La NASA détaille à Boeing comment améliorer la sécurité et la fiabilité de sa capsule habitable Starliner. Le fabricant s’est engagé à apporter les modifications demandées. Un nouvel essai à vide sera (peut-être) réalisé… d'ici la fin de l’année.
En décembre dernier, la capsule habitable Starliner de Boeing échouait à rejoindre la Station spatiale internationale lors de ce qui devait être son ultime test à vide (Orbital Flight Test-2). Heureusement, il n'y a pas eu d’explosion ou d’incident grave qui aurait pu être fatal à des humains s’ils avaient été présents.
Boeing préférait voir le verre à moitié plein : « Nous avons probablement rempli 85 à 90 % de nos objectifs », selon Jim Chilton, vice-président en charge des opérations spatiales. Avis partagé par Jim Bridenstine de la NASA : « Nous avons eu quelques difficultés, mais beaucoup de choses se sont bien passées, notamment l'entrée dans l'atmosphère et l'atterrissage "en plein dans le mille" de la capsule ».
Après une période de flottement, l’Agence spatiale américaine décidait de réaliser un nouveau test avant d’envoyer des astronautes dans l’espace (dans le cas contraire, le moindre problème lui aurait certainement été reproché). Pour rappel, SpaceX a déjà envoyé deux membres d’équipage dans l’ISS avec sa capsule Crew Dragon (et ils y sont toujours).
Six mois plus tard, les deux partenaires (NASA et Boeing) ont « accompli un gros travail en examinant les problèmes rencontrés lors du test en vol sans équipage de Starliner ». De nombreux points ont été soulevés durant cette enquête et plusieurs dizaines de pistes d’améliorations ont été transmises à Boeing, qui a du pain sur la planche…
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80 recommandations sur des domaines variés
En décembre, les premiers éléments de l’enquête laissaient entrevoir deux séries de problèmes. La première sur la partie logicielle de la capsule : « Il semblerait que le véhicule spatial utilisait une minuterie de mission [MET, ndlr] qui n'était pas celle de la mission […] Nous ne savons pas pourquoi cela s'est produit », reconnaissait Jim Chilton.
La seconde concernait la liaison entre la Terre et Starliner pour les communications : des commandes ont rapidement été envoyées pour corriger la mauvaise trajectoire, mais elles n’étaient pas arrivées assez rapidement. La capsule se trouvait alors entre les zones de couverture de deux satellites et Boeing n’avait visiblement pas bien géré ce cas.
Un troisième incident logiciel – « valve mapping software » – a été dévoilé publiquement en février, deux mois après le lancement, bien que « diagnostiqué et corrigé en vol ». Les conséquences potentielles « ne sont pas claires », mais cela aurait pu engendrer une collision entre le module de service et la capsule au moment de la séparation… Bref c’était grave.
Une première enquête avait livré ses conclusions en mars dernier, avec la mise en lumière de « plusieurs problèmes techniques et organisationnels liés au travail de Boeing ». Le rapport présentait aussi « 61 mesures correctives et préventives » pour éviter que les anomalies sur la partie logicielle ne se reproduisent.
Aujourd’hui, le dernier pan de l’enquête (sur les communications sol/capsule) est bouclé. Au total, pas moins de 80 recommandations ont été envoyées à Boeing. La société, en collaboration avec la NASA, les prendra en compte avec des plans d'action « déjà bien avancés » pour chacune. Le détail n’est pas public, mais voici les grandes lignes :
- « Testing and Simulation » : 21 recommandations (avec des tests d’intégration matérielle et logicielle plus poussés)
- « Requirements » : 10 recommandations (notamment sur les évaluations logicielles)
- « Process and Operational Improvements » : 35 recommandations (vérifications par les pairs, documentation…)
- « Software » : 7 recommandations (mises à jour correctives pour le MET et l’algorithme de sélection d’antennes)
- « Knowledge capture and hardware modification » : 7 recommandations (changements organisationnels sur les rapports de sécurité, ajout d’un filtre radiofréquence pour supprimer les interférences hors bande, etc.)
« Nous avons encore beaucoup de travail à faire »
Boeing a annoncé en avril qu’un second test de sa capsule sera effectué avant d’y mettre des astronautes, « sans frais pour le gouvernement afin de prouver que le système Starliner répond aux exigences de la NASA, y compris pour l’amarrage à la Station spatiale internationale ». La NASA tient à souligner « l’engagement de l’équipe Boeing tout au long de ce processus ».
Néanmoins, « pour être clairs, nous avons encore beaucoup de travail à faire », ajoute Phil McAlister, le directeur du développement commercial des vols spatiaux à l’Agence spatiale américaine. Steve Stich, responsable du programme des vols commerciaux de la NASA, prend sa part de responsabilité : « Peut-être étions-nous trop focalisés sur SpaceX ».
L’Agence américaine aurait ainsi fait un peu trop confiance à Boeing et pas suffisamment surveillé son partenaire : « Nous étions plus habitués aux processus de Boeing », contrairement aux nouvelles méthodes de SpaceX. Aucune nouvelle date concernant le second vol Orbital Flight Test-2 n’a été donnée pour le moment.
Selon Steve Stich, il pourrait avoir lieu « à la fin de l'année », mais sans aucune garantie.