Quatrième et dernière planète tellurique (ou rocheuse) de notre Système solaire, Mars est petite comparée à la Terre. Elle intéresse beaucoup les scientifiques qui espèrent y trouver des traces de vie (encore faut-il définir ce terme). Étudiée depuis des décennies, Mars reste mystérieuse sur plusieurs points.
Moins proche de nous que Vénus, Mars est également plus accueillante pour des robots d’exploration, sans compter les humains qui pourraient fouler son sol dans quelques années. Preuve en est : le nombre impressionnant de missions lancées ces dernières années, que ce soit pour placer des sondes en orbite ou se poser à la surface. Notamment avec des rovers capables de se déplacer sur plusieurs (dizaines de) kilomètres.
États-Unis, Émirats arabes unis, Chine, Europe : les missions s’enchainent
Si la mission ExoMars 2020 de l’Europe a été décalée à 2022, Mars 2020 vient de décoller avec le rover Perseverance à son bord. Les premières étapes se sont déroulées sans encombre, mais un premier problème est survenu : « les données indiquent que le vaisseau est entré dans un état connu sous le nom de mode sans échec, probablement car une partie du vaisseau était un peu plus froide qu'anticipée » quand il passait dans l'ombre de la Terre, explique la NASA. L’agence spatiale américaine travaille désormais au rétablissement de la configuration nominale.
Deux autres missions se sont envolées il y a quelques jours : celle des Émirats arabes unis et des Chinois (respectivement Al-Amal et Tianwen-1). La première a été lancée ce 19 juillet depuis le Japon, la sonde qu'elle embarque devant arriver en orbite d'ici février 2021, une date coïncidant avec les 50 ans de la création des Émirats arabes unis. Elle étudiera l’atmosphère de Mars afin de « fournir une première compréhension complète » des variations climatiques.
Le 23 juillet c'était au tour de la Chine. Mais il n'est pas uniquement question de placer une sonde en orbite : le pays veut poser un rover sur la surface de la planète puis le faire rouler sur son sol. Avec les missions Chang’e, les Chinois ont pour rappel déjà posé avec succès plusieurs rovers sur la Lune.
Lire notre dossier sur le Système solaire :
- Le Soleil : élément central et « catalyseur » de la vie
- Mercure : une mystérieuse planète « sans équivalent »
- Vénus : une planète étrange, quasi-jumelle de la Terre, qui « a mal tourné »
- Terre : minuscule point dans l’Univers, seule planète à abriter la vie… jusqu’à preuve du contraire
- Mars : cousine de la Terre, objet de toutes les convoitises et de fantasmes
- Un détour par la ceinture d'astéroïdes et les lacunes de Kirkwood
- Jupiter : planète géante dépourvue de surface solide, protectrice du Système solaire
- Saturne et ses anneaux : « joyau » du Système solaire, surprenante à plus d’un titre
Si proche de la Terre… et aussi tellement différente
Si Mars est autant convoitée, c’est qu’elle est souvent comparée à la Terre. Elle se trouve notamment dans la zone habitable du Soleil, c’est-à-dire à une distance où il ne fait ni trop chaud ni trop froid pour disposer d’eau sous forme liquide, si le climat s’y prête. Mais ce n’est pas la seule similitude.
Son cycle diurne dure 24,7 heures, soit 24 heures et 40 minutes, contre 24h pour la Terre. Un écart loin d'être anodin : « Ces 40 minutes nous pourrissent la vie à peu près tous les jours », lâchait l'astrophysicien et planétologue Sylvestre Maurice. Les scientifiques en charge des robots martiens doivent en effet se décaler tous les jours pour suivre le mouvement.
À l'inverse, les deux planètes cultivent leurs différences : composition de l'atmosphère, mensurations, température, etc. Mars met également presque deux ans (terrestres) à faire le tour du Soleil.
Le diamètre équatorial de Mars n'est « que » de 6 794 km, contre 12 756 km pour la Terre. C'est ainsi la deuxième planète la plus petite du Système solaire, derrière Mercure avec son diamètre de 4 879 km (12 103 km pour Vénus).
Elle est également bien moins dense que notre planète : sa masse est près de sept fois moins importante avec 6,4 x 10^23 kg. Si l'on prend la Terre comme point de comparaison (avec une densité de 1), Mercure et Vénus sont respectivement à 0,98 et 0,95, contre 0,71 pour Mars, qui est donc à part dans les quatre planètes telluriques.
Sa masse et sa taille relativement faibles posent problème, explique Sylvestre Maurice : « Si elle avait 1 000 km de plus, elle aurait été plus lourde », son développement aurait alors peut-être pu se poursuivre (atmosphère, activité géologique...). Il ajoute qu'elle « n'est peut-être pas restée habitable assez longtemps » pour que la vie s'y développe.
