations à la mise en danger d'autrui
Plus précisément, la proposition de Chantal Perrichon vise à bloquer toutes les vidéos « qui incitent à mettre la vie des gens en danger ». Rappelant que les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les jeunes, la présidente de la Ligue contre la violence routière explique que « de la même façon que tout le monde comprend qu’il y ait une censure qui concerne par exemple la pédophilie ou le terrorisme, et bien à partir du moment où vous avez des vidéos qui risquent d’influencer le comportement des jeunes, c’est un risque que nous ne voulons pas voir pris par nos jeunes ».
Alors que nous lui pointons la difficile détermination dans la pratique des vidéos qui pourraient être concernées par cette définition aux contours si larges, Chantal Perrichon rétorque : « Vous savez, il y a énormément de choses qui sont difficiles ! Elles méritent réflexion, et elles méritent que des groupes de concertation se mettent en place pour voir comment trouver des solutions ». La Ligue contre la violence entend ainsi consulter dans un premier temps des experts.
Le statut des hébergeurs une nouvelle fois en question
Même face aux éventuelles contradictions d’une telle mesure vis-à-vis du statut des hébergeurs (qui veut qu’un contenu ne soit retiré par celui qui le stocke qu’une fois que son illicéité lui a été notifiée), elle répond : « Vous savez, la mise en place des radars automatiques c’était aussi très difficile à mettre en œuvre : il y avait des problèmes juridiques qui se sont posés à l’époque, il y avait beaucoup d’opposition... ».
Quand aux outils traditionnels de signalement proposés par certains hébergeurs de vidéos comme YouTube, Chantal Perrichon considère qu’il s’agit d’une option, « mais je ne sais pas si c’est la bonne solution ! ». « Le problème n’est pas un problème d’outil, le problème est l’adaptation à l’objectif que nous avons, explique la présidente de l’organisation. Bien sûr qu’il y a des outils, mais nous ne sommes pas pour la censure pour la censure ! Ça voudrait dire qu’il y a des gens qui regarderaient ces vidéos, parce qu’il faut analyser les vidéos en question »... Elle conclut en rappelant le leitmotiv de son association : sauver des vies.
Enfin, la présidente de la Ligue contre la violence routière reconnaît que ce problème n’est pas nouveau. « Il est certain que ce sont des interrogations récurrentes, vous savez bien qu’il y a des jeux vidéo dont on a parlé ces dernières années... Il y a un certain nombre de problèmes comme ça qui reviennent sans cesse et qui méritent réflexion ».