Après Firefox, le nouvel Edge et Chrome, c'est au tour d'Opera de passer sous notre microscope. L'histoire d'un géant devenu inconnu d'une bonne partie du public et tentant de récupérer sa gloire passée, quitte parfois à en faire un peu trop... et pas toujours là où il faudrait.
Notre dossier sur les navigateurs continue, avec le suivant sur la liste : Opera. Voilà un concurrent doté d’une histoire riche. Précurseur dans de nombreux domaines, il fut un temps payant, marquant l’assurance de son éditeur face à la concurrence. Opera était alors présenté comme le « navigateur sérieux pour les utilisateurs exigeants ».
La situation a beaucoup changé, suivant des critères de comparaison qui n’ont plus grand-chose à voir. Les navigateurs se sont longtemps battus sur le terrain des performances et du respect des standards du web. Aujourd’hui cependant, tous sont capables de rendre rapidement une page et supportent, peu ou prou, le même socle technologique.
Évidemment, la reprise du code open source du projet Chromium a joué un rôle décisif. Puisque tous ou presque ont égalisé le score, le combat s’est déplacé dans deux autres domaines : la vie privée et les fonctions intégrées.
Dans le cadre de ce dossier, nous nous intéressons surtout au premier, même si le second est encore – évidemment – aujourd’hui un facteur prépondérant dans le choix des internautes. Firefox nous a servi de mètre étalon pour la vie privée. On a pu voir depuis que le nouvel Edge s’en tirait bien alors que Chrome ne proposait que très peu de possibilités.
Passons donc à la suite.
Lire notre comparatif de navigateurs :
- Navigateurs et vie privée : Firefox comme chef de file
- Edge : vie privée, sécurité, forces vives et carences du nouveau navigateur
- Chrome : simple, sécurisé, performant... et la vie privée ?
- Opera : agréable et riche en fonctions, mais trouble sur la vie privé
Opera, le roi des montagnes russes
Ceux qui connaissent le petit monde de l’informatique depuis assez longtemps savent à quel point Opera fut un navigateur qui a marqué son temps. Il était le roi des fonctions, compilant une liste conséquente de capacités. Il fut par exemple le tout premier à populariser les onglets. C'est pour cela qu'il a pu se permettre d'être longtemps payant.
Mais l’avènement de Firefox, a bouleversé le marché des navigateurs. Le nouveau venu était très rapide et surtout hautement personnalisable. Les milliers d’extensions qui suivirent détrônèrent Opera, puisque Firefox pouvait s’adjoindre pratiquement toutes les fonctions qu’il voulait par la seule entremise des développeurs.
L’arrivée de Chrome quatre ans plus tard fut un nouveau raz-de-marée qui envoya presque Opera aux oubliettes. L’éditeur éponyme prit alors une décision aussi radicale que brutale : abandonner complètement l’ancien code. Le nouvel Opera serait rebâti sur Chromium – il fut le premier – et repartirait donc sur des bases neuves.
Le résultat, Opera 15, fut une surprise : le navigateur était rapide, réactif, mais avait laissé sur le bas-côté une bonne partie de ce qui le rendait unique. Il fut mal aimé par les fans de l’éditeur, qui n’y voyaient plus qu’un clone de Chrome, avec à peine de quoi les différencier, si ce n’est une interface un peu plus marquée. Comme le nouvel Edge de Microsoft.
Pourtant, version après version, Opera a commencé à s’étoffer, l’éditeur se montrant de plus en plus agressif sur ses possibilités, n’hésitant pas à incorporer certains comportements par défaut qui ne manqueraient pas de faire parler de lui. Dans cette série, l’ajout le plus notable fut clairement le bloqueur de publicités. Il fut longtemps le seul à activer automatiquement cette fonction, mais quelques autres l’ont rejoint depuis.
Aujourd’hui, Opera est à nouveau considéré comme un navigateur unique par ce qu’il propose, le « butineur » ajoutant régulièrement des éléments d’interface pour se démarquer de la concurrence. Ils sont désormais nombreux, mais avant de nous y immerger, il faut bien sûr commencer par ce qui constitue le fil conducteur de cette série d’articles : la vie privée.