Cela n’empêche pas pléthore de scientifiques de chercher la moindre trace (et de lancer de nouvelles missions) en ce sens.


La structure interne de Mars, son atmosphère. Crédits : CNES
Une planète froide et « rouge », un volcan de plus de 22 000 mètres
Plus éloignée du Soleil que la Terre, Mars est plus froide avec une température moyenne de -63 °C (l’amplitude va de -143 à 20 °C), contre 15 °C pour notre planète et -18 °C si nous n'avions pas d'atmosphère et d'effet de serre. Comme sur Terre, les pôles sont recouverts de calottes glaciaires. Le Sud est plus élevé et donc plus froid, tandis que le Nord « est plus chaud donc plus riche en glace d’eau que celui de la planète bleue », explique le Centre national d’études spatiales (CNES).
Pour ne rien arranger, l'air n'est pas respirable : l’atmosphère « est composée de 96 % de dioxyde de carbone (CO2), 2 % d’argon (Ar), 1,9 % d’azote (N2 et NO), et le reste correspond à des traces d’oxygène, de monoxyde de carbone, de vapeur d’eau et d’autres gaz ». La pression atmosphérique dépend du cycle complexe de condensation et de sublimation des glaces des pôles, mais reste dans tous les cas « très faible par rapport à la Terre (moins de 1%) ».
Pour la petite histoire, elle doit son nom de « planète rouge » à sa surface rocailleuse et désertique, « recouverte d'une poussière riche en oxyde de fer de couleur rougeâtre ». Son paysage est parsemé de nombreux volcans très élevés et de profonds canyons. Contrairement à la Terre, un coucher de Soleil sur Mars n’est pas dans les tons rougeâtres, mais bleus.
Crédits : ESA & MPS/UPD/LAM/IAA/RSSD/INTA/UPM/DASP/IDA CC BY-SA 3.0
Mars abrite le « plus haut volcan de notre système solaire »
Malgré les dizaines de missions qui se sont intéressées à cette planète, « sa structure interne demeure en grande partie inconnue. Le petit noyau de la planète rouge serait encore partiellement liquide et probablement composé de fer et d’autres matériaux plus légers, comme du sulfure de fer », explique le CNES.
On trouve ensuite le manteau, qui « serait principalement composé d'olivine et de pyroxènes, des minéraux riches en fer et en magnésium ». La croute constitue la dernière couche enveloppant la planète, théâtre de violents orages avec d’importants nuages de poussière qui « se propagent parfois très rapidement autour de la planète tout entière, masquant sa surface ».
Il faut tout de même relativiser, précise le planétologue Francois Forget : « L’atmosphère martienne est tellement fine – environ cent fois plus que sur Terre – que même une tempête extrême serait ressentie comme une légère brise par les astronautes. Et les grains de poussière qui voleraient seraient très fins, de l’ordre de 50 ou 100 microns au maximum ».
Mars abrite Olympus Mons, « plus haut volcan de notre système solaire » avec une altitude moyenne de 22 km (le mont Everest culmine à un peu moins de 9 km). Et non, ce n’est pas « le vestige d’un très ancien accélérateur de particules qui aurait fonctionné il y a plusieurs millions d’années », contrairement à ce qu’annonçait le CERN un 1er avril (2017).
Succession de robots et rovers depuis plus de 40 ans
« Depuis les années 1960, plus d’une quarantaine d’engins sont partis étudier la planète rouge, en orbite ou sur son sol. Un bon tiers a échoué, car rejoindre Mars est difficile. Mais ces lancements se sont poursuivis, car les robots nous ont permis d’en apprendre beaucoup plus sur Mars. Et ont confirmé l’intérêt de poursuivre son exploration », indique le CNES.
Le début des robots sur Mars remonte à 1976 avec les jumeaux Viking 1 et 2. « Après avoir atterri, Viking 1 a réalisé la première image prise sur le sol de Mars puis les deux atterrisseurs ont analysé sa surface, son climat, son atmosphère. On pensait alors qu’étudier Mars et y rechercher la vie serait facile. Pas si simple… » se souvient le Centre national d’études spatiales. Le premier rover, Sojourner, se balade sur la surface de la planète durant l’été 1997… il y a donc déjà 23 ans.
« Ce véhicule automatique n’a fonctionné que trois mois. Mais avec l’aide de Pathfinder, l’atterrisseur qui l’accompagne, il transmet des données inédites et plus de 16 000 images originales. Et il ouvre la voie à ses successeurs : Spirit et Opportunity ». Ce dernier est un « champion de longévité » pour le CNES.
