Au cours des dernières semaines, plusieurs sociétés/institutions ont fait face à des déboires plus ou moins graves. Mi-mars, la Chine « ouvrait » les hostilités avec le lancement raté, puis c’était au tour de Boeing, OneWeb, SpaceX, etc.
Longue Marche-5 et 6 et 7(A) sont les lanceurs de « nouvelle génération » de la Chine. Le pays avait terminé l’année 2019 en beauté avec un lancement réussi pour son gros lanceur Longue March-5. C’était le troisième vol, après un échec en juillet 2017.
La situation s’est néanmoins rapidement gâtée en mars avec l’échec de Longue March-7A. Un incident d’autant plus inquiétant que les causes ne sont pas officiellement connues et que les trois fusées partagent certaines caractéristiques, notamment les moteurs YF-100. Trois semaines après ce cuisant échec, aucune nouvelle information n’a filtré.
Au même moment, SpaceX envoyait une nouvelle fournée de satellites pour sa constellation Starlink. Une mission achevée avec succès malgré la panne d’un des neuf moteurs lors de la montée et un échec de la récupération du premier étage, qui en était déjà à son cinquième décollage.
SpaceX enchaîne les « explosions » avec ses prototypes Starship
Plus récemment, un troisième prototype du futur vaisseau Starship de la société d’Elon Musk a explosé durant des tests de mise sous pression. Les ambitions de l’entreprise sont élevées puisque cette fusée devrait « nous permettre d'habiter d'autres mondes ».
Pour rappel, Starship est à la fois le nom complet du vaisseau et celui de la partie supérieure de la fusée, dont il est question aujourd’hui. Il ne mesure ainsi « que » 50 m de hauteur, contre 118 m pour l'ensemble du lanceur. Sa conception est différente. La structure et les réservoirs des prototypes sont en acier inoxydable, un matériau sur lequel Elon Musk n'a pas tari d'éloges : « C'est de loin la meilleure décision de conception que nous ayons prise ». Mais passer de la théorie à la pratique n’est pas toujours aussi simple.
Le premier – MK1 – a fait « boom » fin novembre pour rappel. « Le test visait à mettre les systèmes sous une pression maximum, si bien que le résultat du test n'était pas complètement inattendu. Il n'y a pas eu de blessés, et ce n'est pas un grave revers », affirmait alors la société.
Fin février, SN1 (nouveau nom des prototypes) subissait le même revers alors qu’il était rempli d’azote liquide et que « les systèmes [étaient] pressurisés au maximum ». Mais pour Elon Musk, ce n’était toujours pas « un sérieux revers ».
SpaceX a revu son procédé de fabrication (notamment au niveau des soudures) pour la construction de SN2. Elon Musk prévoyait déjà un long chemin, comme il l’expliquait sur Twitter : « Chaque SN [Serial Number, ndlr] aura au minimum des améliorations mineures, il faudra atteindre au moins SN20 ou plus pour avoir Starship 1.0 ».
Avec SN2, le test a été réduit à sa plus simple expression pour se concentrer sur le réservoir, comme le rapporte NASA Spaceflight. Cette fois-ci aucun problème n’était à noter.
La société passe donc au prototype SN3, dont le test ne s’est pas non plus déroulé comme prévu, une fois encore. Elon Musk est rapidement sorti du bois pour expliquer que la cause était « une erreur de configuration du test plutôt qu'une erreur de conception ou de construction ».
Le prototype SN4 est déjà en cours de constructions et ne devrait donc pas demander de gros changements. Espérons pour SpaceX qu’il ne parte pas lui aussi en fumée.
Crew Dragon : un test de parachute avorté, lancement en mai
Toujours chez SpaceX, ce qui devait être l’ultime test des parachutes de Crew Dragon (la capsule habitable devant emmener des astronautes dans la Station spatiale internationale) s’est soldé par un échec… mais ce n’est pas la faute de la capsule en elle-même. Les conditions du test ont effet conduit le pilote d’hélicoptère à larguer le véhicule de test avant d’avoir atteint l’altitude visée pour cause d’instabilité mettant en danger sa sécurité.
Bref, un échec mais surtout un test non représentatif. Cela n’empêche pour le moment pas la NASA de maintenir son calendrier avec un lancement programmé entre mi et fin mai aux dernières nouvelles. Les quatre membres d’équipages sont pour le moment les suivants : Michael Hopkins, Victor Glover Jr., Shannon Walker et Soichi Noguchi de l’agence spatiale japonaise.