Vie privée : Opera l’agressif… en surface
Opera se distingue de la concurrence par la présence d’un certain nombre d’éléments activés par défaut. D’autres non, mais ils sont clairement mis en avant pour que l'utilisateur sache ce que contient son navigateur.
Citons d'abord le bloqueur de publicités. Opera n’a pas réinventé la roue dans ce domaine : il puise dans les listes de blocage EasyList, EasyPrivacy et NoCoin pour se mettre automatiquement à jour et savoir ce qu’il doit prendre en chasse. L’utilisateur peut gérer ses listes, notamment ajouter les siennes.
En revanche, ce processus ne s’effectue pas au sein d’une extension qui serait fournie par défaut avec le navigateur : le blocage se fait directement via le moteur de rendu. Opera argumente : cette intégration est au bénéfice de l’utilisateur, le blocage étant plus rapide et consommant moins de ressources. En pratique, il est difficile de mesurer cet écart, mais il est vrai que le rendu des pages est particulièrement véloce dans le navigateur.
Tout ce que l’on peut voir, c’est qu’effectivement le blocage est efficace dans la plupart des cas. Comme avec les malwares toutefois, le filtre n’est jamais une barrière totalement absolue. Un jeu perpétuel du chat et de la souris entre les concepteurs de publicités et ceux qui veulent les bloquer.
Ce blocage, sans doute très utile pour certaines, n’est cependant pas tout à fait ce que l’on pourrait appeler une fonction liée à la vie privée. C’est une commodité. En revanche, Opera a ajouté il y a quelques mois un autre blocage par défaut : celui des outils de pistage, et pas uniquement ceux à des fins publicitaires.
On peut vérifier très facilement le fonctionnement de ce blocage. Il suffit de se rendre sur un site et de regarder si le petit bouclier à droite de la barre d’adresse vire au bleu. Si c’est le cas, on clique dessus et un panneau résume la situation : nombre de publicités et de traqueurs bloqués. Les annonces ne peuvent pas être détaillées, mais les seconds oui.
La vue développée en dressera donc la liste, chacun accompagné du type de traqueur : social, analytique, publicitaire ou « autres ». À titre de comparaison, nous avons mis Opera en face de Firefox dont le paramètre de vie privée était sur Strict. Sur le site du Monde, les résultats sont équivalents, Opera n’ayant cependant pas remarqué le traqueur social de Twitter (alors qu'il réussit sur d'autres pages). Sur Le Figaro, les listes obtenues sont également à peu près les mêmes, avec entre 25 et 30 éléments à chaque fois. Le travail semble donc fait, au moins en grande partie.
Mais pour quelqu’un qui chercherait une efficacité maximale dans ce domaine, il vaut mieux compter sur une extension dont c’est le travail, comme Privacy Badger de l’Electronic Frontier Foundation.
Concernant la gestion des cookies et du JavaScript, Opera s'aligne avec la majorité des autres navigateurs. Tout est blocable dans les options, y compris les cookies tiers bien sûr. Attention comme toujours au niveau de blocage des cookies, car moins ils seront nombreux, plus les sites auront des chances de mal fonctionner. Côté JavaScript, même reproche qu'aux autres : un accès direct au blocage dans le panneau du site (icône bouclier à gauche de la barre d'adresse) aurait été bienvenu, pour appliquer spécifiquement un réglage rapide sans passer par les paramètres.
VPN intégré : attention !
L’autre grande fonction mise en avant par Opera est son VPN (Virtual Private Network) intégré. Pour rappel, ce type d’outil permet de se connecter à un réseau local de manière distante et sécurisée. Très prisé en entreprise, il a rapidement été détourné de son objectif premier par des services spécialisés.
Proposant de « sécuriser votre connexion » en la faisant passer à travers leur VPN, ils permettent également de passer par des serveurs situés dans différents pays, pour faire « sauter » les limites géographiques de certains services en ligne. Il est également très apprécié par les adeptes de piratage pour tenter de masquer leur identité.