Opportunity aura tenu 15 ans sur Mars
Il faudra en effet attendre février 2019 pour que « la NASA déclare la fin de la mission du robot Opportunity, 15 ans après son arrivée sur Mars et au bout d’un voyage de 45,16 kilomètres. La mission de ce petit rover de 130 kg devait durer 90 jours et parcourir au moins 1 km ! ». Sur Mars, pas d’obsolescence programmée.
Spirit n’a pas démérité, les scientifiques l’ont largement mis à contribution : il « s’est montré d’une efficacité à toute épreuve. Il a escaladé puis redescendu les flancs d’un cratère et a poursuivi sa mission sur 5 roues au lieu de 6. Ses opérateurs ont même transformé l’axe de la roue cassée en outil. Ils s’en sont servis pour gratter la surface de Mars ». Des astuces du genre sont régulièrement utilisées pour continuer des missions malgré les pépins.
La relève est désormais assurée par Curiosity, qui se déplace sur Mars depuis 2012. Sa mission nominale devait durer deux ans (soit environ une année martienne), mais elle continue encore aujourd’hui. La NASA propose d’ailleurs un site pour « piloter » le rover dans le désert martien (ce n'est bien entendu qu'une simulation).
Il devait être rejoint par Schiaparelli, mais la sonde européenne s’est écrasée à la surface de la planète.
Insight est ensuite arrivé en novembre 2018, avec un sismomètre de compétition pour « pénétrer dans l'intimité profonde de notre planète ». En plus d’un an, plus de 400 événements sismiques ont été détectés. Ils ont notamment « permis de découvrir la présence d’une discontinuité dans la croute, vers dix kilomètres de profondeur ».
Dans tous les cas, les mesures ont permis de confirmer un a priori : « l’activité sismique martienne se situe entre celle de la Terre et celle de la Lune ». Les scientifiques sont toujours dans l’attente de « gros » séismes.
« Les robots sont précurseurs de l’arrivée des hommes »…
Même après un atterrissage en bonne et due forme (ce qui n’est pas simple), la vie des rovers n’a rien d’un long fleuve tranquille : « une fois posé, rien n’est gagné. Le rover Spirit a fini sa course ensablée. Opportunity a été victime d’une tempête de sable qui a recouvert ses panneaux solaires. Curiosity a connu plusieurs pannes d’ordinateur, probablement dues à des rayonnements de haute énergie qui arrivent en permanence jusqu’à la surface Mars ».
Au-delà des découvertes scientifiques, le planétologue Sylvestre Maurice expliquait : « Je pense que les robots sont précurseurs de l’arrivée des hommes. Quand on a exploré la Lune, c’est ce qu’on a fait […] chacune de nos missions se doit de développer un instrument pour l’arrivée de l’Homme sur Mars. Sur Curiosity, c’est une mesure de radiation pour être sûr qu’on sera capable de survivre à la croisière. Sur Mars 2022 ce sera Moxy, on va fabriquer de l’oxygène. On va prendre du CO2 on va le chauffer à 800 °C avec pas mal de catalyses et de choses à faire pour en extraire de l’oxygène ».
La science-fiction et le septième art se sont largement penchés sur l’installation d’humains sur Mars… avec plus ou moins de réalisme. L’un des films les plus médiatiques de ces dernières années est certainement Seul sur Mars avec Matt Damon (et des ingénieurs de la NASA pour élaborer le scénario). Si vous vous demandez à quel point le film est réaliste, François Forget répondait longuement à cette question dans un Journal du CNRS de 2015.
Il en profitait pour faire un aparté sur l'aspect psychologique d’une telle expédition et la remettre en contexte : « je ne crois pas que les facteurs psychologiques soient de vraies limites au vol habité vers Mars. Dans l’histoire de l’humanité, il y a eu des explorations dans des conditions plus dures et plus effrayantes. Les expéditions polaires du début du XXe siècle, par exemple : on partait sans aucun moyen de communication… ».
… mais Mars n’est PAS une Terre 2.0
« l’Homme vient de la Terre, il faut qu’il reste sur Terre, il n’y a pas de plan B. Il n‘y a pas de planète Terre 2.0 dans le système solaire […] L’Homme peut aller dans l’espace pour de la science, pas pour sauver son humanité ». De nombreux scientifiques de renoms sont sur la même longueur d’onde, appelant à ne pas se laisser entrainer par des sirènes d’un Nouveau Monde.
