Prometheus : le moteur réutilisable et « low cost » pour les lanceurs européens

De belles promesses
Tech 8 min
Prometheus : le moteur réutilisable et « low cost » pour les lanceurs européens
Crédits : ArianeGroup

Le projet de moteur Prometheus avance. Développé par ArianeGroup pour le compte de l’ESA, il doit permettre à l’Europe de rentrer dans l’ère du réutilisable (avec Ariane Next ?)… si elle le souhaite. La décision n’est en effet pas encore actée. Les premiers essais ne se dérouleront pas avant 2021, en retard sur le calendrier initial. 

ArianeGroup a annoncé en décembre 2017 la signature d’un contrat de 75 millions d’euros avec l’Agence spatiale européenne (ESA) pour « la conception, la réalisation et les essais des deux premiers exemplaires du démonstrateur Prometheus ». Un moteur nouvelle génération pour les futurs lanceurs européens, à horizon 2030. 

Les promesses du moteur Prometheus 

Il joue sur deux tableaux : la réutilisation – et donc un possible retour sur Terre après le lancement, comme le fait SpaceX – et une baisse significative du prix. La promesse de Prometheus est d’être « dix fois moins cher qu’un moteur actuel du type Vulcain 2 », soit environ un million d’euros « seulement ».

Il appartient à la classe des moteurs de « 100 tonnes de poussée » et utilise un couple d’ergols comprenant de l’oxygène liquide (LOx) et du méthane, à la place de l’oxygène et hydrogène liquides du Vulcain 2 d’Ariane 5. L’ESA vante les performances de ce mélange, d’autant que le méthane est bien plus facilement disponible et manipulable.

« Aucun lanceur n'utilise un mélange d’oxygène et de méthane liquides pour décoller. Si l'Europe se penche sur l'option, c'est aussi le cas des sociétés américaines Blue Origin et SpaceX », expliquait le CNES début 2018. Le méthane a un autre avantage, puisqu'il « pourrait être synthétisé sur la planète rouge et assurer le voyage retour ».

L’ensemble de ces caractéristiques techniques forment l’acronyme du nom du moteur (à quelques ajustements près) : Precursor Reusable Oxygen METHan cost Effective propUlsion System. Il est attendu pour 2030. Une étape intermédiaire devait arriver dès 2020 avec des essais sur banc au DLR (Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt) à Lampoldshausen en Allemagne, mais l’Agence spatiale européenne a repoussé l’échéance. L'occasion de faire le point.

Prometheus
Prométheus : ceci n'est pas un alien- Crédits : ArianeGroup Holding

Les premiers essais désormais prévus pour 2021

Depuis maintenant deux ans et demi, Prometheus est donc en développement. Une étape importante a été franchie en 2019 : la revue de définition. Elle « démontre la pertinence de la conception et des choix technologiques effectués, et conforte les objectifs de coût ambitieux du programme » rappelle l'ESA.

Les recherches sur le moteur réutilisable européen ont été confirmées lors de la conférence Space19+. L’Agence spatiale européenne explique avoir « reçu un financement complet pour porter la conception actuelle du moteur Prometheus à une maturité technique adaptée à l'industrie » ce projet étant « désormais considéré comme un élément essentiel pour préparer un accès européen compétitif à l’espace ». 

Ce moteur sera à la fois flexible et multifonction : poussée variable, allumages multiples, compatibilité avec les différents étages du lanceur, opérations au sol minimisées avant et après le vol, etc.  Lors de la conférence Space19+, les ministres des différents pays ont dans l’ensemble validé une feuille de route avec des « objectifs ambitieux ».

Ils portaient également sur la prochaine étape : Themis. Il s'agit d'« un démonstrateur à l’échelle 1/2 d’un étage réutilisable propulsé par Prometheus pour maîtriser la rentrée atmosphérique et le retour sur Terre de l’étage principal en minimisant le besoin de remise en état avant retour en vol ».

ALM : « imprimer en 3D des objets métalliques dans n’importe quel métal » 

Alors que les essais sur le premier prototype de Prometheus (M1) se rapprochent à grands pas, l’ESA revient sur les travaux en cours. Le banc d’essai P5 du DLR disposera ainsi d’un réservoir de 250 m³ pour stocker le méthane, qui n’était pas utilisé jusqu’à présent. « Cela permettra aux ingénieurs de basculer simplement les configurations de test entre les moteurs Prometheus et Vulcain 2.1 d'Ariane 6 ».

Pour rappel, ce dernier a déjà passé tous les tests de qualifications en septembre dernier. Les sous-systèmes principaux de Prometheus sont également en cours de fabrication précise l’Agence : « Les premiers éléments construits l'année dernière ont bénéficié de nouvelles méthodes telles que l’"additive layer manufacturing" (ALM) » –une sorte d’impression 3D – qui permet à la fois d’aller plus vite et de réduire « considérablement » les coûts.

De plus, les composants générés via la technologie ALM « ne nécessitent aucune finition de surface ». Plusieurs éléments sont prêts pour les tests : turbine et admission de la turbopompe ainsi que des vannes.

D’autres arriveront dans les mois qui viennent. Thales détaille cette technologie d'impression métal, perçue comme « la plus prometteuse et la plus précise pour l’industrie de pointe [...] ALM (Additive Layer Manufacturing) consiste à imprimer en 3 dimensions des objets métalliques dans n’importe quel métal, avec des propriétés mécaniques identiques au métal de base et une précision pouvant approcher le 1/10e de mm ».

