Après Renaud Donnedieu de Vabres, Christine Albanel, Frédéric Mitterrand et désormais Aurélie Filippetti, le chantier de la lutte contre le piratage se poursuit. Devant la mission Lescure, la SCPP a expliqué en décembre dernier en quoi selon elle la réponse graduée est efficace. Marc Guez, directeur général et gérant de cette société civile représentant les majors de la musique, milite aussi pour des amendes et surtout du filtrage. Contacté aujourd’hui, l’intéressé revient avec nous sur ce dispositif qu’il souhaite placer entre les mains de la Hadopi.
« On dit à la Mission Lescure qu’en dehors de la réponse graduée, si jamais elle devait être abandonnée, le filtrage fait aussi partie des mesures qui fonctionnent » explique Marc Guez. « On sait que le filtrage par DPI a été rejeté par la CJUE qui l’estime trop intrusif, mais le filtrage par DNS, lui, ne l’est pas ». Guez était l'un des partisans du filtrage par DPI mais les contraintes juridiques ont désormais changé la donne avec notamment l'affaire SABAM. L’exemple à nouveau cité est le cas italien contre l’accès à Megaupload : « même si c’est une technologie très contournable en pratique elle est très efficace » commente le directeur général de la SCPP. « Nous avons donc dit à la mission Lescure que ce n’est pas une solution à oublier si on ne veut plus s’en prendre aux internautes avec la réponse graduée. »
Le cas de Free, du filtrage des publicités via un bloqueur activé par défaut dans la box, n’inspire pas spécialement les majors de la musique. « C’est un opérateur qui a pris la responsabilité de faire lui-même du filtrage. Nous, on est plus dans l’idée de confier cette mission à la Hadopi pour demander aux FAI de faire du filtrage DNS. On peut aujourd’hui le faire en tant qu’ayant droit, mais les procédures judiciaires sont longues et compliquées. La Hadopi pourrait donc jouer ce rôle-là et demander aux opérateurs sur des bases bien sûr tout à fait objectives de filtrer certains sites qui manifestement ont des contenus illicites ». En quoi une demande de la Hadopi serait une procédure plus simple ? « On pense qu’un organisme indépendant a plus de poids devant une juridiction ou face à un opérateur que les ayants droit eux-mêmes. »
Un autre problème. Les sites ont généralement des contenus mixtes, du licite et de l’illicite. Un hébergeur traditionnel de fichiers héberge tout. De même, YouTube provoque la colère de Canal+ pour ses films entiers non pour ses vidéos de chien sur un skateboard. Pourquoi l’ensemble deviendrait-il lui-même illicite ? L’industrie phonographique a sa petite idée. « On peut se baser sur le volume de notification de contenus illégaux qu’on leur envoie. Il faut des critères objectifs par exemple au-delà d’un certain nombre de contenus illicites notifiés par mois et en tentant évidemment de l’audience du site. »
Parmi le top 5 des sites pour lesquels Google a été le plus notifié via son Transparency Report, il y a
- filestube.com
- bittorrent.am
- rapidgator.net
- sumotorrent.com
- filetram.com
Pour Universal Music Group (monde), ce même top 5 est un peu différent :
- filestube.com
- rapidlibrary.com
- dilandau.eu
- beemp3.com
- 4shared.com
Un filtrage facilement contournable, mais aux effets de bord
Dans un récent rapport, le conseil scientifique de l'Afnic, registre Internet des noms de domaine en .fr, a elle aussi rappelé que le filtrage DNS était d’un contournement simple puisque le contenu reste en ligne. Il reste accessible en tapant son adresse IP. De même, parmi les pistes de contournement, « le site peut également créer des noms alternatifs ne faisant pas partie de la liste des sites bloqués ». Cependant, l’Afnic considère que « les effets collatéraux de la mise en place à grande échelle du filtrage DNS sont importants sur la sécurité de l'Internet », spécialement « ses effets pourraient affaiblir durablement les repères de confiance sur lesquels les utilisateurs s'appuient aujourd'hui ». Autre chose, le filtrage par DNS peut accentuer le risque de phishing voire engendrer des faits de surblocage comme le cas de la pochette de disque Virgin Killer sur Wikipedia.