Mais en la matière, il ne faut pas oublier une règle de base : se servir d’un VPN, c'est utiliser la connexion internet d'un tiers, en qui il faut donc avoir toute confiance. Et si votre FAI ne verra plus qu'un « tunnel chiffré », le fournisseur de VPN verra, lui, passer l'ensemble de vos requêtes, chiffrées ou non.
Comme d'autres, Opera parle donc de « connexion Internet sécurisée » et de « localisation de l’utilisateur cachée ». Le VPN s’active d’un seul bouton, à la manière de Tor dans Tor Browser. Mais la comparaison s’arrête là, ces derniers offrant un véritable gage d'anonymisation du fait de leur architecture en oignon.
Nous l’avons dit et répété, un VPN doit être gardé pour des raisons spécifiques. Le résident d’un pays où la liberté d’expression est réprimée y verrait un intérêt pour échapper à l’examen de sa connexion et des sites qu’il visite. Et encore, il devrait trouver le fournisseur capable de lui offrir le niveau d’exigence voulu.
De quoi donc s’interroger sur le service offert par Opera. Et si l’on creuse un peu, on trouve vite de quoi passer son chemin. Car ce VPN n’en est pas un : c’est un proxy. L’adresse IP est bien cachée, mais il n’y a pas de chiffrement spécifique des données autre que celui offert par HTTPS (il n’y a pas de tunnel).
Si votre objectif est de vous connecter à un service inaccessible depuis votre pays, c'est bon. S’il s’agit de naviguer anonymement, c’est raté. Même chose pour l’utilisation sur un réseau public, par exemple dans un café.
La fonctionnalité est également presque dépourvue d’options. On ne peut choisir que le serveur de connexion, et encore ledit choix sera vite fait : meilleur emplacement (automatique), Amérique, Europe ou Asie. L’aide est réduite à sa portion congrue et il n’y a aucun kill switch. Il s'agit d'un verrou de sécurité important fourni avec une partie des solutions VPN, la coupure de la connexion avec le serveur entrainant celle d’Internet sur la machine client.
Cela permet d’éviter que la machine rebascule automatiquement en connexion classique. Dans le cas d’Opera, ce n’est de toute façon pas vraiment un problème : non seulement le client VPN n’est que dans le navigateur (il n’agit pas sur les autres applications ou sur le système) mais il n’y a pas de chiffrement supplémentaire des données.
Il n’y aurait donc aucune différence, en dehors de l’IP masquée. La simplicité de la fonction est cependant redoutable, puisqu'elle s'active d'un clic. En outre, si les performances ont été à une époque catastrophique, elles sont aujourd'hui honnêtes pour une navigation classique.
Gestion des données : une situation trouble
Bloquer les publicités et les traqueurs permet au navigateur de faire parler de lui. Le « VPN » gratuit tout autant, et le site officiel ne se prive pas de vanter tous ces mérites. Mais aborder le VPN entraine nécessairement la question de la collecte et la gestion des données. Et là, Opera active par défaut plusieurs options liées à l’envoi de données.
Par exemple, en collectant celles en rapport avec votre utilisation générale : temps d’usage, plateforme, définition de l’écran et divers renseignements techniques. Autre exemple, les rapports automatiquement générés en cas de plantage du logiciel, qui collectent eux aussi des informations contextuelles sur l’état général au moment de l’incident.
Rien de fou pour l’instant, Firefox en fait autant. Passons donc au VPN proprement dit. Il provenait initialement du rachat du Canadien SurfEasy, dont le service complet n’a pas grand-chose à voir avec la version gratuite présente dans le navigateur. SurfEasy a été racheté par Symantec, Opera Software basculant alors sur ses propres infrastructures. Le VPN prend appui sur les mêmes serveurs de compression de données qu’Opera Turbo. Ce dernier n'est plus disponible que dans l'application Opera Mini pour Android et permet, pour rappel, d'économiser des données.
