Information PC INpact : Olivier Henrard, l’un des architectes de la loi Hadopi, vient de se voir confier une mission sur « l’exception handicap » par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. L’objectif ? Préparer d’ici le mois de mai la position de la France pour une conférence diplomatique de l'OMPI à ce sujet.
En matière d’exceptions aux droits exclusifs de l’auteur (reproduction, exploitation...), on cite traditionnellement l’exception de copie privée - qui permet au détenteur d’une œuvre d’en faire une sauvegarde dès lors que celle-ci est réservée à une utilisation personnelle - ou bien encore l’exception de parodie. Mais depuis 2006, une nouvelle dérogation a été inscrite dans le marbre via la loi DADVSI : l’exception en faveur des personnes handicapées. Désormais, en vertu de l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, un auteur dont l’œuvre a été divulguée ne peut plus s’opposer à « la reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que bibliothèques, archives, centres de documentation et espaces culturels multimédia, en vue d'une consultation strictement personnelle de l'oeuvre par des personnes atteintes d'une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques ».
En clair, cette exception vise à assurer à des personnes souffrant d’un certain handicap (visuel, auditif...) l’accès à des versions adaptées d’œuvres, sans qu’il soit besoin de demander une autorisation à leurs ayants droit. « L’exception handicap » est toutefois soumise à certaines conditions, puisqu’elle doit notamment être réalisée « à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap ». D’autre part, ces adaptations doivent être effectuées sous la houlette de structures intermédiaires, habilitées par le pouvoir règlementaire via l’obtention d’un agrément. La Bibliothèque nationale de France fait ainsi partie des organisations autorisées à proposer différentes adaptations d’ouvrages (par exemple de livres traduits en braille). Ces entités peuvent également demander aux éditeurs qu’ils leur transmettent des fichiers numériques relatifs à des oeuvres, si celles-ci ont été déposées au dépôt légal depuis moins de dix ans, et ce après le 4 août 2006.
Problèmes de territorialité
Sauf que cette exception, telle que consacrée par le droit français, n’existe pas forcément de manière identique au-delà de nos frontières. Autrement dit, une œuvre adaptée pour le public handicapé ne peut pas forcément s’exporter hors de France, lorsque cette dérogation aux droits d’auteur n’existe pas dans l’État en question. Toutefois, plusieurs organisations internationales ont commencé à se pencher sur cette exception. Un protocole d’accord sur l'amélioration de l'accès aux livres pour les personnes malvoyantes a par exemple été adopté en septembre 2010 sous l’égide de la Commission européenne.
L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) se penche également sur le sujet depuis plus de deux ans, et devrait d’ailleurs organiser cette année une conférence diplomatique à cet égard. C’est dans ce contexte que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) vient de se saisir de cette question, en ce que l’OMPI aurait ainsi pour but « d’adopter un traité international imposant aux États parties de mettre en place une exception facilitant le partage, au niveau mondial, des ressources nécessaires à la production de formats accessibles aux personnes handicapées ». Dans une lettre datant de mi-décembre, l’instance consultative chargée d’épauler le ministère de la Culture confie même à Olivier Henrard une mission : préparer des propositions en vue de cette rencontre internationale.
Olivier Henrard, des arcanes de l’Hadopi à l’exception handicap
Olivier Henrard (à gauche) et Eric Walter (à droite) - Photo Marc Rees.
Olivier Henrard, actuellement maître des requêtes au sein du Conseil d’État - mais surtout connu pour avoir été l’un des architectes des lois Hadopi, se voit ainsi sollicité pour mener des travaux dans l’objectif de « proposer des réponses pragmatiques et rapidement opérationnelles aux questions que soulève l’application territoriale de l’exception au profit des personnes handicapées ».
Sa mission est articulée en deux temps. D’un, il s’agit d’identifier et d’analyser « les obstacles pratiques et juridiques à la circulation internationale des œuvres dans un format accessible », et ce afin de faire émerger une solution (accords de licence, gestion collective obligatoire,...) « susceptible de permettre rapidement la diffusion, à l’étranger, d’œuvres adaptées en France ». De deux, Olivier Henrard doit d’une manière plus large dégager et « éclairer les enjeux de cette problématique, dans la perspective d’enrichir la définition de la position française dans les discussions multilatérales ».
Le missionné est censé faire un bilan d’étape de ces travaux lors de la prochaine séance plénière du CSPLA, le 12 février, en vue de la remise de conclusions finales d’ici le mois de mai.
Rappelons enfin qu’après avoir été conseiller juridique de Christine Albanel durant la loi Hadopi, Olivier Henrard fut ensuite le directeur adjoint du ministre de la Culture de Nicolas Sarkozy, Frédéric Mitterrand. Peu après, il avait été promu conseiller culture du chef de l’État et avait notamment pris en main les préparations de la loi sur la Copie privée, aujourd’hui cible de plusieurs QPC et recours devant le Conseil d'État. L’intéressé a toutefois réintégré depuis cet été le Conseil d’État.