La Terre est le berceau de l’humanité, centre de notre monde. Elle déploie les grands moyens pour nous protéger avec son atmosphère et son champ magnétique. Mais nous n’occupons qu’une petite place dans son histoire, presque insignifiante.
Notre voyage initiatique dans le Système solaire nous mène à la planète que nous connaissons le mieux : la Terre. Troisième dans l’ordre en partant du Soleil (et aussi troisième rocheuse), elle a une caractéristique unique à notre connaissance : c’est la seule à abriter (et même avoir un jour abrité) la vie, depuis plusieurs milliards d’années.
L’arrivée de l’Homme est par contre très récente. La planète bleue est si centrale dans notre existence qu’elle est très souvent utilisée comme base de comparaison pour les autres astres célestes. On parle par exemple d’unité astronomique (« ua », soit 149 597 870 700 mètres) pour la distance séparant la Terre et le Soleil.
L’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides de l'Observatoire de Paris propose d’ailleurs un tableau récapitulatif de l’ensemble des planètes – Pluton y est conservée « à titre de comparaison » – avec leurs satellites respectifs (un seul dans le cas de la Terre, notre Lune).
On pourrait parler pendant des heures de la Terre tant il y a à dire. Dans le cadre de ce dossier, nous nous focaliserons donc sur certains points essentiels, comme l’apparition de la vie, la place de l’humain, son climat, son nom, etc.
Lire notre dossier sur le Système solaire :
- Le Soleil : élément central et « catalyseur » de la vie
- Mercure : une mystérieuse planète « sans équivalent »
- Vénus : une planète étrange, quasi-jumelle de la Terre, qui « a mal tourné »
- Terre : minuscule point dans l’Univers, seule planète à abriter la vie… jusqu’à preuve du contraire
- Mars : cousine de la Terre, objet de toutes les convoitises et de fantasmes
- Un détour par la ceinture d'astéroïdes et les lacunes de Kirkwood
- Jupiter : planète géante dépourvue de surface solide, protectrice du Système solaire
- Saturne et ses anneaux : « joyau » du Système solaire, surprenante à plus d’un titre
Une toupie penchée, d'où naissent les saisons
Commençons par quelques généralités et une présentation rapide : la Terre tourne sur elle-même en presque 24h (23,935 h pour être précis), tandis qu’il lui faut 365,25 jours (le 0,25 donne une journée de plus tous les quatre ans, correspondant aux années bissextiles) pour effectuer une rotation complète autour de notre étoile.
Elle se déplace dans le Système solaire à 30 km/s (c’est 45 fois plus rapide que le concorde à titre de comparaison) et tourne très rapidement sur elle-même : « un peu comme une toupie qui pencherait d'un côté. Les personnes qui vivent sur l'équateur 'se déplacent' d'ouest en est à une vitesse de 1 670 km/heure. (Cette vitesse est moins grande pour ceux qui habitent près des pôles). Et comme tout ce qui nous entoure se déplace de la même façon, nous ne remarquons même pas notre voyage à grande vitesse », rappelle l’Agence spatiale européenne.
Cette inclinaison a des conséquences importantes : elle « signifie que la Terre connaît des saisons. Lorsque le pôle nord pointe vers le Soleil, c'est l'été dans les pays de l'hémisphère nord. Lorsque le pôle nord pointe à l'opposé du Soleil, c'est alors l'hiver dans ces pays. Les saisons sont exactement inversées au sud de l'équateur ».
C’est ainsi que Noël et le jour de l’An tombent pendant l’été dans l’hémisphère sud. Une expérience particulière.

15 °C en moyenne, grâce à notre atmosphère et l’effet de serre
Comme Mercure, Vénus et Mars, c’est une planète rocheuse et même la plus grande des quatre. La planète bleue – car recouverte à 71 % par des mers et des océans – est un tout petit peu plus grande et plus lourde que Vénus, sa quasi-jumelle « maléfique ». Sa masse volumique de 5 515 kg/m³ pour un total de 5,9 x 10²⁴ kg.
