Avant de plonger dans les systèmes d’exploitation – car il y a eu un avant-Windows – il est nécessaire de revenir brièvement dans le contexte d’un Microsoft qui en était alors à ses balbutiements. Comme bien d’autres entreprises, elle se destinait à d’autres activités.
Fondée par Bill Gates et Paul Allen (décédé le 15 octobre 2018), elle s’appelle initialement Traf-O-Data. Créée en 1972, elle est spécialisée dans les données de trafic routier. En 1981, elle change de nom pour Micro-Soft, Gates et Allen s’intéressant de près à la micro-informatique. Son ambition est alors de fournir des programmes en BASIC pour l’Altair 8800.
Pour ce qui est considéré comme le premier ordinateur personnel américain, les deux jeunes hommes, alors étudiants, vont développer un interpréteur du langage, qu’ils nommeront simplement Altair BASIC. Ce dernier est le point de départ du succès de l’entreprise, qui va très profondément se transformer jusqu’à devenir la multinationale que l’on connaît aujourd’hui, avec les accusations d’abus de position dominante qui surviendront dès les années 1990.
Comme nous allons le voir, le début de la « gloire » n’est venu qu’à la suite d’un coup de poker transformé en victoire commerciale, lui assurant une présence unique sur l’informatique personnelle.
Notre dossier sur l'histoire de Windows :
- L'histoire de Windows : de MS-DOS à NT 3.x
- L'histoire de Windows : l'attente fut longue avant Windows XP
- L'histoire de Windows : de Vista à Windows 8.x, de nombreuses erreurs
- L'histoire de Windows (10)
MS-DOS
L’histoire de Windows est indissociable de celle de MS-DOS. Elle raconte comment une opportunité a changé le cours de l’industrie informatique personnelle, alors balbutiante. IBM, qui souhaite lancer en 1980 son premier PC, préfère acheter un système existant plutôt que de développer le sien.
À ce moment, l’entreprise ne croit en effet guère à ce segment de marché. Elle approche Digital Research pour obtenir une licence de son système CP/M. Échec des négociations et entrée en scène de Bill Gates. Profitant de l’occasion, il propose PC-DOS 1.0 qui n’est autre qu’un système racheté à Seattle Computer Products, 86-DOS.
Ce dernier a un gros avantage : une compatibilité avec les API (Application Programming Interface) de CP/M. Coût de l’opération pour Microsoft, 50 000 $, probablement l’un des investissements les plus rentables de l’histoire. Quand sort le premier PC d’IBM en 1981, PC-DOS est devenu MS-DOS.
Dès l’année suivante, Microsoft commence à le vendre à d’autres constructeurs. Durant toute sa carrière, il va rester un système monotâche, ne gérant qu’un seul utilisateur, fonctionnant en ligne de commande et en mode réel. Ce dernier impose ses propres limites, dont un adressage mémoire de 1 Mo sans aucune protection.
Les versions qui suivront apporteront évidemment de nombreux changements, notamment dans le support des unités de stockage avec l’arrivée de nouvelles disquettes, des premiers disques durs ou encore du système de fichier FAT16. C’est dans ce contexte que va apparaître Windows.
Windows 1.0
À sa sortie en novembre 1985 – et pendant une décennie –, Windows n’est pas un OS. Il s’agit d’une interface graphique pour MS-DOS visant à aider les utilisateurs à réaliser plus rapidement des opérations grâce à une souris.
On retrouve bien sûr le système de fenêtres qui a donné son nom au produit, ainsi que quelques outils de base, désormais célèbres, comme Paint. Windows 1.0 comporte cependant une longue liste de limitations. Il hérite notamment de toutes les barrières imposées par MS-DOS, dont le fonctionnement monotâche.
Certaines capacités d’interface sont également bridées pour respecter les termes d’un accord conclu avec Apple qui possède déjà à cette époque d’importants brevets dans ce domaine (basés sur des idées récupérées chez Xerox). Peu performant et ne proposant rien de plus que les produits existants, trop limité, le succès de Windows 1.0 ne sera qu’anecdotique. Il réclame au minimum 256 Ko de mémoire, mais 512 Ko et un disque dur sont recommandés.
Windows 2.0
Lorsque débarque la version 2.0 deux années plus tard, une partie des barrières a disparu. Les fenêtres peuvent se chevaucher (créant la toute première tension avec Apple) et le multitâche fait son entrée, bien qu’en mode coopératif, potentiellement instable.
