OnlyOffice : présentation et prise en main de la suite bureautique open source

Quelque part entre Office et LibreOffice
OnlyOffice : présentation et prise en main de la suite bureautique open source

Lorsque l'on parle de suite bureautique open source, on pense assez logiquement à LibreOffice ou OpenOffice. Mais depuis quelques années OnlyOffice s'est faite remarquer, s'invitant dans un nombre croissant d'entreprises et universités en France. Venue de Lettonie, elle a pourtant déjà plus d'une décennie. Voici le principal à retenir.

OnlyOffice était au départ connue sous le nom de TeamLab, produit de la société lettone Ascensio System, dont la première mouture est sortie en 2009. Ce n’était d’ailleurs même pas une suite bureautique initialement, mais une plateforme de collaboration centrée sur le social, avec publications de blogs, gestion de forums, wiki, etc.

2010 a vu l’arrivée de la gestion de projets et de Talk, une solution de messagerie pour l’entreprise. C’est en 2011 que débarque pour la première un élément bureautique avec Documents qui, en plus de proposer l’édition en ligne, en assurait le partage, le stockage et la collaboration. Ascensio System développe rapidement une expertise dans ce domaine, faisant même la démonstration, au CeBIT de 2012, du premier éditeur en ligne de documents entièrement basé sur HTML5.

C'est aujourd'hui l'un de ses points forts, lui permettant de tenir la comparaison avec Office et de se démarquer des autres suites open source auxquelles ces fonctionnalités manquent en général.

Fin 2012, changement d’ampleur : TeamLab va jusqu’en finale du concours Startup Battlefield organisé par TechCrunch et se fait largement remarquer. Un an et une campagne de financement participatif à succès plus tard, le produit est renommé TeamLab Office, gérant les feuilles de calcul et présentations, toujours sur la base des technologies HTML5.

OnlyOffice

En juillet 2014 nait officiellement OnlyOffice. À cette occasion, le code source est publié sous licence GPLv3 ou AGPLv3 (Affero General Public License) sur SourceForge et GitHub, selon les modules. Il n’est plus désormais que sur ce dernier. Le produit s’est ensuite fait connaitre en tant que première suite bureautique en ligne open source.

Depuis, elle ne cesse de se développer, notamment en France. Référencée à l'UGAP, elle est présente dans plusieurs universités, mais séduit aussi les entreprises. Asustor, NextCloud et d'autres en proposent une intégration à leurs produits et services, Infomaniak fait de même pour son kDrive, vantant sa compatibilité « à 100 % » avec Office.

Un succès mérité ?

Les bases techniques de la suite

Avec le temps, OnlyOffice s’est enrichie d’applications natives pour Linux, macOS, Windows, Android ou encore iOS (voir ci-dessus). Pour Linux, la suite est même proposée en paquets DEB, RPM, Snap, Flatpak et AppImage (voir notre comparatif). Une pluralité trop rare pour ne pas la signaler. Elle en est aujourd’hui à la mouture 5.5.1.

Le service central, prévu pour le web, repose sur trois briques principales : Document Server, Community Server et Mail Server. Le premier a trait à tout ce qui touche aux documents, leur stockage et leur gestion. Il fournit le socle et les interfaces des éditeurs et prend en charge notamment la collaboration, la correction ainsi que la révision et ses commentaires. Le module est écrit principalement en JavaScript et se sert abondamment de l’élément Canvas du HTML5.

Le Community Server contient pour sa part tous les modules fonctionnels. Ses pages sont en ASP.NET et ont donc besoin du framework .NET pour les serveurs Windows et Mono sous Linux. On y trouve notamment l’intégration avec les stockages distants (Box, Dropbox, Google Drive, OneDrive et OwnCloud, le partage de documents, le CRM (personnalisable), la gestion de projets, les diagrammes de Gantt, les tâches, le calendrier ou la BDD utilisateurs.

Quant à Mail Server, il reprend les bases d’iRedMail avec Postfix, Dovecot, SpamAssassin, ClamAV, OpenDKIM, Fail2ban.