Or, Opera Software a été renommée Otello Corporation après la revente des activités liées au navigateur à un fonds d’investissement chinois en 2016. Les intérêts de la Chine en matière de vie privée étant assez éloignés de ceux de l’Europe, cette opération joue clairement en défaveur d’Opera : on ne sait pas vraiment quelle juridiction s’applique.
Techniquement, Opera Software est toujours une société norvégienne basée à Oslo. L’ensemble est censé être conforme avec le RGPD, mais on entre ici dans une zone grise. Dans ses conditions d’utilisation et la zone réservée à la vie privée, Opera est relativement claire sur les données collectées, comme la création d’un ID unique aléatoire à l’installation ou encore celui du matériel utilisé.
Des pratiques que gouteront très peu les internautes à la recherche d’un navigateur réellement axé vie privée. Opera donne plusieurs raisons à cette collecte : mieux comprendre ce que les utilisateurs font de ses produits, améliorer l’expérience générale, mesurer l’efficacité de ses campagnes publicitaires (nous y sommes), la personnalisation des publicités ou encore la prévention des risques de sécurité.
L'entreprise assure n’avoir aucun moyen de relier ces informations à un internaute particulier, les données étant anonymisées. Sur ce point, il faudra néanmoins faire confiance à l’éditeur ou ne pas utiliser ses produits. Les données peuvent être gardées jusqu’à trois ans. Pendant ce temps, elles peuvent être amenées à quitter l’espace européen, vers des pays n’offrant pas les mêmes protections. En Chine ? Opera ne le précise pas, mais assure – là encore – qu’en de tels cas, le respect des lois européennes est exigé. On ne sait pas sous quelles conditions ni à quel degré.
La situation est d’autant plus trouble que l’entité Opera rassemble de nombreuses activités, même si le nom a changé (Otello). En 2019, face à l’érosion de ses parts de marché, particulièrement sa version mobile en Afrique, Opera a largement investi dans la fintech. Selon une étude menée par Hinderburg Reseach, le secteur est passé de 0 à 42 % de son chiffre d’affaires en un an. Selon l’institut, cette croissance s’est malheureusement faite sur la base de prêts à court terme aux conditions particulièrement prédatrices en Afrique et Asie.
Non pas que ces activités soient directement liées au sujet qui nous intéresse ici. Mais ce fond trouble participe peu à une aura de confiance qui peut s’étaler sur la page d’accueil d’un navigateur vantant les mérites de la vie privée. Un blocage des publicités et des traqueurs ne fait pas tout. En dépit d’une attitude plus agressive dans ce domaine, les pratiques en arrière-plan semblent bien loin de celles de la fondation Mozilla par exemple.
Sécurité : presque rien à envier à Chrome
En matière de sécurité en revanche, le paysage est beaucoup plus clair. Déjà parce qu’Opera reprend Chromium et l’ensemble de ses fonctions de protection. Comme on l’a vu avec Chrome, cette sécurité est poussée, ne serait-ce que par le fonctionnement inhérent du navigateur, que l’on retrouve dans Opera : un processus isolé par onglet. La contrepartie est une consommation de mémoire plus élevée et Opera ne fait guère mieux dans ce domaine que Chrome.
Le tableau général est complété par une très bonne réactivité d’Opera dans l’application des mises à jour de sécurité. Ce pourrait être une évidence pour certains, mais entre la disponibilité du code dans Chromium et son application, tout ne dépend que de la volonté de l’éditeur d’appliquer les changements. Ici, pas de problème donc.
Avec Firefox, Opera est également le seul à proposer directement un réglage concernant DNS over HTTPS. On le trouve rapidement dans les paramètres du navigateur en tapant « DNS » dans la barre de recherche. Une fois activé, Opera reprend le même fonctionnement que chez Mozilla : Cloudflare est sélectionné par défaut.
Nous avons déjà dit ce que nous pensions de ce choix, aussi bien dans notre article sur Firefox que dans notre série récente sur DoH. Les alternatives proposées sont les DNS publics de Google et l’adresse personnalisée.