Windows 2.0 sera davantage utilisé, d’autant plus parce que Microsoft l’offre pour tout achat de Word ou Excel. Exécutables depuis MS-DOS, ils s’ouvrent alors avec une nouvelle interface graphique. Un ajout témoignant de ce qu’était encore Windows à l’époque. L’évolution technique vient cependant avec Windows 2.1 qui introduit pour la première fois le mode protégé (segmentation de la mémoire), rendu possible par le processeur 80286 d’Intel.
La mémoire virtuelle est de la partie, de même que les niveaux de privilège (les fameux « rings » 0 à 3). Avec le 80386 sort une version adaptée de Windows, avec cette fois la mémoire protégée, autorisant le fonctionnement des programmes MS-DOS et logiciels en tâches de fond.
Windows 3.0/3.1
Windows 3.0, apparu en mai 1990, marque une rupture. Il devient évident que le produit est amené à jouer un grand rôle, l’interface graphique y étant prépondérante. Techniquement, Windows 3.0 reprend le mode protégé de la mouture 2.1, mais avec un adressage étendu sur 32 bits, permettant de gérer jusqu’à 4 Go de mémoire.
Les programmes conçus pour le mode réel fonctionneront désormais dans cette mémoire, tandis que ceux pour Windows se serviront du mode protégé. Windows 3.0 marque également le début du succès. Plus mature, doté d’une base de pilotes rafraîchie – chaque Windows a alors son propre stock fixe –, il touche plus globalement le grand public.
C’est surtout sa version 3.1, sortie au printemps 1992, qui restera la plus connue, de même que son évolution « 3.11 for Workgroups », pendant l’été 1993. La première a supprimé le mode réel, ajouté le support des polices TrueType, inauguré le Bloc-Notes et a pu faire grimper la résolution jusqu’en 1 024 x 768 pixels.
La seconde, bien que d’apparence mineure, représente en fait une évolution technique. Elle rend obligatoire l’utilisation d’un processeur 80386 pour profiter de son mode protégé 32 bits. Un support réseau, aussi 32 bits, a en outre été ajouté. À partir de cette époque, Windows va se diviser en deux branches.
D’un côté, les systèmes « 9x » (95, 98…) surtout destinés au grand public. De l’autre, les NT réservés aux entreprises. Il faudra attendre Windows XP en 2001 pour que la société Microsoft n’en garde qu’une, centrée sur NT. La plateforme de développement logicielle est, elle, commune dans les grandes lignes.
Windows NT 3.11/3.51
Le début du tournant pour Windows prend racine dans un rapprochement brisé avec IBM. Les deux sociétés travaillaient alors à la conception d’un successeur à MS-DOS : OS/2. Les divergences entre les entreprises vont mener cependant à un début de divorce : IBM s’occuperait d’OS/S 2.0, tandis que Microsoft préparerait la version 3.0.
À cette époque, il semble encore évident à tout le monde qu’OS/2 est le système de l’avenir. Résolument plus moderne, il apporte notamment un nouveau système de fichier, baptisé HPFS, capable entre autres de gérer les noms jusqu’à 255 caractères. Mais en dépit du nouvel accord convenu, il est impossible pour les deux anciens compères de s’entendre. IBM devient alors seul maître à bord. Le travail effectué par Microsoft n’est cependant pas perdu.
Le code déjà écrit va servir de fondation à une nouvelle branche de Windows nommée New Technology, ou NT. Une préversion de Windows NT 3.1 est proposée au printemps 1993. L’ambition de Microsoft se nomme alors Cairo, un projet prévu pour NT 4.0 devant fusionner les deux branches. On sait aujourd’hui que l’aboutissement n’interviendra pas avant Windows XP, presque dix ans plus tard.
Dès le début, Windows NT se distingue par un code plus moderne et plus robuste. Entièrement tourné vers le 32 bits, il propose un nouveau système de fichier, NTFS (qui se fragmente beaucoup moins que le FAT), l’environnement de développement Win32, ainsi qu’une gestion du réseau améliorée. Son interface est calquée sur celle de Windows 3.1. Détail amusant, l’équipe travaillant sur Windows NT s’appelle à ses débuts « Portable Systems ».
Disponible en versions Workstation et Server, il supporte cependant peu de matériels, le nombre de pilotes étant encore faible (ils devaient être réécrits). Il en ira de même pour Windows NT 3.50, sorti en septembre 1994, qui apporte des optimisations et la gestion des architectures 64 bits Alpha et MIPS. Windows NT 3.51, commercialisé en mai 1995, aura surtout pour mission de préparer le terrain de Windows 95, en rendant compatible la mouture Server avec le futur client.
Cet article a été publié dans le #1 du magazine papier de Next INpact distribué en janvier dernier. Il est rediffusé ici dans son intégralité. Il sera accessible à tous d'ici quelques semaines, comme l'ensemble de nos contenus.