Le CNES rappelle une de ses particularités élémentaires, qui en fait toute sa singularité : elle est « la seule connue où l’eau est présente sous ses trois formes : solide, liquide et gazeuse, ce qui a permis notamment le développement de la vie ». Sur Terre se déroule le cycle de l’eau : « Lorsque l'eau est réchauffée par le Soleil, elle se transforme en gaz (la vapeur d’eau). Si ce gaz se refroidit, il se transforme en gouttes d’eau et forme les nuages et la pluie », explique l’Agence spatiale européenne.
Un phénomène rendu possible car la Terre se trouve à 150 millions de kilomètres de notre Soleil, dans la zone « Goldilocks » (Boucles d'or), habitable. Pourquoi ce nom ? Parce que dans le conte Boucles d'or et les Trois Ours, la petite fille préfère manger son porridge (bouillie) « ni trop chaud, ni trop froid ». Comme la vie sur notre planète.
La température moyenne est de 15 °C, bien loin donc des températures extrêmes de Vénus : 470 °C, contre 170 °C « seulement » pour Mercure. « Si la terre garde cette température idéale, c’est aussi grâce à l’atmosphère et aux gaz qui s’y trouvent. Ils piègent une partie des rayons du soleil : l’effet de serre. Sans cet effet de serre, la température sur Terre serait de - 18 °C. Mais attention, un effet de serre trop important et c’est le coup de chaud », précise le CNES.

Noyau, manteau, croute et pôle à géométrie variable
Si l'on creuse, la Terre est composée d’une croute en surface, des manteaux supérieur et inférieur (environ 2 890 km d’épaisseur pour l’ensemble), du noyau externe de 2 270 km, puis enfin du noyau interne de 1 216 km de rayon. Le noyau est composé de métal (de fer principalement) à l’état solide en son cœur et liquide à l’extérieur.
« Ce sont d’ailleurs les mouvements dans cette masse de métal liquide qui créent le champ magnétique, ce bouclier invisible qui nous protège de tous les rayonnements hyperénergétiques émis par le Soleil et qui protège aussi notre atmosphère », détaille le CNRS. Parmi les quatre planètes telluriques, c’est la seule avec Mercure à disposer d’une telle protection.
Du champ magnétique de la Terre, on définit deux pôles magnétiques Nord et Sud « comme les points à la surface de la Terre où le champ magnétique est exactement vertical. [Ils] ne sont pas exactement antipodaux », explique l’Institut de physique du globe de Paris. En effet, « le pôle magnétique Nord se trouve dans le Grand Nord canadien, tandis que le pôle magnétique Sud se trouve au large de la base française de Dumont d’Urville en Antarctique. La variation séculaire du champ magnétique terrestre se traduit par une lente dérive des pôles magnétiques. Ainsi le pôle magnétique Nord se déplace actuellement à la vitesse de 55 km/an vers la Sibérie ».
Josef Aschbacher, directeur de l’observation de la Terre à l’ESA, précise que ces déplacements « nous mènent probablement à une inversion polaire. Longtemps attendue, nous n’en avions pas eu pendant plus de 700 000 ans et les pôles pourraient s’inverser dans quelques milliers d’années », explique-t-il. Cette bascule pourrait avoir des conséquences sur notre vie, mais il faut les relativiser. Il ne s'agit pas d'un scénario apocalyptique. Le National Geographic avait publié en 2018 un article sur le sujet : Les pôles magnétiques de la Terre vont s’inverser, mais nous survivrons.
Pour en savoir plus sur la structure interne de la Terre et son fonctionnement, David Louapre y a consacré un épisode sur sa chaine Science Étonnante. La vidéo est accompagnée d’un billet de blog. Si le but premier était d’expliquer que « non le manteau n’est PAS liquide ! », les explications vont plus loin. À voir si vous avez un quart d’heure devant vous.
Vie sur Terre : de la « pure chance » ?
Stéphane Tirard, professeur d'épistémologie et d'histoire des sciences à l'Université de Nantes, tente de répondre à une question simple en apparence, ô combien complexe : « Quelle est la première chose vivante apparue sur Terre ? ».
« Les premières choses vivantes apparues sur Terre ont disparu depuis longtemps, elles ont été détruites et nous n’en avons pas de trace. Les roches dans lesquelles nous pourrions les trouver sous forme fossile se sont transformées et aujourd’hui il est très difficile de trouver des témoins, des traces de cet événement si important pour la vie sur Terre.