On retrouve aussi la compatibilité avec les protocoles U2F/FIDO et WebAuthentication/FIDO2. Opera prend donc en charge les clés de sécurité USB et l’ensemble des solutions biométriques compatibles. Les webcams récentes compatibles FIDO2, les lecteurs d’empreintes digitales ou encore les clés Yubico et Titan (Google) peuvent donc être utilisés pour protéger les comptes par une authentification à deux facteurs.
Dommage d’ailleurs que cette capacité ne puisse pas être reprise pour la protection du compte Opera lui-même, responsable de la synchronisation des informations. Par défaut, les informations sont chiffrées avec le mot de passe du compte, mais l’utilisateur peut ajouter une phrase personnelle (par exemple une longue suite de caractères aléatoires générés par un gestionnaire de mots de passe) pour chiffrer ses informations, ajoutant un niveau de sécurité.
En cas de perte de cette phrase cependant, aucune procédure de récupération du compte ne sera possible, contrairement au mot de passe. L’accès aux données du compte se fait depuis une adresse spécifique. De là, il sera possible de réinitialiser les informations ou de supprimer le compte.
Les données de l’utilisateur resteront pendant sept jours sur les serveurs d’Opera, pour permettre un éventuel retour sur la décision. Après quoi, elles seront définitivement supprimées, selon l’éditeur.
Tout comme pour les autres navigateurs cependant, nous ne saurions que trop conseiller l’emploi d’un gestionnaire de mots de passe. D’abord parce que les extensions liées n’enferment pas dans un navigateur particulier, mais surtout parce que les outils fournis dépassent toujours largement ceux offerts par nos amis les butineurs.
Une solution comme BitWarden, Dashlane ou LastPass aura bien des avantages, dont la génération de mots de passe uniques, complexes et aléatoires.
La protection contre les malwares est assurée – sans surprise – par le Safe Browsing de Google. L’option est cochée par défaut dans les paramètres. À l’inverse de la partie vie privée où certaines cases peuvent éventuellement être décochées pour l’envoi de données, celle-ci devrait toujours rester active.
Fonctions générales : la force vive d'Opera
Voilà un domaine où Opera se distingue. Depuis sa version 15 presque vide, le navigateur a beaucoup évolué. Il se différencie largement de la concurrence aujourd’hui par une interface plus marquée et nombre de fonctions intégrées.
Le premier lancement d’Opera affichera d’emblée l’une d’entre elles : la barre latérale. Désactivable, elle concentre de nombreux raccourcis vers des messageries (Facebook Messenger, WhatsApp, Telegram et VK) gérant les notifications, la recherche instantanée (façon Spotlight de macOS), un accès direct à des fonctions classiques comme les favoris, la gestion des onglets, l’historique et les paramètres ou encore le Flow.
Cette barre est entièrement configurable, tous les éléments pouvant être affichés ou pas. La barre elle-même peut être masquée, même si elle peut vite se révéler très utile.
Le Flow est un genre de liste de lecture. Il s’active depuis Opera sur un appareil mobile (Touch). Il est lié au compte et permet de mettre de côté des articles, liens, images, vidéos et notes. Tous ces éléments seront partagés entre tous les appareils de l'utilisateur. C’est une approche différente de celle retenue par Microsoft dans Edge avec les Collections, mais elle est aussi plus souple car prenant en charge des contenus plus nombreux.
Plus récemment, Opera a ajouté les Espaces dans sa version pour bureau. Il s’agit de sections dans lesquelles on peut ranger des groupes d’onglets. L’idée est qu’un(e) internaute peut passer un certain temps sur des onglets liés à son travail, avant de vouloir passer à des activités plus ludiques ou des séances de shopping.
Auquel cas, il ou elle pourra basculer entre deux espaces, ces derniers pouvant être personnalisés par un nom, une couleur et une icône. Une idée simple, mais efficace.
Opera est également un navigateur assez personnalisable. Il possède des modes sombre et clair depuis longtemps, d’une facture assez réussie. La page Nouvel onglet peut accueillir un fond d’écran changeant de teinte selon le mode. Elle propose par défaut des suggestions, un champ de recherche et des actualités. Sur ces dernières, le navigateur fait un meilleur travail qu’Edge avec des sources plus variées et souvent un peu plus « sérieuses ».
