Le député Philippe Latombe (MoDem, 1ère circonscription de Vendée) revient dans nos colonnes sur StopCovid, l’application de suivi de contact débattue et votée aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Si elle n’est pas la panacée, elle peut être utile, estime-t-il, non sans faire part d’autres inquiétudes.
Après l’avis de la CNIL, que pensez-vous aujourd’hui du projet StopCovid ?
Clairement, dans l’avis de la CNIL sur le projet StopCovid, les garanties nécessaires sont là. Je n’ai qu’un seul regret, tout le tapage autour de l’application dès le départ alors qu’elle n’était qu’en construction. Certains en ont même fait une position politique alors que tel n’était pas le sujet.
L’application va aider à tracer des cas contact. C’est un outil, pas la panacée. La solution respecte le règlement général sur la protection des données. Elle est volontaire et il est totalement exclu qu’il y ait une carotte un ou bâton. Si on veut torpiller cette appli, c’est bien avec un tel bonus ou malus !
Mes deux soucis principaux restent la question de l’interopérabilité avec les systèmes de nos pays voisins. L’interopérabilité avec Google ou Apple ne se fera pas. INRIA développe un nouveau protocole, DESIRE, pour envisager une telle solution, mais je n’en suis pas sûr.
Le deuxième point est aussi ce rendez-vous manqué de l’Europe sur le thème de la souveraineté numérique. Nous avons fait le choix de développer une solution indépendante d’Apple ou Google, mais des pays ont décidé de céder. Ce n’était pas le bon moment et cela préfigure mal de ce que pourrait être une Europe numérique.
StopCovid fonctionnera a priori en tâche de fond, tout en étant légèrement dégradée dans le sens où elle consommera plus d’énergie que si l’on avait utilisé la brique Apple ou Google.
Une question reste toujours en suspens, celle de la fracture numérique…
Le fabricant Withings vient de réussir à embarquer StopCovid sur une montre. Reste à savoir maintenant si l’on peut l’installer sur d’autres objets et surtout à quels coûts. Avec un tarif autour d’une quarantaine d’euros, on devrait trouver une solution pour équiper les populations les plus fragiles.
L’idée serait d’opter pour un bracelet connecté, comme ceux utilisés pour faire du sport, opérationnel pour l’été, distribuable d’ici septembre pour répondre à une éventuelle deuxième vague.
Là encore, ce n’est pas la panacée, mais une solution de plus, en attendant un possible vaccin ou en tout cas une augmentation des capacités de tests notamment PCR (Réaction en chaîne par polymérase, ndlr). Une boite vendéenne travaille sur une technologie ultrarapide, cette fois en test salivaire, bien plus simple que les prélèvements nasopharyngés.
Vous évoquiez le thème de la souveraineté numérique… qui va gérer le serveur centralisé ?
A priori, ce serait un serveur de la Direction Générale de la Santé (DGS), et donc pas Microsoft. Sauf que j’ai cru comprendre qu’il y aurait un accès pour les brigades sanitaires sur ce serveur. Or, elles utilisent les solutions Microsoft. Cela m’inquiète et j’attends des éclaircissements.
Qu’attendez-vous des débats organisés aujourd'hui à l’Assemblée nationale ?
J’attends aussi qu’un certain nombre de positions purement politiciennes s’estompent, qu’on parle des vrais sujets, de souveraineté numérique, des données de santé, de ce que sont les libertés.
Beaucoup de personnes essayent aujourd’hui de se placer en cas de remaniement, sans se poser les bonnes questions notamment s’agissant de la loi Avia à l’épreuve de la liberté d’expression, des personnes qui utilisent Zoom ou ne voient pas les problèmes soulevés par l’article 57 de la loi de finances sur le chalutage des réseaux sociaux par les services fiscaux.
Elles veulent peser sur « le monde d’après », adoptant une posture, sans entrer dans le fond technique du sujet.
L’appli est plutôt « clean » pour une fois. Je suis pour ma part plus inquiet, si l’on n’adopte pas StopCovid, que Google et Apple en profitent pour développer leur propre application et que toutes les données partent à l’extérieur.
Avec la solution française, au moins on peut vérifier les informations, s’assurer qu’elles ne sont pas utilisées autrement et qu’elles sont bien effacées. Voilà aussi pourquoi la CNIL a tenu à expertiser cette solution très régulièrement. Le dossier médical partagé, hébergé par Microsoft, est un autre sujet d’inquiétude.