Le CEA annonce avoir produit des cellules photovoltaïques organiques ayant plusieurs propriétés intéressantes : fines, flexibles, avec un rendement « record ». Les chercheurs espèrent qu’elles seront utilisées d’ici trois ans comme source d'énergie pour l’Internet des objets, notamment pour différents capteurs.
Il y a peu, nous expliquions comment certains objets connectés récupèrent de l’énergie ambiante pour être autonomes. Différentes technologies peuvent être utilisées pour cela, principalement grâce à des transducteurs ayant une source d’énergie mécanique (vibrations, pression), thermique (différence de température), (électro)magnétique (ondes) ou lumineuse (photovoltaïque). Ce dernier cas intéresse particulièrement le CEA.
Après six mois de recherche en collaboration avec le spécialiste japonais de la chimie Toyobo, ils ont fabriqué « de petites cellules photovoltaïques organiques (PVO) sur un substrat en verre qui ont obtenu le meilleur rendement de conversion au monde dans une pièce sombre ». Mais au-delà de l’effet d’annonce, la société a un projet.
Dans les années à venir, elle souhaite (entre autres) « faire de ce matériau la source d'énergie sans fil pour l’Internet des Objets, à l’image des capteurs de température-humidité et de mouvement ».
Les chercheurs revendiquent 60 % de rendement supplémentaire
Rappelons que le CEA et le Japon ont une histoire chargée en collaborations, sur des domaines aussi divers et variés que le calcul haute performance, les réacteurs à neutrons rapides, l’intelligence artificielle et évidemment le photovoltaïque. Preuve supplémentaire si besoin, la tenue des CEA Tech Days au pays du Soleil levant depuis plusieurs années.
En juin 2019, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives signait un accord de recherche avec la société Toyobo dans le domaine de la technologie photovoltaïque organique (PVO ou OPV dans la langue de Shakespeare). Les deux entités sont complémentaires : le CEA apporte son expertise sur le sujet, Toyobo étant spécialisé dans la chimie fine, la production de film d’emballage, de produits liés à l'environnement et de bioproduits.
Le CEA rappelait alors que les perspectives de cette technologie étaient vastes puisqu’elle devrait permettre de « produire des cellules solaires flexibles, semi-transparentes, légères et peu coûteuses, ouvrant la voie à une intégration à grande échelle des technologies solaires dans les façades des bâtiments, les fenêtres, les dispositifs Internet des objets et les applications d'intérieur ». Il fallait encore passer de la théorie à la pratique.
Les travaux ont été réalisés à l’INES (Institut national de l’énergie solaire) et ils ont porté leurs fruits puisque les deux partenaires annoncent en cœur rien de moins que la fabrication « de petites cellules PVO sur un substrat en verre avec le meilleur rendement de conversion au monde ».
Ainsi, avec un éclairage au néon de 220 lux, « équivalent à la luminosité d'une chambre sombre » selon le CEA, les cellules photovoltaïques organiques auraient atteint un rendement de conversion d'environ 25 %, « soit 60 % de plus que celui des cellules solaires en silicium amorphe couramment utilisées pour les calculatrices de bureau ».
Selon les mesures de la société Toyobo, ces dernières ne dépasseraient en effet pas les 16 % de rendement. Le CEA revendique ainsi le « record mondial de rendement pour de petites cellules photovoltaïques organiques ».
Les avantages du photovoltaïque organique
Déposer des cellules photovoltaïques sur du verre (un matériau rigide) est une première étape, mais il faut ensuite passer la seconde avec un substrat de film PET (une forme de plastique), une opération « plus complexe », reconnait le CEA.
Les chercheurs ont également pu développer des prototypes de modules photovoltaïques organiques placés sur un substrat de film PET d’une superficie de 18 cm². Résultat des courses : une production d’énergie de 130 microwatts dans la pièce que nous évoquions précédemment (220 lux). D’autres avantages des cellules PVO sont mis en avant : « La flexibilité, la légèreté (inférieure à 1 kg/m2) et la finesse (inférieure à 1 mm) des modules, qui permettent une intégration sur des supports souples à faible rayon de courbure, comme des films, des textiles ».
De plus, ces cellules seraient une « alternative efficace aux cellules solaires à base de silicium dont le coût énergétique et carbone à la fabrication est très important ». Bref que des avantages sur le papier, du moins si la technique de fabrication est maîtrisée. Par contre, la durée de vie des cellules PVO n’est pas précisée par l’un ou l’autre des partenaires.
Et maintenant ?
Le CEA explique que Toyobo prévoit maintenant « de proposer ce matériau notamment aux fabricants de cellules solaires […] L'objectif est qu’il soit utilisé d'ici mars 2023 essentiellement comme source d'énergie sans fil pour les capteurs de température-humidité et de mouvement ».
De tels capteurs pourraient alors être autonomes en énergie, c’est-à-dire se passer de pile ou de fil. Pour rappel, dans les produits EnOcean il existe déjà depuis longtemps des interrupteurs et boutons connectés sans fil ni pile, mais ils se servent de l’énergie générée par l’appui pour envoyer le message.
Dans tous les cas, le CEA « attend donc beaucoup de la PVO comme source d'énergie sans fil pour les capteurs et les appareils portables, qui sont indispensables à l'internet des objets (IoT) ». Ce n’est néanmoins que le début de l'aventure. Il faut maintenant que cette technologie soit adoptée et qu’elle passe par l’étape de l’industrialisation.