Il se veut également un des plus agressifs dans le domaine de l’économie d’énergie. Un mode spécifique existe dans les options, activé par défaut. Sur un ordinateur fixe ou portable relié au secteur, il ne sert pas. Sur batterie en revanche, la gestion des onglets évolue, avec une mise en veille plus fréquente pour qu’ils consomment moins d’énergie. Opera clame également être un des moins gourmands pour la lecture des vidéos avec une accélération graphique maîtrisée.
Parmi ses signes distinctifs, Opera a en outre été le premier à permettre le détachement de la vidéo dans une page. Ce mode picture-in-picture est disponible au survol de la vidéo par la souris, une flèche apparaissant en haut. Une fois le contenu extrait, il s’affiche par défaut en bas à droite de l’écran. La fenêtre peut être redimensionnée et reste toujours au-dessus des autres, avec quelques contrôles de lecture.
Autre petit plus intelligent, l’affichage de plusieurs boutons lorsque l’on sélectionne un texte. Si vous surlignez un mot ou une phrase, Opera proposera automatiquement de le copier ou de lancer une recherche par exemple. Sur les devises, les unités et les fuseaux horaires, il est capable de proposer des conversions. La conversion des devises se fait en euros par défaut, mais ce choix peut se changer dans les paramètres.
Outre quelques autres fonctions plus ou moins sympathiques – comme la prévisualisation des pages au survol des onglets – il serait difficile de parler d’Opera sans les gestes à la souris. Ils s’effectuent tous en maintenant le clic droit enfoncé depuis un espace vide dans la page puis en effectuant un mouvement précis. Le plus connu est celui du trait vers le bas, qui provoquera l’ouverture d’un nouvel onglet. Le site officiel comporte une page dédiée à ces mouvements.
L’éditeur met largement en avant sa compatibilité avec le « Web 3 », lié à tout ce qui touche aux cryptomonnaies, aux blockchains et aux systèmes distribués. Opera intègre donc un portefeuille de cryptomonnaies, gérant essentiellement Ethereum pour l’instant. Ce support comprend les jetons ERC20 et les « Dapps » (applications distribuées).
Le portefeuille s’active à la manière du Flow, c’est-à-dire depuis l’application mobile. L’ensemble est ensuite synchronisé avec les versions pour bureau. Dommage cependant que seule la version Android propose une sécurité supplémentaire sous forme de mot de passe ou de code PIN, et pas la mouture iOS. Il faudrait également que le navigateur puisse reprendre les protections biométriques disponibles sur les smartphones.
Opera est en fait loin devant Chrome et Firefox en matière de fonctions intégrées. L'éditeur le sait et n'hésite pas à publier sur son site officiel un tableau comparatif clairement en sa faveur.
On pourrait aussi reprocher à Opera certaines carences plus générales. Nous en signalerons deux. D’abord, l’impossibilité d’installer des Progressive Web Apps (PWA), alors même que le code est celui de Chromium. Ensuite, l’absence totale d’un mode lecture, alors qu’il s’agit d’une fonction de base depuis belle lurette pour les navigateurs. Même Chrome en possède un, bien qu'il soit réduit à la portion congrue.
Synchronisation, applications et extensions
La synchronisation proposée par Opera comprend les favoris, l’historique, les paramètres, les mots de passe, les onglets ouverts et le Flow. Il n’y a pas grand-chose à en dire de plus, si ce n’est que le navigateur fait mieux qu’Edge (qui se contente de peu pour l’instant), mais moins bien que Chrome. Ce dernier garde pour lui la synchronisation la plus large de tout le comparatif, avec notamment la réinstallation automatique de toutes les extensions.
Concernant les applications, Opera est sur ordinateur disponible pour les trois plateformes principales : Linux, macOS et Windows. Les versions mobiles sont présentes sur Android et iOS et se découpent en deux branches : Mini et Touch. La première est ancienne et est destinée aux anciens appareils, tandis que la seconde est beaucoup plus moderne.