Des versions pour (presque) tout le monde

OnlyOffice ne peut pas vraiment se comparer à des concurrents open source comme LibreOffice. Il s’agit avant tout d’un service en ligne, dont des applications ont été compilées pour répondre à la demande. Ce qui explique également pourquoi on trouve plusieurs moutures de la même suite, selon les besoins.

Si vous vous rendez sur le site officiel et cherchez à télécharger simplement l’installeur comme on le ferait pour LibreOffice, il faut se rendre dans Téléchargements > Éditeurs pour PC. Un drôle de nom, qui témoigne surtout d’une traduction du site pas toujours au point ou même complète.

La page vous accueillera par exemple avec un joli « Téléchargez ONLYOFFICE Desktop Editors pour votre Windows, Linux ou Mac ». Que cela ne vous effraie pas, car même si on peut reprocher quelques impairs, aucun n’est bloquant.

Parmi les autres éditions proposées, on commence avec l’Entreprise, le produit star de la société. C’est une offre totalement intégrée, comprenant la suite bureautique, un CRM, un serveur/client email, la gestion des produits, un calendrier, la gestion des documents ou encore tout ce qui touche à la communauté.

Le tout s’installe sur les serveurs de l’entreprise cliente et fournit un bureau web rassemblant les fonctions au sein d’un même écran. Certaines fonctions lui sont également réservées, comme la comparaison de documents.

  • OnlyOffice
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Vient ensuite l’édition Intégration, qui permet de placer la suite bureautique au sein de services existants. Elle s’adresse donc à des structures ayant déjà des produits d’autres entreprises. L’édition Developers, comme son nom l’indique, est dédiée à celles et ceux souhaitent créer des compléments pour la suite, puisqu’elle le permet.

À l’exception de l'édition Desktop Editors, toutes les autres sont payantes. L’édition Entreprise, par exemple, coûte 1 020, 2 040 ou 4 080 euros par serveur, en licence définitive. Cette segmentation se fait sur la base des fonctions et des connexions simultanées dont l’entreprise a besoin. Start en propose 50, Standard 100 et Standard+ 200. Cette dernière permet, entre autres bonus, l’utilisation en marque blanche.

L’édition Intégration se divise en plusieurs tarifs également, avec une Home Server conçue pour les petites structures non commerciales. Vendue 139 euros (promotion à 90 euros en ce moment), elle permet dix connexions. L’offre Single Server commence à 935 euros pour 50 personnes et peut être utilisée en entreprise. On trouve même une offre Cluster, uniquement sur devis. Dans tous les cas, la licence est à vie, mais les paiements (uniques) ne laissent place qu’à un an de mise à jour et de maintenance – Home Server n’a pas droit à la maintenance.

Enfin, OnlyOffice propose une offre hébergée par ses propres serveurs. La facturation se fait selon le nombre de postes que l’on souhaite équiper, par tranche. Par exemple, le tarif de base s’établit à 4,25 euros par mois, mais des packs pour un ou trois ans permettent d’en réduire le coût. L’éditeur fait également des promotions régulières. Les offres pour un et trois ans sont ainsi à -40 et 60 % jusqu’au 30 juin.

Du fait de cette tarification et de sa conception, OnlyOffice est moins connue du grand public. Le produit est clairement destiné aux petites et moyennes entreprises. Un positionnement revendiqué d’ailleurs dans la FAQ.

Par ailleurs, la suite fait grand cas d’une compatibilité complète avec les documents issus de la suite Office de Microsoft. En fait pour tous ceux générés par défaut dans le format Open XML (comme docx, et pas doc, plus ancien). Il n’est pas censé y avoir la moindre erreur de rendu avec les documents les plus complexes, comme les grandes feuilles de calculs chargées en formules et les présentations embarquant de lourdes images.

Ascensio System est si sûre de son coup qu’Open XML est le format d’enregistrement par défaut des nouveaux documents. Un choix particulier, à contre-courant de suites comme LibreOffice, alors que le format Open Document est lui aussi pris en charge. Sans doute un puissant argument de vente, OnlyOffice s’attaquant à Microsoft sur l’offre hébergée.

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Bon, et ces applications alors ?