ALM Ariane Prometheus
Turbo pompe de Prometheus imprimée en 3D - Crédits : ArianeGroup

La chambre de combustion arrive ce mois !

Une étape importante est sur le point d’être franchie : « Le premier modèle de chambre de combustion est attendu fin juin », alors qu’il faudra attendre décembre 2020 pour celle du prototype M1 du moteur Prometheus… Trop juste donc pour des essais avant la fin de l’année comme c’était prévu au départ. L’ESA le confirme : « Les ingénieurs assembleront le démonstrateur à la fin de cette année pour des essais sur le terrain en 2021 ».

Toujours dans le cadre du programme Futur Launchers Preparatory, Arianeworks (une plateforme d’accélération lancée en 2019 par ArianeGroup et le CNES) prépare de son côté le lanceur Themis, qui exploitera pour rappel le moteur Prometheus. Aucun délai n’est pas par contre précisé, pas plus que l’état d’avancement des travaux.

Nous sommes sur un calendrier long : le cahier des charges d’Ariane 6 est bouclé depuis longtemps et Prometheus est considéré comme le « précurseur des futurs moteurs des lanceurs européens à l'horizon 2030 ».

Les travaux sur ETID et Prometheus serviront à améliorer Ariane 6

Ce n’est pas le seul projet en cours pour l’avenir des lanceurs européens. ArianeGroup travaille aussi sur ETID (Expander-cycle Technology Integrated Demonstrator) qui « permet de développer des composants et sous-systèmes de chambre de combustion et de tester les technologies pour les moteurs du futur ».

Des essais ont été effectués entre juin 2018 et mars 2019 afin de « valider 14 nouveaux composants qui sont autant de briques technologiques désormais disponibles pour le développement d’un futur moteur d’étage supérieur ».

Les technologies et procédés de fabrication utilisés pour les démonstrateurs ETID et Prometheus permettront d’« améliorer de manière significative la compétitivité des moteurs à propulsion liquide d’Ariane 6 dès 2023 et développer de nouveaux moteurs à très bas coût pour les futurs lanceurs européens à partir de 2030 ». 

Prometheus
Exemple d’intégration de moteurs Prometheus sur le premier étage d’un lanceur - Crédits : ESA–ArianeGroup

Passer à la réutilisation ou non ? Bonne question… 

La question de la réutilisation divise en Europe. Pour le CNES, elle ne devrait même pas se poser : « le choix ne sera pas entre lanceur consommable ou lanceur réutilisable, mais entre lanceur réutilisable ou disparition de cette activité ». L’ESA à une approche plus pragmatique : « il est capital que l’Europe se dote de capacités permettant d’envisager une réutilisation ponctuelle de certains éléments du lanceur, notamment des propulseurs ». 

Elle ajoute que « la mise en œuvre opérationnelle de cette réutilisation dépendra ensuite de l’équation économique, qui doit tenir compte tant des coûts récurrents que des cadences de lancement ». Les décisions de Space19+ permettent de laisser les deux pistes ouvertes, comme l’avait suggéré un rapport d’information du Sénat quelques semaines auparavant. La prochaine étape sera certainement la réunion ministérielle de 2022 sur l’exploration spatiale européenne.

Deux pistes sont actuellement sur le tapis :

  • soit développer une « Ariane 6 Evolution » d'ici à 2025 avec un gain de performance et une baisse des coûts, puis le développement à terme d'un nouveau lanceur « Ariane Next » (dans tous les cas, Ariane 6 n’est pas prévue pour évoluer vers la réutilisation, il faut un autre lanceur) ;
  • soit sauter la partie Evolution et passer directement à « Ariane Next ». Selon le rapport des sénateurs, ce lanceur serait « plus simple (lanceur bi-étage au lieu de quatre aujourd'hui ; un seul moteur contre trois aujourd'hui), moins coûteux (avec une cible de réduction des coûts à nouveau fixée à 50 %) et réutilisable ».

Mais d’autres points doivent être pris en compte : « Nous travaillerons à la réutilisation si les cadences de lancement la rendaient économiquement viable », lâchait André-Hubert Roussel, président d'ArianeGroup. 

La direction générale de l’armement apportait aussi son grain de sel, un brin provocatrice : « le lanceur réutilisable n’est pas une solution de 2030, mais de 2018. Il faut viser l’étape d’après, car, en 2030, SpaceX ou ses successeurs seront vraisemblablement passés à autre chose ». Reste à savoir à quoi la société d’Elon Musk sera passée…

Un Starship entièrement réutilisable, envoyant des hommes sur la Lune, Mars et n’importe où sur Terre en 1h ? Peut-être.

L’Europe continue dans tous les cas ses expérimentations sur le réutilisable, alors que SpaceX s’en fait une spécialité en ayant même réussi à faire voler cinq fois le même premier étage. Pour le moment, le gros chantier européen reste Ariane 6, les décisions seront prises plus tard, probablement une fois les premiers tests de Prometheus et Themis achevés.

Ariane Themis Prometheus
Ceci n’est pas un visuel de SpaceX… mais d’ArianeGroup - Crédits : ArianeGroup

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