FAI : quelle réglementation pour éviter la surcharge ?

Télétravail vs Netflix
Internet 6 min
FAI : quelle réglementation pour éviter la surcharge ?
Crédits : mattjeacock/iStock

« Coronavirus : les opérateurs n'excluent pas de limiter l'accès à Netflix et YouTube au profit du télétravail » (le JDD). « Opérateurs et hébergeurs se préparent à une augmentation du trafic Internet » (Le Monde). « Des mesures peuvent être prises de manière temporaire pour éviter que la consommation de certains pénalise celle des autres », dixit Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms (LCI) . Qu’en est-il sur le terrain juridique ?

Le confinement, qu’il soit conseillé ou recommandé, couplé au basculement massif vers des solutions de télétravail, va nécessairement engendrer des pics de consommation (voir la situation en Italie).

Sur ce point, les opérateurs sont en mesure d'adapter le dimensionnement sur le réseau « pour pouvoir absorber le mieux possible les pics de consommations » assure le numéro 1 de la FFT. « Cependant, cela ne dispense pas les Français de faire preuve de civisme et d'être raisonnables quant à leur consommation ».

Que disent les textes sur ces points particuliers ? Le règlement européen du 25 novembre 2015 « établissant des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert » pose un principe simple : les FAI ne peuvent traiter différemment des situations comparables, ni même d’ailleurs traiter de la même manière des situations différentes, sauf si ce tel traitement est « objectivement justifié ».

Dans le détail, le règlement n’interdit pas aux fournisseurs de services d’accès à l’internet « de mettre en œuvre des mesures raisonnables de gestion du trafic ». Cependant, elles doivent être transparentes, non discriminatoires et proportionnées, ni fondées sur des considérations commerciales.

Si elles existent, elles doivent en outre reposer « sur des différences objectives entre les exigences techniques en matière de qualité de service de certaines catégories spécifiques de trafic ».

Contre la congestion, les FAI peuvent aller au-delà de la gestion raisonnable 

Toutefois, la situation actuelle nous fait sortir peu à peu de ce cadre normal. Des mesures permettent d’aller au-delà de cette « gestion raisonnable ». Elles sont explicitement prévues pour « éviter une congestion imminente du réseau » ou en atténuer ses effets.

Le cas typique ? Celui d’une « congestion exceptionnelle » à savoir « des situations imprévisibles et inévitables de congestion, tant des réseaux mobiles que des réseaux fixes ».

Les causes possibles sont multiples : défaillance technique, modifications inattendues dans l’acheminement du trafic, mais aussi « d’importantes augmentations du trafic sur le réseau dans des situations d’urgence ou d’autres situations échappant au contrôle des fournisseurs de services d’accès à l’internet ».

Mais même dans ces situations, les FAI n’ont pas la liberté de tout faire. Le règlement les oblige à respecter un principe de proportionnalité. Il « exige que les mesures de gestion du trafic fondées sur cette exception traitent de manière égale des catégories de trafic équivalentes ». En clair, une saturation autoriserait certes les fournisseurs à serrer la vis par catégorie, sans cibler tel ou tel service commercial déterminé.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul 

« Globalement le réseau tient plutôt bien », commente Me Alexandre Archambault, autrefois directeur des affaires règlementaires de Free et qui concède que « des problèmes peuvent se produire en bout de chaine, à des niveaux qui ne relèvent pas nécessairement de la responsabilité des FAI, comme le dimensionnement par le fournisseur de service de ses liens d'interconnexion et/ou de sa plateforme de serveurs informatiques » .

Les stratégies diffèrent selon les services en ligne. Netflix sait adapter son flux sans imposer systématiquement la 4K sur tous les écrans. Côté opérateur, les pistes sont multiples : augmentation des capacités, ou « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». « Et si on ne le fait pas, le réseau peut saturer, être finalement hyper déceptif. Le plus grand danger ? Les comportements irresponsables, comme dans la vraie vie ».

Légalement, insiste le juriste, « le règlement européen prévoit cette possibilité en l’assortissant de garde-fous, des mesures qui ne sortent pas du cerveau des opérateurs », mais plutôt des autorités. « Si on dégrade la vidéo, c’est toute la vidéo pas seulement Netflix. Au niveau national, le cadre est déjà là. Les quatre principaux fournisseurs d’accès sont des opérateurs d’importance vitale. Ils doivent se conformer aux directives et instructions des autorités. La situation actuelle rentre dans cette hypothèse, celle d’un péril sanitaire qui met en jeu la continuité de l’activité et l’indépendance de la nation. On est dans une situation majeure ».

Dans cette situation de crise, « les cadets des soucis des opérateurs sont bien ces éléments colportés par le complotisme, celui qui laisse penser qu’ils vont tuer la neutralité du net. Ces mesures sont actées et sont dans la loi tant nationale qu’européenne ».

Faire face aux augmentations de trafic

Pour faire respecter ce principe de neutralité, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a conféré à l'Arcep de nouveaux pouvoirs d'enquête et de sanction à l'encontre des opérateurs.

« Nous avons des échanges avec les opérateurs pour veiller à ce qu’ils puissent faire face à ces augmentations de trafic », nous concède l’Autorité de régulation des télécommunications. C’est le secrétariat d’État au numérique qui gère ces questions. De notre côté, nous voudrions plutôt apaiser, ne pas entrer dans de la politique-fiction. On ne parle pas de choses qui pourraient ne pas se poser ».

« Nous ne constatons pas de surcharge des réseaux liée à l’augmentation du télétravail et des usages. Ils sont, à ce stade, correctement dimensionnés. Le gouvernement suit la situation avec l'Arcep, garante de la neutralité du net, et les opérateurs » a d’ailleurs réagi Cédric O, sur son compte Twitter. .

Du côté de l'autorité, « les échanges restent nourris entre les opérateurs sur l’évolution de la situation. Le principe de neutralité doit être respecté, le règlement européen prévoit des modalités particulières en cas de congestion pour les prévenir ou limiter leurs effets. Si des mesures sont mises en œuvre, c’est sous le contrôle étroit de l’autorité. Mais nous n’en sommes pas là ».

Au passage, « le rapport sur l'état de l'internet en France de l'Arcep montre qu'il existe une marge entre le trafic constaté aux interconnexions et le dimensionnement desdites interconnexions, même si évidemment on ne peut pas exclure des congestions ponctuelles impactant certains opérateurs » (pages 28/29).

Cyber : aucun événement d’importance à signaler 

Opérateurs d'importance vitale, les FAI doivent aussi être à l'écoute de l'ANSSI. Commentaire de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information sur ces questions  : « La crise sanitaire que nous vivons n’est pas une crise cyber et, pour le moment, aucun événement d’importance en lien avec la crise n’est à signaler dans ce domaine. L'ANSSI reste très attentive, la période étant propice à la conduite d’attaques d’opportunité ». 

Pour l'heure, donc, « les organismes du secteur privé et du secteur public (et donc les opérateurs de télécommunication), restent chargés d'assurer la sécurité de leurs systèmes d'information. Les différentes recommandations de l'ANSSI sont accessibles à tous et à tout moment sur le site de l'agence » (lien).

« Dans la période actuelle durant laquelle la priorité est naturellement la gestion de la crise sanitaire, le fonctionnement habituel des organisations est perturbé et de nombreuses personnes ont recours au télétravail grâce aux facilités qu’offre le numérique ». Elle nous rappelle au passage l’existence de son guide sur le nomadisme numérique « qui donne des recommandations sur le télétravail et la sécurisation des accès distants au système d’information d'une entité ». 

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