Que vous utilisiez les versions en ligne ou de bureau, l’interface et les fonctionnalités sont identiques. Le design global est propre, même si l’on sent bien qu’il s’agit d’une base web, sans que ce soit problématique. Que l’on se serve des versions en ligne ou de bureau, l’ensemble est très réactif. Sur ce point, OnlyOffice n’a rien à envier à d'autres solutions.

La suite s’ouvre sur un écran de sélection. On peut créer rapidement un nouveau document, classeur ou présentation, ouvrir un fichier récent, un fichier local ou connecter ses applications à un compte OnlyOffice existant, fourni par sa structure. Chaque document s’ouvre dans un nouvel onglet, ce dernier pouvant être extrait pour devenir indépendant.

La présentation générale est largement calquée sur les rubans d’Office. Les fonctions sont rangées de la même manière, même si toutes les catégories ne sont présentes. Une grande partie des fonctions est cependant bien là. On remarque quand même que le rendu des polices n’est pas exactement le même que dans Office. Les polices sont bien présentes, Calibri apparait par exemple légèrement plus grasse que dans Word.

En outre, puisque l’on parle de Microsoft, vous pouvez ouvrir des documents venant de OneDrive, mais sans compter sur l’enregistrement automatique des modifications. OnlyOffice, bien sûr, ne se fermera pas sans vous avertir qu’un document non modifié n’a pas été enregistré. On retrouve d’ailleurs la petite étoile dans la barre de titre après le nom du fichier.

C'est là que les intégrations avec des services de stockage en ligne et autres NAS peuvent avoir tout leur intérêt. Ces outils feront l'objet d'une prochaine série d'articles autour d'OnlyOffice.

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OnlyOffice à gauche, Word à droite

La partie Documents est la mieux équipée. Fonctionnellement riche, elle accueille l’utilisateur avec tout ce dont on pourrait avoir besoin au départ, notamment une colonne à droite dédiée au paragraphe en cours, affichant les espaces interlignes et avec les autres paragraphes, la couleur de fond, etc.

Les options avancées permettent d’aller plus loin dans la personnalisation. Il n’y a pas de surprise à l’utilisation du traitement de texte. Insertion de colonnes, création de listes à la présentation personnalisées, ajout de tatouage numérique, définition du cycle d’indentation via des styles, nombreuses icônes disponibles, création automatique d’une table des matières, gestion du Remplacer tout dans la partie Recherche… Tout est à peu près là.

Le concurrent d’Excel s’en sort bien lui aussi. Très complet, il propose de nombreuses formules, en plus bien sûr d’être compatibles avec toutes celles qui pourraient provenir de l'application de Microsoft. Leur filtrage est pris en charge, le formatage des cellules contient tout ce que l’on peut en attendre, les graphiques se génèrent facilement et on trouve même un onglet dédié aux tableaux croisés dynamiques.

OnlyOffice

En fait, OnlyOffice nous a même paru plus agréable pour l’une des fonctions les plus importantes de ce type de programme : les formules. Comme Excel, la suite affiche automatiquement la liste des formules au fur et à mesure de la frappe, à côté de la cellule en cours d’utilisation.

Cependant, on peut valider par Entrée le choix de la formule, alors qu’Excel oblige à reprendre la souris pour y faire un double-clic. En outre, la description de la formule est donnée sur plusieurs lignes, contre une seule grande pour Excel. La lisibilité n’en est que meilleure. Excel reprend quand même la main sur les exemples : une fois la formule sélectionnée, un encadré montre l’utilisation des arguments, ce que ne fait pas OnlyOffice.

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OnlyOffice à gauche, Excel à droite

Quant aux présentations, elles fonctionnent là encore comme dans PowerPoint, avec toutes ses fonctions principales. Comme pour les concurrents de Word et Excel, il faudra plonger loin dans l’application pour trouver des limites. Dans le cas présent, impossible d’enregistrer le temps lors de la répétition d’une présentation.

En ce qui concerne les diapositives, l’ajout d’images ou vidéos, les transitions, les effets fournis ou le mode Présentateur, tout est là. Sachez enfin que les développeurs intéressés peuvent compiler eux-mêmes les applications de bureau depuis le code source de la suite. Ascensio System y a consacré d’ailleurs un billet de blog il y a deux mois.