Cette question pose une autre question : la définition de la vie, qu’est-ce qu’une chose vivante ? Les cellules qui nous composent et les premières cellules apparues sur la Terre étaient bien vivantes, mais n’y a -t-il pas eu avant d’autres choses que l’on pourrait qualifier de vivantes ? ».
On peut également considérer que la planète est « vivante » : « nous avons les grandes masses terrestres qui se déplacent constamment – ce que l'on appelle la tectonique des plaques – et nous avons une atmosphère riche en oxygène, en azote, et en vapeur d'eau. Un ensemble d'éléments nécessaires et indispensables pour la vie sur Terre », indique Josef Aschbacher.
Quant à l’apparition de la vie sur Terre, c'est un mélange entre la science « et la pure chance », pour le National Geographics.
L’Homme sur Terre : rien de plus qu’un « battement de cil »
Arte propose de son côté un résumé de l’histoire de la Terre « qui n’a pas attendu l’Homme » :
« Si l’histoire de la Terre s’écrivait dans un livre de 1 000 pages, la vie y apparaitrait vers la page 185. Cette vie ne serait représentée que par des cellules simples pendant plus de 700 pages jusqu’à l’explosion des espèces multicellulaire des pages 870 à 880.
La sortie des eaux ne se raconterait qu’à la page 916. Au cours de cette constante transformation, la planète a également subi cinq crises majeures, dont une il y a 250 millions d’années [extinction Permien Trias, ndlr] au cours de laquelle la vie sur Terre a failli disparaitre. Cette extinction de masse a entrainé la disparition de 70 % des espèces terrestres et 96 % des espèces marines.
La planète a mis près de 10 millions d’années à s’en remettre et reprendre l’inexorable danse de l’évolution avec ses disparations et les nouveaux arrivants, comme cette fois-la les dinosaures à la page 960 de l’histoire de la Terre. À la fin du livre, l’histoire entière d’Homo Sapiens depuis son apparition [il y a 200 000 à 300 000 ans en Afrique, ndlr] jusqu’à aujourd‘hui ne fera l’objet que d’une poignée de lignes tout en bas de la toute dernière page. Sa présence sur Terre ne représente donc que 0,004 % de sa très longue histoire.
L’Homme n’existe pas depuis bien longtemps, mais il n’est pas pour autant plus évolué. Toutes les espèces sont au sommet de l’évolution et parfaitement adaptées à leur environnement naturel. […] Rien n’indique que l’espèce humaine devrait être éternelle, ni même qu’elle mettra plus longtemps que les autres à disparaitre. Le plus probable est que son passage sur Terre ne représente qu’un battement de cil à l’histoire de la planète, une durée dérisoire… presque insignifiante. »
À l’échelle de l’Univers, l’Homme ne représente que quelques secondes
Pour resituer la Terre et la vie humaine dans l’Univers, Pierre Barthélemy (journaliste scientifique au Monde) a publié il y a quelques années une rétrospective sur « L'histoire de l'Univers condensée en un an ». On considère donc que le 1er janvier correspond au Big Bang. Il faut attendre le 12 mai pour que la Voie lactée « prenne sa forme de spirale ».
Sur Terre, la vie apparait le 9 septembre avec des organismes monocellulaires. « Les premiers êtres pluricellulaires entrent en scène début novembre, mais c’est dans la seconde moitié du mois de décembre que l’arbre du vivant va se ramifier à toute allure ». Les amphibiens sont là le 22 décembre, les reptiles un jour plus tard.

Les dinosaures naissent le 25 décembre et se font réduire en poussière par une météorite le 30 décembre. « Le même jour, comme pour symboliser un changement d’ère, les premiers primates font leur apparition dans la classe des mammifères ». C’est donc en moins d’une journée que tout va se jouer : « Le lointain ancêtre des grands singes (dont nous faisons partie) apparaît peu après 14 heures en ce 31 décembre ».