Starliner : Boeing va faire un second vol à vide
Et puisqu’on parle de la Station spatiale internationale, Boeing va devoir faire un nouveau test de sa capsule Starliner, sans équipage à son bord. Pour rappel, fin décembre un premier test avait été réalisé, mais le vaisseau n’avait pas pu rejoindre sa cible – l’ISS – à cause d’un problème d’horloge.
Les deux partenaires avaient bien tenté d’affirmer que la mission était un succès, mais difficile pour autant de ne pas évoquer au moins un échec partiel puisque le but de cette capsule était de s’arrimer à l’ISS. Début mars, la NASA ne savait toujours pas si un nouveau test à vide devait être effectué, mais la décision est désormais prise.
Finalement, Boeing va donc jouer la carte de la sécurité et « démontrer la qualité du système Starliner » avant d’y installer des membres équipage. La date de ce second lancement n’est pas encore connue, pas plus que celle du premier vol habité.
Crew Dragon de SpaceX et Starliner de Boeing doivent redonner aux États-Unis une autonomie d’accès à la Station spatiale internationale et aux vols habités dans l’espace. Pour le moment, le pays dépend des Russes… avec de nombreuses conséquences politiques et techniques en cas de problème.
OneWeb, qui devait faire le vol inaugural d’Ariane 6, en faillite
Ce ne sont pas les seuls couacs récents. Nous pouvons également citer OneWeb qui s’est placé sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites afin de « maximiser la valeur de la société et la vendre ». L’entreprise voulait pour rappel proposer un accès mondial à Internet avec une constellation de satellites en orbite, comme SpaceX avec Starlink.
Afin de terminer son déploiement, OneWeb espérait lever plus de deux milliards de dollars auprès de son principal investisseur SoftBank, mais ce dernier souhaite davantage récupérer des fonds en cette période de pandémie, comme le rapporte Les Echos. OneWeb accuse d’ailleurs directement la crise sanitaire d’être derrière l’échec de son opération de (re)financement.
« Arianespace est le plus gros créancier de OneWeb avec 238 millions de dollars, mais en cas de défaillance, ce ne serait "pas un trou dans la trésorerie", mais un manque à gagner », explique une source industrielle à l’AFP. Pour rappel, OneWeb devait aussi installer ses satellites à bord du vol inaugural d’Ariane 6, toujours prévu pour la seconde moitié de l’année. Un autre partenaire pourrait prendre sa place si besoin, ou même un vol à vide.
Concernant la faillite de OneWeb, le groupe français se contente d’une déclaration express : « Arianespace étant en relation contractuelle avec OneWeb, la société a logiquement été citée parmi les créanciers dans le document déposé le 27 mars. Arianespace va suivre le déroulement de la procédure de sauvegarde dans le respect de ses droits et de ses engagements, et n’a pas d’autre commentaire à formuler à ce stade ».
Grogne des employés de Blue Origin
Du côté Blue Origin, la colère grimpe chez les employés. Ils accusent la direction de la société de leur mettre la pression pour qu’ils se déplacent de Kent (État de Washington) à la ville de Van Horn (Texas) afin d’effectuer un nouveau lancement de New Shepard, malgré les risques liés à la crise sanitaire.
« On a l’impression que l’entreprise donne la priorité à ses objectifs d’affaires et à son calendrier plutôt qu'a la sécurité de ses employés et de la collectivité », explique un des employés sous couvert d’anonymat. D’autant plus que le but de Blue Origin est d’emmener de riches touristes faire un tour dans l’espace, rien de très vital donc pour les employés.
Pour l’instant, aucun humain n’est monté à bord pendant un vol, mais des expériences sont installées lors des allers-retours afin de profiter du vol et de l’espace pendant quelques minutes. « À mon avis, c'est vraiment un peu exagéré. Je ne pense pas que la New Shepherd soit une mission essentielle pour les États-Unis d'aucune façon », conclut un autre employé.
Rappelons enfin que l’Agence spatiale européenne a mis en pause pendant quelques jours quatre de ses missions le temps de procéder à des tests sur certains de ses employés, toujours sur fond de risques liés à Covid-19.