« Connecter à Cloud »

OnlyOffice a de nombreux arguments à faire valoir. Elle se présente très volontiers comme une alternative à Office de Microsoft, jusqu’à reprendre le même format de fichier par défaut. Cependant, il y a des éléments à travailler, et même à revoir. La traduction fait partie de ces problèmes récurrents, sans atteindre le niveau handicapant d’un Brave par exemple.

Mais il y a tout de même trop souvent des exemples de traductions incomplètes ou mal fagotées, du type « Connecter à Cloud » ou « partagez vos document » (oui, sans le pluriel). On comprend quand même, mais l’ensemble fournit parfois une sensation de travail bâclé, qui ne cadre pas bien avec l’image de produit d’entreprise qu’OnlyOffice veut donner.

Il faudra également compter sur les différences avec d’autres suites bureautiques et les inévitables habitudes prises depuis des années. OnlyOffice est très simple à prendre en main, mais quitte à prendre par exemple modèle sur les onglets de navigateurs, pourquoi ne pas autoriser le clic molette pour les fermer ?

En fait, les seuls vrais problèmes rencontrés ont été dans l’application mobile (Android et iOS). On y trouve presque toutes les fonctions que dans les logiciels de bureau… et c’est bien là le problème. Les développeurs ne semblent pas vraiment savoir quoi en faire. L’interface est donc lourde et peu pratique. Avec du temps, on finira toujours par réaliser ce que l’on souhaite, mais avec un peu d’agacement.

La différence avec les applications mobiles de Microsoft est nettement plus conséquente. C’est aussi vrai sur la présentation générale que l’utilisation des fonctions. Dans Excel par exemple, les règles à gauche et en haut sont plus lisibles et l’interface gère le thème sombre (qui, dans le cas d’Excel, est encore plus lisible).

En outre, il n’y a pas d’autocomplétion pour les formules. Il faudra cliquer sur le bouton du symbole en haut à gauche pour en afficher les listes. Globalement, l’interface est peu intuitive. Certaines fonctions courantes, comme le support de l’écriture manuscrite et l’historique des modifications réalisées en collaboration, sont même absentes.

Une alternative convaincante

Si l’on met de côté le problème spécifique des applications mobiles, OnlyOffice a de nombreux atouts dans sa manche. Les quelques fonctions absentes et les ratés sur la traduction ne doivent pas faire oublier sa force principale : une offre intégrée, clé en main, personnalisable, open source et à un tarif raisonnable.

L’édition Entreprise se détache notablement du lot par le nombre de services qu’elle intègre et sa personnalisation. Le client pourra en effet en modifier de nombreux paramètres, l’interface dans une certaine mesure, et plier le service à sa volonté. En Europe, OnlyOffice gagne particulièrement en popularité dans le monde universitaire. Les migrations sont faites en collaboration avec Nextcloud, avec qui Ascensio System collabore depuis des années.

La France n’est pas en reste, tant les annonces se sont multipliées. Parmi les dernières annonces, on trouve l’université de Lorraine (22 juin), celle de Grenoble Alpes (18 juin), de Nantes (20 mai) ou encore de Polynésie française (27 avril). Son ouverture sur les autres services communautaires ou universitaires (comme Moodle) lui ouvre un nombre croissant de portes. Les universités de Paris Sud et Rennes y sont depuis 2018.

Au vu de ses fonctionnalités et du nombre de connexions prises en charge, OnlyOffice se destine clairement aux PME/PMI, qui pourraient voir dans Microsoft 365 une solution trop étoffée, sans trouver leur bonheur dans LibreOffice. L’approche centralisée d’OnlyOffice a quand même convaincu de grandes entreprises comme Deloitte et Oracle.

Les sociétés intéressées devront quand même sélectionner avec soin leur offre. Certaines fonctions importantes sont réservées à l’édition Entreprise, comme l’intégration à Active Directory. L’offre Microsoft 365 garde en outre pour elle des capacités poussées dans les règles de conformité et de sécurité. Mais toutes les entreprises n’ont pas forcément de tels besoins dans ce domaine.

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