Opera Touch est un navigateur agréable dont la particularité est de proposer une zone en bas pilotable au doigt pour effectuer des actions, même si au premier lancement c’est bien la barre classique en bas qui est proposée.
L’application mobile propose de nombreuses options qui peuvent avoir un impact fort sur un smartphone, donc le blocage des publicités, désactivé par défaut. Ce dernier, s’il est actif, peut apporter un réel gain d’autonomie, sans parler des pages qui peuvent se charger nettement plus rapide, même si ce blocage n’a rien de spécifique à Opera.
Ce dernier bloque également par défaut les mineurs de cryptomonnaie et peut bloquer (optionnellement) les boites de dialogues liées aux cookies, qui seront alors acceptés ou non automatiquement.
La version mobile sert de base, comme nous l’avons vu, à certaines fonctions comme le Flow ou le portefeuille de cryptomonnaies. Un choix finalement étrange, car – au moins pour le Flow – on a du mal à imaginer ce qui empêche son activation depuis une version de bureau et sa synchronisation par le compte.
Le choix d’un QR Code parait donc incongru, mais peut s’expliquer par une absence : Opera Touch ne peut pas se connecter au compte maison, contrairement à Opera classique pour Android (qui n'existe plus pour iOS). Un manque que l’on espère voir corrigé dans une prochaine version.
En ce qui concerne les extensions, l’approche retenue est la même que pour Edge, ou presque. Opera propose par défaut une boutique d’extensions à lui, en fait des extensions Chrome vérifiées par l’éditeur pour s’assurer de leur bon fonctionnement. On y trouve nombre de contenus très courants comme Evernote, LastPass ou Privacy Badger.
Mais comme pour Edge, on peut se rendre directement sur le Chrome Web Store pour piocher dans le vaste catalogue des extensions pour le navigateur de Google. Pas de bandeau d’avertissement de la part de ce dernier, contrairement à une visite depuis Edge. Pour installer une extension Chrome, Opera vous avertira que vous aurez besoin d’un module supplémentaire pour activer la compatibilité. Il s’installera automatiquement si l’utilisateur poursuit. Dans tous les cas, les extensions ne sont disponibles que pour les navigateurs de bureau.
Après quoi, on pourra librement visiter les pages d’extensions et ajouter celles que l’on souhaite. Le bouton vert « Ajouter à Chrome » est remplacé par « Ajouter à Opera » pour qu’il n’y ait aucune confusion possible. Un bon point, car Edge laisse cet aspect de côté. Pour un nouvel utilisateur, l’information peut en effet être perturbante.
Un navigateur intéressant, mais…
Si l’on reste dans les généralités, Opera est un navigateur qui a toutes ses chances. Il se distingue suffisamment pour ne plus être accusé d’être un clone Chrome – tout en reprenant ses avantages – et possède nombre de fonctions qui le rendent agréable au quotidien.
Car oui, Opera est un navigateur efficace dont l’interface a été suffisamment bien réfléchie pour convenir aussi bien aux néophytes qu’à des utilisateurs plus exigeants. On peut se sentir « pris en main » par un produit donnant rapidement l’impression que tout a été pensé pour nous rendre plus efficaces, surtout en évitant de faire des clics inutiles. La barre latérale se révèle à ce titre très efficace.
Mais puisque la vie privée est le fil conducteur de cette série d’articles, le tableau s’assombrit. Pour une personne n’ayant que faire de ces questions, Opera vaut le coup d’œil. Si vous êtes en revanche très pointu sur ces sujets, Opera ne peut clairement pas être recommandé.
Les activités récentes de l’entreprise dans le domaine de la fintech, son VPN qui n’en est pas un et son rachat par un fonds d’investissement chinois ont largement de quoi faire douter des objectifs de l’éditeur.
Il est arrivé trop souvent que des logiciels, sous couvert d’interfaces réussies et de fonctions intelligentes, se trouvent finalement être des aspirateurs à données personnelles. Au vu des conditions d’utilisation et des termes employés dans la gestion des données, il ne nous semble pas qu’Opera puisse être ainsi qualifié.
Cependant, le flou de la situation invite à la plus grande prudence.