À 23h48 l’Homo sapiens fait son entrée dans la partie. Ensuite, « à 23h59mn20s, il orne la grotte de Lascaux. Dans les secondes qui suivent, il invente l’agriculture. À 23h59mn47s, il commence à écrire et à fondre les métaux. Deux secondes plus tard, il construit les grandes pyramides de Gizeh ». Dans ce calendrier de l’Univers, 70 à 80 ans d’une vie « représente un sixième de seconde ». De quoi relativiser l’importance de l’Homme sur Terre et encore plus dans l’Univers.
Une chose est sûre pour le directeur de l’observation de la Terre à l’ESA : « nous avons changé la planète, c’est un fait. La question est de comprendre au mieux ce qui se passe et éviter les plus grandes catastrophes afin de ne pas la détruire complètement ». La question qui brule les lèvres actuellement est celle du réchauffement climatique et des gaz à effet de serre. Mais comme on a pu le voir pendant le confinement, avec un arrêt brutal d’une partie des activités humaines, la nature commence rapidement à reprendre ses droits.
One more thing : l’origine du nom de la « Terre »…
Alors que les autres planètes du Système solaire portent des noms issus de la mythologie (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Uranus, Neptune et la planète déchue Pluton), ce n’est pas le cas de la « Terre ». Mais alors, d’où vient son nom ?
Le site Le Vaisseau, édité par le Conseil Départemental du Bas-Rhin, s’est penché sur cette question avec l’aide de deux astronomes de l’Observatoire de Strasbourg (Pascal Dubois et Bernd Vollmer) :
« Depuis l’antiquité, la Terre est considérée comme terre nourricière et aussi le seul endroit connu à abriter la vie. Les observations de cette dernière se faisaient uniquement à l’échelle humaine. Les hommes de l’époque n’avaient pas les moyens humains et matériels pour l’observer de loin.
L’homme cherche depuis toujours à expliquer le monde qui l’entoure. Et donc, au vu de ses croyances et connaissances de l’époque, elle a été considérée comme un dieu ou une déesse et désignée sous les noms de Gaïa ou Gè en Grèce, de Tellus ou Terra Mater par la suite chez les Romains. Gaïa est une déesse identifiée à la "Déesse mère".
Selon le mythe, elle est l’ancêtre maternelle des races divines. Elle aurait donné naissance à Ouranos (le ciel), Pontos (le flot marin), Ouréa (les montagnes et les hauts monts), mais aussi à de nombreuses créatures comme les Titans ou les Cyclopes. Les préoccupations agricoles de l’époque et le peu de connaissance sur la constitution de la planète suffisent à expliquer la place importante qui est faite à la divinité de la Terre ».
Terra n’est finalement qu’un des noms romains de Gaia. Il en est de même pour Tellus. On utilise d'ailleurs parfois ce dernier sans même s'en rendre compte. En effet, les tremblements de Terre sont également appelés « secousses telluriques » et on a parlé au début de cette actualité de « planètes telluriques ».

… et de la Lune
Profitons-en pour un petit détour par notre unique satellite naturel, la Lune. Son nom vient de la déesse romaine Luna. Cette dernière est, selon l’Observatoire de Paris, « de peu d'importance » et « a rapidement été assimilée à Diane ». « La mythologie grecque a personnifié la Lune sous le nom de Séléné, fille d'Hypérion et Théia, et donc sœur d'Hélios. Elle est représentée comme une belle jeune femme parcourant le ciel sur un char d'argent ».
Selon certaines hypothèses, la Lune serait le résultat d’une collision entre la Terre et un impacteur de la taille de Mars, baptisé Théia. Dans la mythologie, cette dernière était la fille de Gaia ; on pourrait presque dire que la Lune est la petite fille de la Terre, ce qui correspond il faut bien l’avouer à une certaine réalité.
Rappelons que la Lune et la Terre entretiennent une relation fusionnelle : leur rotation est synchrone. C’est ce qui explique qu’il y ait une face cachée et une autre visible. La Lune est également le seul autre objet céleste où un être humain a posé les pieds, il y a plus de 50 ans. Il devrait y retourner dans les prochaines années.
Pour finir, le Centre national des études spatiales a mis en ligne il y a deux ans et demi une vidéo regroupant des photos « à couper le souffle » prises par le Français Thomas Pesquet depuis la Station spatiale internationale :