L’Agence spatiale européenne donne quelques précisions sur ce qui attendrait des colons : « Les premiers humains qui poseront le pied sur Mars auront d'autres problèmes à affronter. L'air est 100 fois moins épais que sur la Terre et est principalement composé de gaz carbonique. Les explorateurs humains devront donc porter des masques à oxygène et des combinaisons spéciales à chaque fois qu'ils sortiront de leurs habitacles étanches ».
La légende des petits hommes verts a plus de 100 ans
Nous ne reviendrons pas en détail sur l'histoire passée, présente et future de la recherche de la vie sur Mars, car nous avons déjà consacré de nombreux articles à ce sujet :
- Naissance de la vie : « regarder Mars, c'est regarder une fenêtre du passé »
- Premières missions sur Mars : recherche de traces d'eau et habitabilité
- Grâce à SuperCam, Mars 2020 va chercher des traces de vie sur Mars... et plus si affinités
- Mars : les limites de la science in situ, préparer l'arrivée de l'Homme
- Et si on trouvait des traces de vie sur la planète Mars ? Les explications de Sylvestre Maurice
Sachez simplement que l’étude de Mars a deux buts principaux : comprendre l’apparition de la vie sur Terre et peut-être trouver des traces de vie sur une autre planète. Quel intérêt ? « Je dirais comme pour l'habitabilité : j'ai deux planètes habitées dans le système solaire. Conclusion : il y en a une infinité dans l'univers », nous expliquait Sylvestre Maurice.
Pour le moment, la Terre est la seule et unique à notre connaissance. Mais comme le rappelle l’Agence spatiale européenne (ESA), les fantasmes autour de la vie martienne ne datent pas d’hier. « À la fin du XIXe siècle, certains scientifiques pensaient qu'ils pouvaient voir des lignes droites traverser la surface de la planète. Ces lignes rejoignaient des zones verdâtres qui donnaient l’impression qu’elles étaient recouvertes de plantes. Ces mêmes scientifiques pensaient que ces lignes droites étaient des canaux creusés par les Martiens afin d’acheminer l’eau vers leurs cultures ».
Sylvestre Maurice ajoute une précision importante : « On parlait alors des chenaux de Mars, mais chenal va se traduire en canal, à la différence qu'un canal est construit par l'Homme. De cette ambigüité entre chenal et canal va naitre l'idée qu'il y a des hommes sur Mars ». On peut également citer les fantasmes autour de la célèbre photo de la sonde Viking orbiter en 1976 : « les ombres donnent à une colline de plus d’un kilomètre de long la forme d'un visage. Cette image a fait le tour du monde et alimenté l'imaginaire de ceux qui voulaient y voir une construction martienne ».

Deux lunes martiennes : Phobos et Deimos
La planète rouge possède deux petits satellites naturels connus. Le CNRS est revenu il y a quelques années sur la piste privilégiée pour expliquer leur formation : « Selon les simulations, Mars a subi il y a entre 4 et 4,5 milliards d’années un choc frontal avec un corps trois fois plus petit que lui. Les débris éjectés se sont alors d’abord retrouvés en orbite autour de la planète rouge, formant un anneau similaire à ceux de Saturne. Dans cet anneau, une lune de mille fois la masse de Phobos s’est progressivement formée par accrétion des débris, comme cela s’est passé lors de la formation de notre propre Lune ».
Ces deux lunes sont aussi « noires que le charbon et ressemblent à des pommes de terre cabossées ». Elles ont été découvertes en 1877 par l’astronome américain Asaph Hall. La première est baptisée Phobos (terreur); elle mesure environ 22 km, se situe à 9 400 km de Mars et tourne autour de sa planète trois fois par journée martienne.
La seconde, Deimos (panique) ne mesure que 13 km et trouve à 23 500 km de Mars ; c'est une des lunes les plus petites du Système solaire, tournant autour de Mars en un peu plus d'une journée. À titre de comparaison, la Lune est à 384 300 km de la Terre avec un rayon de 1 737 km.

L'Agence spatiale européenne explique que « leur petite taille indique que la gravité sur ces deux lunes est très faible. Un astronaute posé sur Phobos serait 1 000 fois plus léger que sur Terre. S'il lui prenait l'envie de faire un grand saut, l'astronaute se retrouverait en train de voler dans l’espace ».
La sonde Mars Express est passée près de Phobos (jusqu’à moins de 100 km) et a permis d’en apprendre davantage sur sa composition : « Il est presque certain qu'il s'agit d'un tas de débris – fait de nombreux morceaux de roche, maintenus ensemble par la force de gravité – et non d'un objet plein ». Les prochaines missions vont s’intéresser à Mars et à ses lunes.